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     UN POÈTE PRIX NOBEL : RABINDRANATH TAGORE (1861-1941)

   Dêva KOUMARANE


     Cette année deux « événements », entre autres, ont retenu particulièrement mon attention : Le 150ème anniversaire de TAGORE,  l’Année des OUTREMER qui commence (mieux vaut tard que jamais !) à tisser des liens d’amitié entre les ultramarins, puis entre eux et les Métropolitains et aussi entre les Français et le monde.

L’Unesco a un nouveau projet : « TAGORE, NERUDA, CESAIRE pour un universel réconcilié ». Il a pour principal objectif « d’inspirer la réflexion, dans les milieux artistiques, sur les valeurs universelles de notre humanité ! ».

Madame Irina BOKOVA, Directrice générale de l’Unesco, en parlant d’eux dit : « Bien qu’évoluant chacun dans des sphères culturelles distinctes, et ne s’étant presque pas croisés au cours de leurs vies, ces trois géants de la pensée et de la poésie ont développé des visions convergentes » (Le courrier de l’Unesco – Avril – Juin 2011, page 53).

L’indien Rabindranath TAGORE, le chilien Pablo NERUDA, le français d’origine martiniquaise Aimé CESAIRE ont mis leurs poésies au service de l’humanité tournée vers ce nouvel horizon sur lequel devraient pouvoir se rencontrer les merveilles du dialogue des cultures et les beautés de la Paix universelle. Pour Alphonse de LAMARTINE la Poésie est la diversité du langage.

Les originaires de l’Outre Mer ne peuvent pas être insensibles à cette brise qui leur vient de l’immense Pacifique, du Golfe du Bengale, de la mer des Caraïbes, surtout quand cette brise si parfumée  n’a d’autre but que de nous chanter la divine, l’humaine et l’intelligente poésie.

« La Poésie est toujours un acte de paix. Le poète naît de la paix comme la paix nait de la farine ». Pablo NERUDA (Courrier de l’Unesco – 2011 n° 2)

« La révolution martiniquaise se fera au nom du pain, bien sûr, mais aussi au nom de l’air et de la poésie ». Aimé CESAIRE (Courrier de l’Unesco – 2011 n° 2).

« Chacun de nous est comme un vers isolé dans un poème, il sent bien qu’il rime avec un autre vers et qu’il doit le trouver sous peine de ne jamais s’accomplir » Rabindranath TAGORE (Courrier de l’Unesco – 2011 n° 2)

Pablo NERUDA (1904-1973), poète chilien, fin diplomate, dramaturge engagé, défenseur des civilisations amérindiennes, de la liberté, de la justice sociale. Sa poésie fut couronnée du prix Nobel en 1971.

Aimé CESAIRE (1913-2008), poète, homme politique, fondateur avec L.S. SENGHOR du Mouvement de la négritude, fut la voix des ultramarins et des peuples colonisés, notamment des peuples africains.

Rabindranath TAGORE naquit en Inde le 6 mai 1861, sur la terre bengalie à la fois poétique, multiconfessionnelle, politique, spirituelle, philosophique, révolutionnaire.

Il alla vers le monde à travers les rayons himalayens de l’Inde. Il aima l’Inde à travers l’Arc-en-ciel du monde. Il fut le premier Prix Nobel non-occidental. A la suite de la parution en anglais du GITANJALI il fut couronné du Prix Nobel de littérature en 1913. L’écrivain français André GIDE le traduisit en français en le dotant de ce titre musical : l’Offrande lyrique.

THAKUR (en bengali) parait dans ses vers comme un saint-poète de l’Inde antique, un philosophe se délectant de la spiritualité, un musicien aimant la douceur de la vie, un peintre saisissant les mystères de la nature, les subtilités de la condition humaine, un politique préférant le combat du dialogue des idées.

En 1961 le centenaire de sa naissance fut célébré un peu partout à traves le monde. La France, un pays où il avait des amis, des admirateurs, lui rendit un vibrant et fraternel hommage à travers des expositions, colloques, conférences. Romain ROLLAND, un ami de GANDHI et de TAGORE, disait du poète bengali sans mâcher les mots : « Il irradie une harmonie qui est belle et bienfaisante. Aucun des artistes vivants ne m’a fait une impression aussi pure et presque religieuse ». Des éminents indianistes, écrivains, poètes et politiques français qui furent présents sur cette terre en cette année-là, gravèrent des très beaux textes poétiques sur un présent incrusté d’un précieux hommage de la France à Rabindranath TAGORE pour le centenaire de sa naissance. (Paris – Institut de civilisation indienne 1961). Jean COCTEAU lui offrit une Gerbe : « Le public aime mieux reconnaître que connaître. Mais TAGORE exige d’être vécu… Je dépose ma gerbe invisible sur la tombe où il imite mal les morts ».

