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Indes réunionnaises
    

    LES QUATRE BUTS DE LA VIE EN INDE

   Patrice LOUAISEL


 En INDE, la vie d’un homme est organisée en quatre grandes périodes avec des étapes  et des responsabilités précises :

1e étape : le DHARMA : le DEVOIR, la VERTU, LA RÉALISATION DE SOI au plan moral
2e étape : ARTHA : les BIENS MATÉRIELS, la RÉUSSITE, le POUVOIR, la réalisation de soi au plan social
3e étape : KAMA : le PLAISIR, la SEXUALITÉ, la réalisation de soi au plan sensuel
4e étape : MOKSHA : la LIBÉRATION, la réalisation de soi au plan spirituel

La première étape de la vie : le DHARMA : le devoir, la vertu, la réalisation de soi au plan moral

        Pour l’hindou, il existe trois sortes de règles de comportement : générales, individuelles et de groupe. Les règles générales sont aussi limitées que possible, l’État ne devant réglementer ni l’héritage, ni la vie affective de chacun, ni les interdits alimentaires. Il s’agit donc simplement de règles de co-existence : courage, tolérance, humilité, honnêteté, propreté, contrôle de soi, compréhension, vérité et calme disent les Lois de Manu ; le Mahabharata  ajoute : ne pas se mettre en colère, partager ce que l’on possède, pardonner, être compatissant, donner des enfants à sa femme, être honnête, nourrir ceux qui dépendent de vous, et ne pas nourrir d’inimitiés. 

          La deuxième morale est la morale de groupe et de caste. Chaque groupe social, de par ses origines, sa nature et ses fonctions a des obligations différentes. Ce sont les vertus de chacun qui vont assurer la survie et l’indépendance du groupe et son insertion dans l’ensemble social. Il s’agit ici de se conformer aux règles du milieu social, de sa caste, de sa corporation. Le prêtre a la responsabilité des rites et de l’enseignement, le commerçant doit accumuler les richesses lui permettant de soutenir les temples comme de faire travailler et vivre l’ouvrier, le prince doit pratiquer les arts de la chasse et de la guerre, l’artisan, la profession familiale. Chacun, s’il remplit son rôle, réalisera une perfection de son être et sera utile à son groupe social.
     Par exemple le brahmane se devra d’être studieux, désintéressé, maîtrisé, austère, propre, honnête, ayant le sens du devoir, sagesse et foi selon la Bhagavad Gita et bien sûr observer rigoureusement les règles de purification. Le guerrier, prince ou soldat a droit à la polygamie, à la bonne chère. Il doit défendre son pays au risque de sa vie et assumer la justice, être honnête et charitable. Le Vaishya doit nourrir les deux castes supérieures et faire travailler les Shudras, travailleurs agricoles et artisans. Ces derniers devant faire preuve de patience, d’habileté manuelle et d’amour du travail. En tant que basses castes, ce sont les plus libres et décontractés des hindous. La caste n’a par ailleurs rien à voir avec la fortune : il existe de très pauvres brahmanes comme des Shudras millionnaires… 

        La troisième morale est individuelle et laissée à l’initiative de chacun puisque chacun  récoltera à terme les fruits de ses comportements, ce qu’on appelle le Karma.

       La notion de pureté morale est essentielle, d’où des règles alimentaires et vestimentaires et des ablutions fréquentes. Un manquement est une souillure  grave. Il faut alors des pénitences et des purifications pour s’en laver. Quelqu’un qui prépare des aliments ne peut pas laver par terre ni enlever des excréments, ce qui semble une élémentaire mesure d’hygiène surtout sans désinfectants.

        L’homme doit s’acquitter de trois dettes : envers les dieux, envers les ancêtres et envers les sages. Des dieux, il a reçu le monde, en retour il doit les vénérer et leur faire des offrandes. Des ancêtres, il a reçu le don de naissance, il doit dès lors vénérer leur mémoire et engendrer un fils qui puisse continuer la lignée. (Les filles passent lors de leur mariage dans une autre famille). Des sages, il a reçu les préceptes de la Sagesse. Il doit donc transmettre à son tour ce qu’il a reçu. C’est uniquement quand il a payé ses dettes que l’hindou peut se consacrer à sa réalisation spirituelle. 

