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A. LE CINEMA HINDI,
PRATIQUE CULTURELLE NATIONALE ;
SES CHANSONS, L’AME DES FILMS ?
(SUITE)

                           iii. Le cinéma et le siècle, apparition, développement, essor (suite) :

          (e) La fin de l’innocence, la fin du lyrisme ? Les années soixante-dix ont commencé avec une guerre, la troisième entre l’Inde et le Pakistan depuis leurs indépendances respectives. Et celle-ci a abouti à la création d’un troisième état : le Bangladesh, l’ancienne région du Bengale Oriental. Un million de réfugiés (pour la plupart des Bengalis hindous) sont arrivés aux frontières indiennes à l’est. Les années 70 ont également été marquées par la montée en puissance dans les grandes villes (surtout Bombay) de la pègre, de la criminalité, de la contrebande, du chômage, de la violence contre les femmes, de la corruption des forces de la justice... des tendances qui ont atteint leur point culminant avec l’état d’urgence (civil emergency) imposé par le Premier Ministre Indira Gandhi pour protéger son « règne », une période où toutes sortes d’excès et de cruautés sont commis au nom de l’ordre public.
   Comment cet effondrement des institutions qui auraient dû garantir l’ordre social s’est-il traduit dans le cinéma populaire ? Surtout par une explosion de violence (les frontières anciennes étaient dépassées : le héros pouvait désormais tuer, par vengeance, pour sa défense et en tant que justicier) ; par une objectification de la femme (désormais, secondaire, un objet d’importance uniquement sur le plan sexuel), dépeinte avec une absence flagrante de sensibilité ; et par l’ascension du syndrome d’angry young man, le jeune vengeur qui s’affronte aux maux de la société avec ses poings, un personnage incarné par la plus grande vedette jamais connue en Inde : Amitabh Bachchan, fils du poète célèbre, Harivansh Rai Bachchan. Ses films comme Zanjeer, Deewar, Namak Haram, Nastik etc., tous une célébration du machisme et de la révolte contre l’ordre figé, sont devenus de gros triomphes commerciaux. Quant à son film Sholay (1975), il mérite une page, voire un chapitre, dans l’histoire du cinéma populaire indien : car il représente le plus grand succès commercial mondial au box-office jusqu’à 1996, et il est resté 5 ans à l’affiche d’un cinéma de Bombay et a également marqué l’arrivée du héros mercenaire motivé par l’argent et non par la justice (une rupture nette des doctrines de la mythologie et un soubresaut dans l’Inde contemporaine). C’est aussi la première fois que le cinéma hindi projette des héros sans repères familiaux.
   Il y avait, en même temps, la naissance d’un courant de cinéma d'art et d'essai, le Nouveau Cinéma Indien, mais qui s’éloignait du cinéma populaire. Parallèlement, on voit aussi un petit nombre de films traitant des soucis autres que sociétaux : sur des relations humaines, des états d’âme individuels, racontés avec humour et un soupçon de finesse ; des films plus discrets, réalisés avec des budgets modestes et ciblant des publics de classe moyenne.
   Les années quatre-vingts n’ont été qu’une descente sur la même pente, et avec une croissance de la violence et de la désillusion envers les politiques (l’attaque contre le Golden Temple des Sikhs, en 1984, par l’armée indienne sur les ordres d’Indira Gandhi ; l’assassinat de cette dernière dans la même année, suivi d’émeutes hindou-sikhs ; l’implication du prochain Premier Ministre, Rajiv Gandhi, dans une affaire d’achat d’armes ...).
   La chanson paraît avoir perdu sa signification dans la trame narrative, mais elle est restée constante en nombre : ce n’est que la qualité qui s’est dégradée considérablement ainsi que son intégration dans le film, la pertinence de sa présence. Les chansons pendant cette époque n’ont été que des prétextes pour montrer des scènes torrides, surtout des danses qui mettaient en avant des symboles sexuels. Au cours de ces vingt années, il y a eu peut-être encore une poignée de chansons mémorables, dont la plupart dans des films historiques (Paakeezah, Laila-Majnu, Umrao Jaan, Utsav) ou la troisième catégorie de films à petit budget que l’on a cité ci-dessus (Amar Prem, Ghar, Arth, Aitbaar), et une certaine reconnaissance du genre du ghazal, surtout grâce aux efforts du couple de chanteurs-compositeurs Jagjit et Chitra Singh, qui ont travaillé dans nombre de films de cette époque.
