...Vous avez la parole sur
Indes réunionnaises
    

     PRINCIPALES ÉTAPES DE LA MARCHE SUR LE FEU.

   Laurent GOVINDIN


     ECHOS DE CELEBRATIONS : Des “Marche sur le Feu” de cette fin d’année 5108


Chapelle front de mer Ste Suzanne

   De l’Inde natale à la Réunion : arrivée des engagés indiens. 1848, une date porteuse d’espoir pour de nombreux esclaves réunionnais. En effet, l’abolition de l’esclavage devient officielle et tous les esclaves retrouvent alors une liberté tant espérée. Leurs maîtres, colons de surcroît, deviennent alors désorientés. Se pose ainsi pour ces derniers, un problème majeur : comment allaient-ils pouvoir remplacer ces hommes et ces femmes, esclaves depuis pas mal de temps, qui effectuaient pour eux les tâches les plus pénibles ? La solution ne tarda pas à faire son bout de chemin. L’idée de faire appel à une main d’œuvre étrangère est toute trouvée. C’est ainsi qu’un bon nombre d’indiens décidèrent de quitter leur terre natale, pour venir à la Réunion, chercher une vie bien meilleure, qui les éloignerait pour toujours de cette misère qui les affectait un peu plus chaque jour. Arrivés sur cette petite île au sud de l’Océan Indien, ces indiens étaient mis en quarantaine dans les fameux “Lazarets” de la Grande Chaloupe, avant de se mettre réellement à la tâche. Une fois cet isolement sanitaire terminé, un contrat de travail était signé avec ces indiens, sous la forme d’un livret. C'est ainsi qu’ils furent désignés par le terme d’“engagés” Dans ce livret était consigné leur droit au logement, leur lieu de travail, ainsi que la quantité de nourriture qui devait leur être accordée par leur employeur. Une nouvelle vie commençait alors pour eux, loin de leur Inde natal. Cependant, leur situation ne s’arrêtait pas là. Ils réclamèrent à leurs employeurs la possibilité de posséder un lieu où ils pourraient exercer le culte de leurs nombreuses divinités. Cette requête leur a été accordée par la grande majorité des propriétaires des établissements sucriers. Et c’est ainsi que près des usines, des temples ont été érigés. A la fin de la campagne sucrière de décembre, ces engagés profitèrent de quelques jours de congés pour célébrer l’un des temps fort de leur religion, la marche sur le feu en l’honneur de la Divinité Draupadi.

Les étapes importantes du déroulement d’une Marche sur le Feu
  
La marche sur le feu, l’épreuve du feu sacrificiel demeure un acte religieux hautement important dans la vie d’un pratiquant hindou. La perpétuation de ce rite à la Réunion résulte d’un héritage cultuel laissé par les engagés indiens. Ces rituels ne cessent de retrouver , d’année en année une importance grandissante, confortée et consolidée au sein du monde religieux hindou insulaire. Ils ont pour support, une
des épopées de l’hindouisme, le Mahâbhârata, communément appelé chez nous, “Barldon” ou “Maga Barldon”. Les cérémonies s’étalent sur dix-huit jours. -

 

“l’Amar Cap”. Le premier jour de ces prières est essentiel et plein de solennité. Les pénitents - ceux qui ont fait vœu d’exprimer leur foi à Sakti- marquent leur engagement devant Dieu et les hommes. Une cordelette chargée de signification hautement symbolique et sacrée est alors attachée au poignet de ces dévôts. Cette première phase des cérémonies, le “kangganam Kattou”, est couramment appelée “ cérémonie Amar Cap”. Pendant dix-huit jours de préparation et de prières intenses ponctuées des reproductions narratives, chantées et dansées - aux sons typiques du “oulké”, du “tarlon” et du “matalon” - des scènes les plus importantes, des “zistoir”, des héros déifiés de cette grande épopée, les cérémonies rythmerons leur vie jusqu’à la grande épreuve finale. Une période d’abstinence et d’observances particulières commence alors pour ce groupe de coreligionnaires en carême. Toutes les divinités du temple sont vénérées, implorées par des “poujâs” quotidiennes qui ont lieu généralement le soir à la sortie du travail.. Les pénitents, qui habituellement prennent leurs dispositions pour se rendre disponibles, dans cette communion sont soutenus par les membres de leur famille.

