De la société
de plantation à la départementalisation Lîle de La Réunion et lîle Maurice sa voisine sont des sociétés dites " créoles ", peuplées dune façon relativement identique (lhistoire nous dit quelles étaient inhabitées jusquà la fin du dix-septième siècle) et longtemps basées sur léconomie sucrière. Les politiques françaises et anglaises ont toutefois favorisé un développement différent dans ces deux îles aboutissant à une départementalisation en 1946 à La Réunion et à une indépendance en 1968 à Maurice. Au début de limplantation à La Réunion (alors " île Bourbon") à la fin du dix-septième siècle, la population est divisée en deux catégories bien distinctes: les propriétaires fonciers français et les esclaves Africains et Malgaches. Un bon nombre de colons blancs, privés de laccès aux terres et donc exclus du système de léconomie coloniale de plantation, vont se retirer dans les cirques où ils vont constituer cette population de " Petits-blancs " (en opposition aux " Grands-blancs ") pauvres mais libres. Cest labolition de lesclavage en 1848, qui, en engendrant la désaffection des propriétés sucrières par les nouveaux affranchis, conduit les colons à chercher une nouvelle main-doeuvre pour travailler dans leurs plantations et lance véritablement la campagne de recrutement dengagés dont la majeur partie viennent du lInde du sud (les Malbars) [Dupon, 1974; Lacpatia, 1982; Marimoutou, 1986]. A la fin du dix-neuvième siècle et au début du vingtième siècle un certain nombre de Chinois et de Gujaratis musulmans (les Zarabs) viennent se placer dans " les interstices de la société de plantation " [Ottino, 1997]. Jusquau moment ou elle passe officiellement du statut de société coloniale à celui de département français, la société réunionnaise connaît une situation coloniale dans laquelle les propriétaires terriens et lélite blanche partagent le pouvoir administratif et politique avec léglise. Analysant la société réunionnaise, Jean-Pierre Cambefort (1996) souligne que lhistoire de lîle sest globalement constituée autour de trois paramètres essentiels qui se sont simultanément imposés aux populations qui sy sont implantées: la colonisation et lesclavage, le déracinement, lisolement. Certaines composantes de la population les Africains et les Malgaches, dont les ancêtres ont été importés de force pour constituer une main-doeuvre dans les plantations - ayant perdu leurs liens culturels avec leurs sociétés dorigine ont été particulièrement sujettes à la déculturation, au métissage et à la paupérisation. Dautres - les colons blancs constituant une bourgeoisie terrienne coloniale, les Chinois, les Gujaratis musulmans, les Tamouls hindous ayant une ascendance ethnique endogame, les Commoriens et, depuis la départementalisation, les français de métropole - ont plus ou moins conservé leur système de pensées et de valeurs originel, tout en ladaptant au contexte local. Entre ces deux catégories se trouvent les " Petits-blancs ", prolétarisés dans les hauteurs de lîle mais attachés aux principe dendogamie ethnique, et une grande proportion doriginaires de lInde plus ou moins métissés. La société réunionnaise est donc composé dune population minoritaire, issue de milieux culturels peu métissés et relativement structurés, et dune population majoritaire, plus ouverte au métissage qui a globalement été jusquà présent la classe sociale la moins aisée et la plus sujette à la subordination. Ces distinctions, fondées sur les origines culturelles, les conditions de limplantation et le degré de métissage, participent de la structure sociale et déterminent les types dactions et les formulations identitaires. Le racisme ethnique institutionnel sexprime encore aujourdhui par des allusions dénigrantes au phénotype. Les originaires dAfrique (les Cafres) sont par ailleurs toujours au bas de léchelle sociale et la représentation de la société comme un " paradis racial " ne sappuie pas sur des évidences sociologiques. Si la départementalisation a permis à beaucoup de réunionnais de couleur daccéder à des postes de responsabilité, les populations les plus touchées par le chômage, très important dans lîle, restent les populations métissées descendants desclaves. Larrivée massive de métropolitains (notamment comme enseignants) depuis les années soixante-dix a cependant contribué à perturber les modèles antérieurs: les créoles blancs propriétaires terriens ne sont plus en haut de léchelle sociale et le métissage sest légitimisé. |