   Mais ce courant a bel et bien été éclipsé par le tourbillon de musique disco, d'abord « importé » dans le cinéma indien par le compositeur Biddu dans le film Qurbani (Sacrifice, 1980) par la chanson aap jaisa koi meri zindagi mein aaye toi (si seulement je pouvais trouver quelqu’un comme toi). Si la première chanson de ce courant s’est montrée bien novatrice, celles qui sont arrivées par la suite étaient des produits hybrides de qualité très douteuse.
   L’époque est également marquée par la mort des chanteurs et compositeurs les plus talentueux comme Mohammed Rafi, Mukesh et Kishore Kumar, S.D. Burman, Madan Mohan, Jaikishen, et la retraite volontaire de leurs collègues comme Naushad, Talat Mahmood et Manna Dey qui ont refusé quant à eux de continuer à travailler dans ces conditions « avilissantes ». Cette pénurie de talents se manifestait audiblement à travers le travestissement de la musique qu’il fallait supporter dans tous les lieux publics où elle est diffusée à longueur des journée.  

          (f) La fin du siècle : une résurrection ? A la fin des années quatre-vingts, après vingt ans de héros invincibles qui pouvaient battre tout seuls des douzaines de scélérats, et de films qui célébraient le culte de la violence et de la vengeance sociale, le courant de la jeunesse rentre en pleine force avec le film Qayamat se Qayamat tak (jusqu’au Jugement dernier, 1988 ; réalisateur : Mansoor Khan ; compositeurs : Anand-Milind ; producteur : Nasir Hussain Films), un histoire d’amour contrarié encore, cette fois-ci à cause d’une vendetta entre les deux familles, toutes deux de l’aristocratie rajpute. La bande musicale de ce film, contenant cinq ou six chansons mélodieuses et simples, est devenue la grande fureur dans ce pays toujours épris de la musique. Le film montre aussi un héros qui, pour une fois, n’est pas invincible ; il est vulnérable, presque un « perdant » : et il introduit le comédien Aamir Khan, qui deviendra un des acteurs les plus accomplis en Inde au cours de la dernière décennie, et une des plus grandes vedettes (les deux s’étant souvent réciproquement exclus à Bollywood !).
   L’année suivante, Rajashree Productions (une des grandes maisons de production qui a perduré après la chute du système de studios) sort Maine Pyar Kiya (J’aime ; réalisateur : Sooraj Bharjatya ; compositeur : Ram Laxman), encore une histoire d’amour simpliste, renforçant les tendances conservatrices de la société (la permission parentale pour le mariage, la pureté de l’héroïne ; la préférence du héros - et du public ! - pour la fille traditionnelle qui choisit de s'occuper de la maison plutôt que de sortir travailler malgré son niveau d' éducation ; la caricature de la fille moderne, représentée comme l'incarnation de tous les vices ...). Ce film marque, comme le constate Rashmi Doraiswamy 61 « le retour de la mélodie. »
   Tandis que la chanson regagne son importance perdue, elle est aujourd’hui aussi beaucoup plus « métissée », car les compositeurs « empruntent » (le mot politiquement correct utilisé par ces compositeurs eux-mêmes est « s'inspirent » !) plus que jamais - non seulement de leurs propres confrères et prédécesseurs, mais des airs du monde entier. Les filmi geet ont toujours absorbé des influences occidentales, et dans ces dernières années, on constate des cas de pur plagiat, surtout par Anu Malik. Les lois de copyright (droits d’auteur) n’étant pas strictement appliquées en Inde, ces actions ne sont pas réprimandées. Mais la musique est plus hybride aussi parce que certains compositeurs actuels ont une grande connaissance de différentes écoles de musique et en exploitent toutes les possibilités de manière plus approfondie : A R Rehman (le compositeur qui reçoit à l’heure actuelle le plus fort cachet), originaire de l’Inde du Sud, maîtrise la musique carnatique (ancienne école de musique classique de l’Inde du Sud) et la musique hindoustanie (celle du Nord) et, étant très « branché » sur les nouveaux développements occidentaux, les intègre dans ses compositions.