“Cérémonies 32 morceaux”.  Un autre grand moment -important- également rempli de symbolisme et de mysticisme caractérise ces rituels. “Alvan Catapoulli” ou “Aravan Kadabali” est une cérémonie importante dédiée au fils d'Arjouna, personnage clé du Barldon. Des variantes existent dans le programme des festivités au niveau de son jour de célébration suivant les habitudes des “koïlous” ; soit huit jours avant celui des rituels de l’épreuve pour certaines chapelles, soit au soir de la veille du grand jour pour les autres. La mémoire populaire dénomme ces rites sous leur forme expressive de “cérémonies 32 morceaux” car un coq est sacrifié et découpé en 32 morceaux pour retracer l’offrande à Srî Mahâkâli du courageux guerrier Alvan, homme parfait du clan des Pandavas qui fit don du sacrifice de sa personne. Cette épisode du grand sacrifice d’Aravan, cet acte suprême symbolisant le Don du Soi, considéré comme le pivot central de la guerre opposant Arjouna et les siens à leurs cousins Kauravas, est aussi un moment privilégié des rites du Barldon de la Marche sur le Feu. A ce stade de notre relation, il serait bon de faire ici état de la particularité caractéristique du Temple de Bernica qui est, pour ainsi dire, une de ses marques distinctives notoires. Cette cérémonie d’Alvan qui a lieu le samedi de la semaine d’avant celle de la marche sur le Feu ressemble en tous points à un “service Karli” où plusieurs cabris et coqs sont sacrifiés et cuisinés pour être partagés dans la nuit à toute l’assistance nombreuse ainsi qu’aux pénitents. Au titre des échos, nous pouvons souligner ici que ce koïl, dirigé et administré par une association a pu donc organiser ses festivités traditionnelles dédiées à Srî Pandialé Ammen du 29 novembre au 16 décembre 2007. Tout comme d’ailleurs sa “Fête Karli” annuelle le 21 octobre d’avant. Sans coupure donc, après la disparition de Tonton Mardé, comme ce fut le cas également dans le temps, par exemple, pour celle de Tonton Manicon ou pour celle d’autres dirigeants à quelque titre que ce soit. Autre fait singulier relevé et qui concerne cette fois-ci le Temple de Sans-Souci, les “cérémonies de 32 morceaux” se tiennent là-aussi pareillement huit jours avant. Mais ici le traditionnel coq est remplacé par la citrouille de chine. Dans ce Temple dédié à Srî Vishnou, aucun sacrifice d’animal n’est pratiqué lors des rituels de la Marche sur le Feu. Pas même le grand jour sur le lieu du rituel. De telles offrandes ont lieu le lendemain au cours de cérémonies dites “de remerciement” qui se déroulent dans un petit sanctuaire à proximité.