SAINT-JOHN PERSE (pseudonyme d’Alexis LEGER) eut le bonheur, dans sa jeunesse, de rencontrer Rabindranath TAGORE à Londres. Ce prénom de TAGORE pourrait être traduit en français par Maître du soleil ou Prince du soleil.

Ce Poète, natif des Antilles françaises, lui composa un Message plein de souvenirs : « Ce rendez-vous d’Asie pris avec l’homme d’occident, nous le tenons. TAGORE, poète, se survit. La France lui redit sa fidélité à tout ce qu’il aima d’elle. Et le grand pèlerin des Indes reprend sa route parmi nous ».

Alain DANIELOU, musicien et philosophe, lui confia les notes musicales de son cœur : « Il croyait à sa mission internationale. Il travaillait pour l’humanité tout entière. Il pensait que la poésie, la musique doivent rapprocher les peuples et permettre à chacun de nous de mieux comprendre l’intelligence des êtres différents de nous en prenant contact avec leur sensibilité et leurs émotions ».

Jean FILLOZAT, universitaire et indianiste, le salua en des termes éloquents :

« Ce qu’il avait perdu c’était le rêve dans la solitude, la jouissance intime du poète, non point sa nature et, s’il l’avait perdu, c’était pour nous l’avoir donné à nous tous : les hommes de tout l’univers ».

A l’occasion de son cent cinquantième anniversaire nous qui aimons la Poésie, l’universalité, nous devrions lire ces poèmes même si nous négligeons de parcourir les pages de ses nombreuses biographies.

Il quitta ce monde le 7 août 1941 sans avoir vu le soleil briller sur les couleurs du drapeau de l’Inde libre, souveraine, démocratique et laïque. L’Inde et le monde lui manqueront dans son long sommeil. Les choses invisibles, spirituelles tiendront compagnie à son Eveil dans l’univers cosmique.

L’un de ses poèmes se hissa, à juste titre, au mât de l’Etat indien pour devenir l’hymne national de la République indienne.

Il aimait voyager pour rencontrer des personnes appartenant à d’autres cultures que la sienne. Il leur fit part de son intention de fonder une université internationale : SANTINIKETAN ; Elle vit le jour et continue d’exister. Il n’avait pas eu le bonheur (ou l’occasion, peut-être ?) de se rendre en Afrique. Il était conscient des souffrances des enfants de ce continent aux mille et une richesses.

Ouvrons largement nos deux oreilles pour entendre le cri du Poète :

« O, Afrique ! Tu es reléguée derrière un rideau noir. Ce rideau empêche, ceux, habitués à assister à des scènes obscures, de connaître ta grandeur humaine.

Ceux qui y sont arrivés, au nom de la civilisation, te gouvernent sans vergogne, inhumainement.

Tu as pleuré, mais tes lamentations ont été réduites au silence.

Tes vêtements purs sont tachetés de larmes et de sang.

(Dans Rabindranath TAGORE et son Œuvre, par rtn. S.MARCANDANE – page 50, Pondichéry, Inde 1963).

L’Afrique, l’Inde et la France ont semé quelques unes de leurs racines dans les Départements et les Territoires d’Outre Mer français. Elles sont, malgré tout, vivantes.

L’Outre Mer est riche et le sera encore davantage quand les cultures africaines, indiennes, européennes s’entendront entre elles pour bâtir un monde poétique, si cher à cet autre poète martiniquais, non moins célèbre, Edouard GLISSANT.

Il faudrait profiter de cette Année des Outre Mer pour regarder comme des enfants vers le XXIème siècle. Que 2011 soit l’année de la Lumière des Outre Mer !

Ce siècle ne sera certainement pas divisé comme au XXème siècle entre deux catégories de peuples : les colonisateurs-dominateurs et les colonisés-dominés. Cette époque est révolue. A partir d’aujourd’hui chaque être humain, chaque peuple, chaque nation, chaque culture, chaque langue, devrait avoir une place honorable dans ce monde. Chacun d’entre nous, chacune d’entre nous peut écrire sur ce ciel infini une ligne, une page ou un livre de son histoire, de sa pensée, de son rêve, de son espoir, de sa foi en l’humanité.

Peut-on terminer un article (même modeste), sans citer quelques vers tirés du Gitanjali, de l’Offrande lyrique ?

Ils viennent nous chanter la vie : « Un jour je rencontrerai la Vie en moi, la joie qui se cache dans ma vie, quoique les jours troublent mon sentier de leur inutile poussière » (page 107).

« L’âme du poète danse et plane, sur les vagues de la vie parmi les voix des marées et des vents » (page 109)

« Tout le printemps des paysages et des rivières monte comme un encens dans mon cœur, et le souffle de toutes choses chante en mes pensées comme une flûte » (page 151). (TAGORE, L’offrande lyrique, la corbeille de fruits – Gallimard - 1963)

Bon anniversaire, Cher Poète.                                              

© Dêva Koumarane, 2011

 

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