   La fin du siècle annonce également le retour de la jeunesse : mais une jeunesse différente, évidemment, de celle des années quarante ou cinquante : celle-ci, grâce à l’invasion des médias étrangers (surtout de la télévision câblée : depuis le début des années 90, l’Inde diffuse CNN, TNT, la BBC, Star Network et bien sûr, MTV), n’est pas une génération naïve ni « protégée » : elle est quelque peu amère et très confuse (les médias indiens l’ont surnommée Generation « Y » c'est à dire la génération qui se pose trop de questions : ‘Y’ se prononce comme le pronom interrogatif pourquoi, « why », en anglais). C’est aussi une génération qui a peu de confiance dans les systèmes politiques, judiciaires et administratifs et donc cherche de la stabilité dans l’ordre familial, des choses connues, éprouvées, tout en étant extrêmement volatile et très capitaliste. L’engagement politique ou idéologique n’existe guère.
   Car si les deux dernières décennies n’ont pas donné de raisons pour un quelconque optimisme, les années quatre-vingt témoignent d’une mise en question des doctrines qui ont fondé l’Inde indépendante : la laïcité est mise en danger par la destruction de la mosquée Babri Masjid à Ayodhya par des extrémistes hindous et les émeutes hindou-musulmans qui ont suivi : les prétentions à l’égalitarisme reçoivent un choc énorme avec les réactions violentes au rapport Mandal et l’amendement de la loi de réservation (discrimination positive) ; l’indépendance du pouvoir judiciaire est remise en question. La montée en puissance du fondamentalisme - hindou et musulman - trouve un écho auprès des politiques.
   Ces tendances de plus en plus envahissantes dans la vie quotidienne se traduisent dans le cinéma populaire par un changement subtil de ses caractéristiques, plus ostensiblement par la dilution des frontières entre le Bien et le Mal, des lignes de démarcation entre le Héros et le Scélérat : l’anti-hero devient plus acceptable, les nuances du gris plus marquées et le scélérat pourrait même avoir quelques éléments de bien en lui. En 1994, Shahrukh Khan se trouve ainsi au cœur d’une vraie polémique avec son rôle dans Darr (Peur, réalisateur : Yash Chopra ; compositeurs : Hari Prasad Chaurasia et ShivKumar Sharma), une adaptation indianisée du film Cape Fear : il joue un homme obsédé par une femme (amoureuse d’un autre qu’elle épouse au cours du film) et qui continue à la solliciter bien qu’elle soit mariée (inexcusable selon les mœurs indiens), n’hésitant pas à tenter de tuer son mari pour la conquérir. Le film a été un énorme succès et les réactions du public ont démontré que Khan a gagné sa sympathie plus que le vrai héros (qui arrive à le tuer quand même, car la destruction du Mal est inéluctable, si populaire soit-il !) : il n’est peut-être pas non plus anodin qu’à la différence du Scélérat traditionnel, Khan ait eu des séquences chantées (d’ailleurs, les chansons les plus populaires) ayant pour objet son personnage dans le film ! En effet, dans Darr, nous notons une "romantisation" nette de l’obsession, et il a déclenché toute une vague de films qui ont mis en avant des aspects ambigus de l’amour, ses facettes troublantes, voire sordides. Un fait qui est d’autant plus remarquable en Inde que, pendant tout un siècle, l’amour était synonyme de dévouement, de sacrifice et représentait la quintessence de tout ce qui est noble (et souvent inaccessible) dans le cinéma populaire.
   Nous observons également une inversion de rôles très significative en ce qui concerne la représentation de la Méchanceté. Auparavant (surtout depuis les années cinquante), les Méchants étaient majoritairement des personnages mielleux, occidentalisés par leurs tenues et leur comportement, dans un univers débordant de technologie moderne (sic), et des vices venus (sic) de l’étranger. Aujourd’hui, les Vilains sont de plus en plus truculents, illettrés et très souvent bénéficient d’une légitimité politique qui les place hors la portée de la loi.
   On est amené à se demander si ce n’est pas un miroir peu glorieux de la société indienne d’aujourd’hui : un des plus grands problèmes auquel le pays est confronté est la politisation du criminel. Dans ces films, les Méchants accumulent les privilèges et jouissent d’énormes pouvoirs : la seule raison de leur chute est une confrontation avec le héros, à qui ils ont causé du tort. Shyam Benegal signale 61a que c’est en cela que le cinéma populaire risque d’être subversif : dans la légitimation du Méchant. Car, comme cela devient clair pour n’importe quel spectateur indien, les parallèles avec le domaine politique sont évidents.