“Mariage Bon Dieu”. Pour revenir à notre déroulement, le dix-septième jour est marqué par un autre événement tout aussi important, celui des cérémonies appelées “Mariage Bondieu” ou “Kalyanam” retraçant l’union de la Déesse Draupadi et d’Arjouna, les personnages centraux du Mahâbhârata. Toute la nuit est marquée par la représentation sous forme théâtrale, de cet épisode de l’épopée, l’histoire des conditions de l’union et les rituels du sacrement. Les cérémonies propres au mariage débutent généralement vers les vingt heures passées après les “poûdjas” quotidiennes à toutes les divinités, avec le “valsé” (l’expression employée étant “tire valsé). De somptueux plateaux d’offrandes (riches en fruits variés, en gâteaux divers, en vêtements, en parfums, en fournitures de cérémonie, en “marleïs” joliment préparés…) sont récupérés par le pusari, lors du cortège quittant le temple aux sons traditionnels des tambours cérémoniels, au domicile des fidèles avoisinants. Ces présents aux “futurs époux” serviront donc pour l’organisation des célébrations du sacrement. Ces processions, nocturnes dans l’entourage, retournées, la scène du tir à l’arc, où Arjuna sous les traits d’un vieil homme âgé parmi les autres valeureux princes et seigneurs du royaume, est le seul à réussir l’épreuve, est mise en œuvre. Ces prouesses lui valent donc la main de Pandialé. Le mariage, sous la bénédiction des autres Dieux du temple, se déroule dans le “maninvélé” avec les principales phases comme nous le connaissons pour la bénédiction nuptiale traditionnelle entre deux humains. Là aussi, il faut préciser que si d’une façon généralement répandue, les cérémonies du Tirou Kalyanam de Draupadi et d' Arjouna se tiennent au soir de la veille des rituels de l’épreuve sacrificatoire, des temples de notre connaissance ont pour coutume de célébrer ce temps forts des festivités le dimanche d’avant, huit jours auparavant donc. Des lieux de culte qui, à notre avis, se trouvaient de par leur histoire, sous les mêmes influences ancestrales. Il s’agit du Temple Pandialé de la Rivière Des Galets et celui de La Mare Sainte-Marie qui respectivement organisent leurs “marche sur le Feu” le premier dimanche de décembre et le 3 janvier quelque soit le jour. Ces deux “koïlou” ont connu depuis longtemps et très loin même, les mêmes autorités religieuses dirons-nous. Le Temple de P’tit Pointe qui s’est transformé au début des années quatre-vingt dix en chapelle célébrant ces rites et dont les responsables ont reçu toute leur culture de cette tradition dans l’autre lieu de culte du quartier, célèbre aussi le “Mariage Bondieu” huit jours avant les cérémonies de la Marche sur le Feu. A noter aussi que, certainement pour cette raison ci-dessus, ces trois lieux pratiquent la cérémonie 32 morceaux” la veille au soir du grand jour. De nos jours, certaines chapelles, pour des raisons d’assistance du public et aussi pour une meilleure gestion et organisation du timing de leurs festivités, préfèrent terminer très tôt en début de soirée ces cérémonies du sacrement des divinités afin de reprendre très tôt dès l’aube le commencement des rituels du dernier jour.

Le Tavsi Maram. Ces cérémonies -aux aurores du grand jour solennel d’épreuve finale- rassemblent toutes les familles des fidèles et les proches des pénitents. Parmi les grands évènements de l’épique Mahâbhârata racontant les hauts faits des fils Pandavas, la rencontre d’Arjouna et du Dieu Siva occupe également une place importante dans ces épopées. Ce passage, une des pièces clés des scènes narratives du Barldon lors des rituels de la Marche sur le Feu, retrace justement les récits particuliers vécus par le fils de Kounti pour obtenir du Tout Puissant le "Pâssoupata". L’ Arme Suprême infaillible dont Arjouna se servira contre le clan ennemi des Kaurava durant la bataille de Kouroukshetra. A la Réunion, dans la cour de tous les temples dédiés à la Déesse Draupadî, cet acte du Barldon est retracé tous les ans lors de la grande veillée des cérémonies de la Marche sur le Feu. Sous forme théâtrale certes, mais empreinte d’un caractère hautement symbolique et religieux. En effet, en souvenir de ce passage, un jeune homme, généralement vêtu de blanc et portant les apparats distinctifs du valeureux guerrier Pandava, interprètera le rôle d’Arjouna. Il devra grimper les différentes marches, une à une, d’un mât fleuri, de plusieurs mètres de haut, symbolisant le mont Kailash. Et, de son sommet où il se sera installé, le pénitent représentant Arjouna, dans les cieux, honorera Siva d’offrandes de pétales de fleurs. En dessous, dévots et pénitents s’empresseront de cueillir cette manne bénite. Cet acte magnifie la conquête du « Pâssoupata », l’ Arme Divine méritée au prix d’une « belle leçon » ! Ce rituel est le Arjouna-Tavsi, appelée aussi le Tavsi Maram.

