Les bateaux de papier

Prenez tout ce que j’ai,
Prenez-moi ma fortune,
Prenez-moi ma jeunesse,
Mais rendez-moi les moussons de mon enfance,
Ces pluies qui me faisaient danser,
Ces bateaux de papier qui me faisaient chavirer le cœur,
La plus vieille mémoire du quartier,
Cette grand’mère que tout le monde traitait en enfant,
Les rides centenaires de son visage…
Personne ne me les fera oublier.

Prenez tout ce que j’ai,
Prenez-moi ma fortune,
Prenez-moi ma jeunesse,
Mais rendez-moi ces si longues histoires de rois et de reines (1),
Ces si courtes nuits à les écouter,
Ces sorties en plein midi sous un soleil tapant,
Ces bulbuls (2) que j’imitais,
Ces papillons que j’attrapais,
Ces disputes avec mes petits voisins,
Ces chutes des balançoires,
Ces bracelets cassés qui étaient mes jouets…
Personne ne me les fera oublier.

Prenez tout ce que j’ai,
Prenez toute ma fortune,
Prenez-moi ma jeunesse,
Mais rendez-moi les moussons de mon enfance,
Ces pluies qui me faisaient danser,
Ces bateaux de papier qui me faisaient découvrir le monde.

Azad Monany

  Poème inspiré par un Ghazal chanté par le chanteur indien Jagjit Singh,
intitulé "kâgaz ke kashti"


(1) Les contes indiens commencent par « il était un roi, il était une reine … »
(2) Bulbul : rossignol indien
(Notes de l'auteur).

 

Texte vainqueur du concours : "Ailleurs", de Daniel Lapierre

A lire aussi : "La Réunion", de René Guay


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