   Ainsi la résurgence de la mélodie n’implique pas du tout une atténuation ni de la violence ni de la vulgarité à l’écran ; par contre, l’agressivité et la sexualité deviennent plus explicites dans les séquences chantées actuellement. De grands succès tels que Jumma jumma (un baiser, donne-moi un baiser) interprété par Amitabh Bachchan dans le film Hum (Nous, 1990) ou Sarkayi Leyo Khatiya (déplaçons le lit, il fait froid) du film Raja Babu suggèrent nettement l’acte sexuel. Les paroles de la chanson Sexy, sexy, sexy du film Khuddar (Honnête) ont dû être changées en Baby, baby, baby que la censure a trouvées moins choquantes et le film Khalnayak (Scélerat, 1993 ; réalisateur, producteur : Subhash Ghai ; compositeurs : Laxmikant-Pyarelal ; parolier : Anand Bakshi) dont la chanson Choli ke peeche kya hain (Que portes-tu sous ton corsage ? - dont la réponse était « un coeur ») a été jugée par le Parlement indien comme immorale. Pourtant, il n’y a guère de critiques sur les scènes sulfureuses que comportent ces séquences, qui - étant transmises 24 heures sur 24, dans de millions de foyers à travers la télévision câblée - bénéficient d’une audience impressionnante.
   Or, les filmi geet deviennent aujourd’hui l’outil de promotion le plus envahissant du film hindi parce qu’elles sont diffusées sur les soixantaines de chaînes de télévision (dont les chaînes terrestres touchent 87% de la population indienne) sous la forme de clips et à la radio : donc ce vaste public connaît déjà, avant la sortie du film, les chansons et les séquences chantées. L’industrie du disque, prenant en compte la relation symbiotique entre le cinéma et la musique, décide de profiter de ce boom exponentiel dans les ventes de bandes musicales des films et investit dans la production de films populaires avec un certain succès. Les chiffres sont incontestables : en 2000, la bande musicale du film Kaho na pyar hai (Avoue que tu es amoureux ; réalisateur : Rakesh Roshan) s'est vendue à 8 millions d'exemplaires de disques et de cassettes ; celle de Mohabbattein (Amours ; réalisateur : Aditya Chopra) s'est vendue à 6 millions d'exemplaires. Or, le maximum de disques et cassettes vendus dans le cas d'un album non lié à l’industrie du cinéma ne dépasse pas 2 millions d’exemplaires (l’album de variétés kabhi to nazar milao interprétés par Asha Bhonsle et Adnan Sami).
   TIPS Industries Ltd. (chiffre d’affaires des 3 premiers mois de 2001 : 339 millions de roupies) était la première maison de disques à entrer dans le domaine de production cinématographique avec le film Auzaar (Outil, 1996). Mais les autres, y compris des multinationales comme Magnasound, Sony, Universal etc. n’ont pas tardé de suivre l’exemple. Avec ce développement, on s'aperçoit d'une augmentation dans le contenu musical de films : puisque, évidemment, c’est dans l’intérêt des producteurs de mettre en valeur les chansons. Si dans les années quarante, les réalisateurs étaient poussés par les producteurs spéculateurs à multiplier les éléments commerciaux de leurs films, aujourd’hui, la pression semble mener à un surcroît de musique dans le cinéma populaire. Rajiv Kaul, scénariste réputé, a expliqué les rapports de force ainsi
61b : « Parfois, des maisons de disques enregistrent une chanson et nous disent après ‘Insère-la dans le film’. Si je veux toucher mon chèque, je ferais bien de lui trouver une place dans l’histoire ». Sept chansons consomment environ 40 minutes d’un film.
   Mais peu de réalisateurs se plaignent : Subhash Ghai de Mukta Arts vient de toucher la somme sans précédent de 1,33 million de dollars pour les droits de la bande musicale de de son dernier film Yadeein (Souvenirs, juillet 2001) : l’acheteur est encore TIPS. Pour que cet achat soit rentable, il va lui falloir vendre au moins 5 millions de disques et de cassettes. Dans une interview récente, les directeurs, les deux frères Taurani, ne montraient cependant aucune inquiétude. Ils font une campagne de marketing agressive, diffusent les séquences chantées sur toutes les chaînes de télévision, organisent des concours, offrent gratuitement des disques...