"Le Tîkouli".  La cérémonie de la montée du poteau de Tavsi laisse la place aux préparations du yâgam, les prières du Feu sacrificiel duquel seront extraites toutes les braises qui portées par un pénitent à bras-le corps dans une sorte de tablier spécialement conditionné avec un tapis de feuilles de lilas, allumeront le bûcher du “Tikkouli” Les attributs du "Tîkouli" sont véritablement chargés de symbolisme et de significations. Le terme tamoul "Tîkouli" vient des mots "Tî" signifiant "feu" et "Kouli" voulant dire "bain", "corps" ou "apparence". Littéralement, le Tîkouli est donc ce "bain de feu" ou ce "corps de feu" que longeront ceux qui s'y seront engagés en signe de dévotion à la divinité. Cet aspect de "corps de feu" représente les Dieux Siva, Sakti ainsi que les cinq éléments : le Feu, l’Eau, la Terre, l’Air et l’Ether). En début d’après-midi, le char- le Tèl des divinités- Draupadi, Arjouna ainsi que Krishna (pour certains temples) accompagnés généralement de Mariammen et de Karli, quitte le Temple, tiré par les fidèles et pénitents, suivis d’une foule grossissante de coreligionnaires et de badauds. Au son de la musique des tambours cérémoniels et la récitation des prières, la direction est prise pour les berges de la rivière ou les bords de mer, selon les endroits. Au cours des cérémonies de préparation, de purification notamment par le bain, de confection des karagam, sous les incantations de mantras et de prières, les pénitents réaffirment leur engagement pris le premier jour envers les divinités lors d’une réédition des rituels de l'“amar cap”. La procession -plus nombreuse- retourne au temple sur le lieu du Tikkouli en faisant des haltes en cours de route, soit devant le domicile des habitants, soit sur les bords de chemin pour prendre les offrandes que les fidèles offrent aux divinités qui leur rendent ainsi visite. Après les poudjas au temple et celles autour du Tikkouli, sous les roulements typiques des tambours et les vibrants “ Gôvinda” ou “Om Sakti” des pratiquants, après l’offrande traditionnelle du marleï aux divinités du Feu, le prêtre officiant ouvre la marche du commencement de l’épreuve. Les pénitents par généralement un nombre impair de passage (1 ou 3 et même cinq pour certains) se soumettent au sacrifice du Feu purificateur. Suite à cette émouvante action, c'est au tour des femmes vêtues de façon reconnaissable avec leur habit traditionnellement de couleur jaune trempé dans de “l’eau safran” et leur ceinture de feuilles de lilas qui font le tour du “carré d’ feu” sous la direction du poussâri en s’allongeant le long du corps à même le sol aux stations que marque le prêtre. La danse des pénitents aux sons des tambours qui résonnent de plus en plus fort dans cette nuit qui tombe suivie du sacrifice rituel animal qui se tient en l’honneur du “gardien d’ Feu” pour les faveurs accordées, marque ainsi la fin de ces dix-huit jours de prières qui se prolongent par d’autres cérémonies de remerciement se tenant le lendemain et d'autres généralement huit jours après.

La Marche sur le Feu.
  
De nos jours à la Réunion, après plus d’un siècle et demi de pratique, ce rituel d’expiation, de propitiation et de dévotion à tradition multimillénaire, prenant ses sources dans l’Hindouisme nourri de mythologies et de spiritualité, est pratiqué avec la même ardeur, et la même force intactes partout. Ainsi, pratiquée depuis la très haute antiquité indienne, la marche sur le feu demeure pour les pratiquants tamouls de la Réunion un acte religieux sublime dans lequel une foi surélevée entraîne le monde de ce yoga populaire vers le « Brahman » ou la sérénité sécurisante. Son accomplissement nécessite des sacrifices importants et une foi absolue dans le dieu. Cette épreuve est une sorte de communication entre le monde des Hommes et celui des Dieux. Elle revêt donc pour nos coreligionnaires, une importance dévotionnelle, culturelle et historique et pérennise une forme ancestrale de la pensée indienne qui reste cependant toujours d’actualité dans notre société moderne. Pour beaucoup de nos ancêtres, elle était le symbole de l’ultime, du plus grand sacrifice, voire l’épreuve de foi, à l’égard du Divin, dans leur passage éphémère sur terre. Beaucoup d’abnégation, de rigueur dans la préparation du sacrifice, une vie intérieure très intense nourrie par une grande dévotion envers son Dieu. Du respect, voire une foi très intense en la grandeur et à la générosité divine.

Quelques hauts lieux de cette pratique.