       La femme a la responsabilité des biens, de la maison, de la famille, de l’organisation du village. Pour les Hindous, il ne peut y avoir d’égalité, là où il y a différences. Du point de vue ésotérique, c’est le féminin qui prime : le prêtre vénère la déesse, poètes et philosophes glorifient le principe féminin. Au niveau exotérique, de l’ordre social, c’est le contraire. La femme est l’épouse et la mère (refuge suprême), le principe de vie. C’est en tant que mère qu’elle est divine et vénérée. Elle règne sur le monde intérieur comme l’homme règne sur le monde extérieur. Le Brahmane se marie tard, une fois ses études terminées. Il est strictement monogame. Et il lui est recommandé de ne pas trop se multiplier. Guerriers et princes peuvent pratiquer la polygamie car guerres, accidents et luttes fratricides se chargent d’en réduire les effectifs. Les riches commerçants et industriels veillent à ne pas trop se reproduire pour ne pas limiter et disperser leurs biens. Le problème démographique concerne principalement les castes artisanales, les plus nombreuses. C’est là que les règles de conduite sont les moins sévères.

La deuxième étape de la vie : ARTHA : les biens matériels, la richesse, le pouvoir, la réalisation de soi au plan social.

      L’acquisition de biens matériels est fondamentale car c’est elle dont dépendent tous les autres. Il est nécessaire d’acquérir connaissances, biens et situation sociale avant de s’occuper de sa vie spirituelle. Sans ceux-ci on ne peut ni accomplir ses devoirs ni réaliser ses désirs. Tous les plaisirs reposent sur la richesse : maisons, voitures, femme, nourriture etc… mais celle-ci doit avoir été acquise avec honnêteté. La base de l’organisation sociale est donc principalement économique. Le goût de l’argent et l’ambition ne doivent pas nous conduire à transgresser les règles du devoir.

      Retenons toutefois que la richesse peut empoisonner les relations humaines ou être source de tentations. Si on veut jouir du bonheur en ce monde, les Puranas conseillent de diviser les biens en cinq parties : une part pour les bonnes oeuvres, une pour sa gloire, une pour des placements avantageux, une pour les plaisirs et une pour la famille et les personnes dépendantes.

      Dix-huit passions nuisent à la richesse, en particulier celles liées au plaisir : femmes, chasse, jeu, paresse, oisiveté méchanceté, drogues etc. mais aussi celles liées à la colère : médisance, imprudence, fourberie, impatience, malveillance, injures et cruauté…

La troisième étape de la vie : KAMA : le plaisir, la sexualité, la réalisation de soi au plan sensuel

      Par plaisir il faut entendre la jouissance de tout ce que l’on désire, tout ce qui plait aux sens…

      Toute création, invention sur le plan physique, comme intellectuel ou spirituel est le fruit du désir. Richesse et plaisir ne sont faciles que là où les circonstances sociales et économiques le permettent. D’où l’idée d’entraide, d’appui mutuel, de solidarité au sein de chaque caste.

     Certaines formes de richesse et de plaisir peuvent être contraires au devoir. Ainsi la richesse sans partage ni charité ou au détriment d’autrui tout comme l’abus de plaisir contre-nature sont inconcevables pour un hindou sincère. La modération est donc recommandée.

      L’érotisme est un aspect essentiel de la réalisation de soi, d’ailleurs lié à la libération car l’Être vit alors une première expérience de fusion. Pour les hindous, interdire la prostitution est immoral et antisocial car c’est refuser à certains des nôtres l’accès essentiel au troisième but de la vie.  

La quatrième étape de la vie : MOKSHA :  la libération, la Réalisation de soi au plan spirituel

      Nous libérer de la souffrance, de la mort et trouver le bonheur est le but de tous nos instincts, de tous nos efforts. Nous recherchons, joie, plaisir et bonheur. Le but suprême est donc conçu comme l’expérience d’un bonheur absolu, d’une joie totale représentée comme l’union avec un être transcendant, par de-là les souffrances et la mort et cela de façon éternelle et permanente. Il s’agit d’échapper au jeu divin de la création pour réintégrer la personne divine, de passer de la dualité à l’Unité primordiale.

      En fait, la libération est l’accomplissement final de l’homme qu’il doit réaliser tout seul  souvent en conflit avec ce monde. Les mystiques disent qu’il y a quatre degrés dans l’union de l’être individuel et de l’être universel : être dans le même lieu, être dans le même monde, être en présence de Dieu. Et enfin s’identifier à lui.

© Patrice Louaisel - 2008

 

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