   Ceux qui souffrent, par contre, sont les réalisateurs qui essaient de faire un cinéma «différent », qui n’intègre pas les éléments dits obligatoires pour une sortie dans le circuit commercial. Govind Menon, jeune réalisateur formé à l’UCLA aux Etats-Unis, nous a parlé 62 des difficultés rencontrées par son producteur, premièrement à trouver du financement et deuxièmement à assurer une stratégie de publicité pour qu’un public potentiel connaisse l’existence de ce film, Danger, un polar - et c’est là que la tentative de Govind devient singulière - sans chansons.
   Car, comme nous fait remarquer Govind, non sans ironie, le dernier film hindi sans chansons à sortir sur les écrans indiens était Ittefaq (Coïncidence, au début des années 70), un polar également, qui a connu un grand et inattendu succès commercial sans doute grâce à la présence de la super-star Rajesh Khanna et celle de la vedette Nanda. Govind, qui n’utilise pas de stars est lui-même sceptique sur l’avenir de son film, mais il se refuse à faire des compromis.
   A la différence de Govind Menon, la plupart des précurseurs de la Nouvelle Vague des années soixante-dix et des jeunes réalisateurs d'art et d'essai ont fait des compromis sur la forme cinématographique : Shyam Benegal (un des fondateurs de la Nouvelle Vague, mentor des acteurs de renommée internationale comme Shabana Azmi, Smita Patil, Nasiruddin Shah et Om Puri, et réalisateur de films comme Ankur, Manthan et Mandi) a choisi pour la musique de sa dernière œuvre Zubeida, le compositeur A.R. Rahman. Govind Nihalani, réalisateur de Holi, Aakrosh et Ardh Satya a suivi son exemple. Il en est d’autres, comme Kalpana Lajmi (Ek Pal, Rudali), Sai Paranjpayee (Chashme Buddoor, Sparsh, Saaz) et Mani Ratnam (Nayakan, Roja, Bombay, Dil Se) qui - tout en gardant leur propre style et en utilisant ce mode d’expression pour exprimer leur engagement politique ou idélogique - ont toujours eu recours à la musique puisqu’ils croient fermement que celle-ci fait partie du lexique cinématographique en Inde, et qu’au lieu d’être un handicap, elle pourrait être une arme puissante et fine.
   A l’aube du XXIe siècle, nous remarquons aussi un courant discret mais de plus en plus répandu de films « hinglish », des films réalisés en un mélange de plusieurs langues, avec comme base l’anglais (qui est, en effet, la langue maternelle de milliers d’Indiens urbains), dépeignant les problèmes de cette génération de la bourgeoisie et ciblant un public de jeunes cadres qui s’y identifie complètement. Parmi eux, Hyderabad Blues (1998, réalisateur : Nagesh Kukunoor), English, August (1997, réalisateur : Dev Benegal) et Bombay Boys (1999, réalisateur : Kustad ) méritent une mention particulière pour leur originalité et le sens de l’ironie qui traversent leurs œuvres : une ironie contre eux-mêmes, le système actuel et l’industrie du cinéma populaire.

   Ayant voyagé dans l’histoire des arts de la scène indiens, retrouvé les règles imposées par les Dieux pour leur divertissement, nous avons peut-être quelques indices sur les raisons qui expliquent pourquoi le cinéma populaire a pris la forme qui est la sienne. Pourtant, ce qui continue à nous interroger, c’est comment les chansons pourraient contribuer à l’œuvre cinématographique. Et pour avoir une meilleure idée de l’instrumentalisation de la chanson par le cinéma, nous sommes amenés à étudier différentes séquences chantées de films, et à nous appuyer sur des avis de personnes issues de l’industrie cinématographique indienne.


61. Rashmi DORAISWAMY, « Hindi Cinema: Changing Narratives » dans « Frames of Mind: Reflections on Indian Cinema », sous la direction d’Aruna VASUDEV, New Delhi, ICCR, 1995, page 181 - Retour au texte.
61a. Shyam BENEGAL, « Popular Cinema » dans « 100 Years of Cinema », sous la direction de Prabodh MAITRA, Nandan 1995, page 29 - Retour au texte.
61b. cité dans « Scriptwriters: Their Own Sad Story », dans l’hébdomadaire INDIA TODAY, le 30 avril 1995, page 157 - Retour au texte.
62. Interview du 23 août 2001 - Retour au texte.

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