Marche sur le feu La Mare

   Si jadis, elle était célébrée plus généralement à proximité des usines sucrières, nous pouvons aussi dire sans risque d’être contestés qu’aujourd’hui la Marche sur le Feu est organisée partout aux quatre coins de l’île et pas seulement là où résident d'importantes communautés tamoules. De nombreuses « Marche sur le Feu » se déroulent aussi en dehors des grandes régions comme Saint-Paul, Saint-Leu, Saint-Louis, Saint-Pierre et Saint-André Les régions sud et ouest à elles seules rassemblent plus de la moitié des marches sur le feu qui ont lieu chaque année. Des chapelles ne cessent de fleurir à la périphérie des temples des plantations (temples des engagés). Et ces derniers continuent à vivre d’année en année leurs pratiques. D’autre part, si ces organisations se sont répandues en nombre de novembre à janvier et de juillet à août, de telles manifestations se tiennent aussi de mars à avril et de mai à juin. Les dates de ce rituel pour des endroits sont devenues depuis bien longtemps immuables, traditionnelles, voire même patrimoniales.

Temple Pandialy du Gol à Saint-Louis. Ainsi, le 2 janvier, au Temple Pandialy du Gol à Saint-Louis, se tiennent les traditionnelles cérémonies annuelles de la Marche sur le Feu. Le “Mariage Bon Dieu”, ainsi que les rites liés à Srî Aravan, se déroulent le 1er janvier au soir. Ce lieu de culte a été construit vers 1852 par la volonté affichée de M. De Kerveguen afin de permettre aux engagés travaillant dans les plantations, de s’adonner à leurs pratiques dévotionnelles. Il s’est retrouvé pendant très longtemps fermé, jusqu’au jour où feu M. Coupama Soubaya Dieudonné, arrive à obtenir les clés de ladite chapelle et entreprend de “remettre au goût du jour” les grandes célébrations religieuses jadis du site. Il y a officié pendant une quarantaine d’années. De nos jours, les rituels sont dirigés par son fils. Il est également à noter que le samedi des Pâques, sont célébrés au Temple Pandialy du Gol à Saint-Louis, les rites appelés “Karmon”. Cette tradition ancestrale a été aussi ressuscitée par M. Coupama Soubaya Dieudonné, lors de sa réactivation des pratiques du lieu. “Karmon” vient de “Kâma Deva”, qui représente le Dieu de l’amour. Nous aurons certainement l’occasion de revenir sur l’origine et la signification de cette fête dans une de nos prochaines éditions. La Chapelle du Gol, malgré les initiatives et tentatives enregistrées autres parts, demeure le seul “koïlou” de l’île qui pratique toujours cette tradition héritée des engagés venus de l’Inde. Il est aussi à souligner que le Temple Pandialy du Gol à Saint-Louis a été jusqu’ici le seul édifice hindou de l’île à être classé monument historique.

Chapelle des Casernes à Saint-Pierre. Au Temple des Casernes à Saint-Pierre, édifice érigé probablement vers 1875, la Marche sur le Feu se pratique tous les ans au 1er janvier. Une spécificité du coin, certainement pour des raisons de commodités pratiques : les cérémonies dites “l’amar cap” ont lieu généralement le troisième samedi précédent la Marche sur le Feu. Le “Tirou Kalyanam” de Draupadi et d’ Arjouna, ainsi que le “Aravan Kadabali” se déroulent le 31 décembre au soir. Ce haut lieu cultuel ancestral et patrimonial vient d’être par décision préfectorale répertorié au titre des sites protégés.

Temple de Grands-Bois. Construit à la fin du XIXè siècle par les engagés, l’histoire de ce lieu cultuel a connu une évolution assez particulière. Cette chapelle est demeurée “abandonnée” pendant longtemps. C’est alors vers 1932, que ce temple connaît un second souffle sous la volonté de MM. Ramin Vinglassamy Daniel et Charles Cého. La direction des cérémonies liées aux pratiques de la Marche sur le Feu dédiées à Srî Pandialé Ammen, est à l’époque confiée à l’illustre “Barldon Poûssari” Pierre Mounichy dit Tonton Manicon. Ces grands rituels de dix-huit jours s’effectuait tous les ans au mois de janvier. Par la suite, l’édifice religieux connaît des évolutions successives, puisqu’il est reconstruit, et sans cesse rénové et amélioré. De nos jours, le temple a pris une orientation particulière au niveau de ces rites, peu commune il faut le dire, par rapport à ce qui se pratiquait jusqu’alors. Comme nous l’avons vu plus haut, les rituels de cette pratique sont désormais célébrées en l’honneur de Sakti sous son aspect de Srî Mariammen et se déroulent sur dix jours maintenant, sans sacrifice animal. Les rites ne se réfèrent donc plus au vishnouisme tantrique mais au shivaïsme traditionnel (voir originel) tantrique. Le dernier jour de ces festivités se tiennent toujours le troisième dimanche de juin. Le prêtre-officiant des lieux se trouve être justement un des fers de lance de cette forme de pratique à la Réunion : le poûssari Serge Ajaguin-Soleyen de Saint-Paul.

Temple de Terre-Rouge à Saint-Pierre. La tradition ancestrale demeure très vivace en ce lieu. Les célébrations traditionnelles s’achèvent ici annuellement au deuxième jour de l’année commencée. Ce temple a aussi sa spécificité : après les cérémonies du kangganam kattou du premier jour, la célébration du mariage des divinités se tient au seizième jour, à l’avant-veille de la Marche sur le Feu, au 31 décembre donc et non au 1er janvier.

Temple Draupadi à Mon Caprice à Saint-Pierre. A Mon Caprice, sur la commune de Saint-Pierre, se trouve un temple dédié à la Déesse Draupadi. Par manque d’information, il nous est difficile d’avancer une date de construction de l’édifice. Mais il est incontestablement sûr que cet héritage nous vient directement des engagés indiens. Après de longues années d’inactivité, les rituels de la Marche sur le Feu a retrouvé depuis ces deux dernières années ses lettres de noblesses en ce lieu religieux patrimonial. Contrairement à anciennement, ces nouvelles célébrations se tiennent sur le mois de février à son troisième dimanche. Ici aussi, spécifiquement, “L’amar cap” s’effectue le troisièm samedi antérieur au dernier jour. La veille de celui-ci, est célébré le mariage des divinités. Le temple Draupadi de Mon Caprice se singularise par la grande taille de sa statue de Ganesh en pierre taillée qu’il possède depuis bientôt trois ans. Enfin pour compléter ces “échos” bien entendu non complets et quitter aussi le Sud, nous pouvons rajouter à cette liste des grands rendez-vous tels la Rivière Des Galets le 2 décembre (toujours le 1er dimanche de ce mois), ainsi que la chapelle Prima à Saint-Denis, l’Eperon le 9 (le 2è) et comme nous l’avons vu plus haut, le Temple de Bernica le 16 décembre 07 (toujours le 3è), Reprendre avec toutes ces nombreuses célébrations de cette pratique sur Saint-Leu qui se tiennent au début de l’année nouvelle dont au Temple de Portail le 1er janvier. Le Nord et l’Est ne sont pas aussi en reste. Ces régions ont aussi leurs grandes célébrations traditionnelles annuelles à date inchangée : Temples de Colosse et de Victor Bélier le 1er janvier, Ravine Creuse le 2 et le Temple de la Mare, le 3 janvier… La cérémonie de la Marche sur le Feu est sans conteste, l’une des plus populaires, l’une des plus ressentie et aussi l’une des plus authentiques de toutes celles hindouistes pratiquées à la Réunion. De nos jours, ces pratiques sont de plus en plus nombreuses, de surcroît avec l’apparition de nouveaux lieux de culte. N’étant plus liées au fonctionnement des usines sucrières, celles-ci s’étalent durant toute l’année à l’exception des mois de septembre à novembre. Dans la recherche de leur identité historiquement et religieusement la plus proche, les jeunes Réunionnais d’origine indienne l’ont très bien saisi, ils reviennent en masse vers cette tradition ancestrale. Il est heureux de constater que dans l’esprit de nos jeunes, sur lesquels le poids de l’assimilation et autres est moins ravageur, la meilleure conception de notre religion, celle tracée par nos aïeux, se fait jour. Un dynamisme s’est installé pour bien des générations encore.


Marche sur le feu Rivière des Galets


Marche sur le feu Ravine Creuse le 2/01

Texte issu de la revue "Tamij" n°8 avec l'autorisation de son directeur de publication, publié en collaboration avec http://www.indeenfrance.com/reunion.php

© Laurent Govindin, 2011

 

Interview de Khal Torabully

Retour à la page précédente

    

ACCUEIL