O
PREMIÈRE PARTIE
De l'Inde à la Réunion

                        

          2. L'hindouisme populaire

 2.2. L’hindouisme populaire au quotidien à La Réunion

  2.2.4. Les officiants du culte populaire 

     Les prêtres des grands temples urbains, qui depuis peu ont supplanté les temples traditionnels malbars des zones de plantation, sont appelés « swamis ». Ces prêtres Brahmanes sont engagés sous contrat par les associations de gestion des grands temples et viennent de Maurice ou directement d’Inde. Ce « clergé d’importation » est un phénomène tout récent s’inscrivant dans le cadre d’une recherche et d’une redécouverte des origines indiennes par les jeunes générations (qui tentent ainsi de se démarquer de la tradition malbare de leurs ancêtres engagés en manifestant un intérêt grandissant pour l’hindouisme classique). Il n’y a cependant pas de réelle concurrence entre les swamis et les traditionnels pusaris, en tout cas pas assez « pour menacer les activités des prêtres malbars, ceux des temples de plantation, d’autant que ceux-ci ont réagi en assumant à leur tour certains des rôles que les prêtres venus de Maurice ou de l’Inde avaient introduits » (J. BENOIST 1998, 75). Nous reviendrons plus tard sur ce phénomène non sans lien avec la modernité.
     Le prêtre traditionnel des Malbars est donc le pusari. Les modes d’accession à cette fonction ne sont pas clairement définis mais c’est une transmission familiale qui semble être de règle (de l’oncle maternel au neveu, de père en fils ou par des liens plus étendus). Dans tous les cas, le futur pusari doit dès son enfance manifester un intérêt particulier pour cette fonction, et la volonté d’être « formé » doit être la sienne. En effet, le pusari ne semble pas chercher à transmettre son savoir et ses pouvoirs, et la formation d’un nouveau prêtre doit être motivée par le novice lui-même. « On retrouve là une structure qui empêche l’émergence d’une strate formelle qui monopoliserait ce type de fonctions religieuses. L’accès de métis, voire de créoles, au statut de pusari s’inscrit dans cette logique » (J. BENOIST 1998, 77). De plus, la formation n’est pas constituée d’un apprentissage explicite ni de véritables étapes d’initiation mais bien du suivi régulier d’un officiant par le novice, et ce depuis l’adolescence.
     Le terme pusari, qui se rapporte principalement aux officiants des temples de plantation, est également employé pour désigner toute une série de spécialistes des relations avec le surnaturel proches des guérisseurs créoles et autres « devineurs » (terme créole). La plupart du temps dénigrés par les premiers, ces spécialistes peuvent cependant acquérir de l’expérience dans le domaine religieux et élargir leurs connaissances rituelles pour accéder à la fonction reconnue de prêtre (J. BENOIST 1998, 77). Inversement, le pusari qui officie dans un temple peut également être reconnu pour ces pratiques
parallèles de « devineur » ou de guérisseur (J. BENOIST 1998, 270) mais nous reviendrons sur ce point dans le chapitre consacré aux interpénétrations entre la culture créole et la religion hindoue.
     Néanmoins, les prêtres des temples malbars officient également à leur domicile dans le cadre de leurs fonctions. Ils accueillent les fidèles à leur domicile ou dans une petite chapelle érigée à proximité et leur fournissent divers services rituels comme la confection d’amulettes (pour écarter mauvais oeil et mauvais esprits), le questionnement des dieux, l’exorcisme, les rites de purification ou l’astrologie. J. BENOIST précise à ce sujet qu’ à La Réunion « il n’existe guère de spécialistes qui ne se consacreraient qu’à l’une des activités que, dans la pratique, le pusari concentre sur sa personne. (…) Cette combinaison est inhérente à son statut » (J. BENOIST 1998, 79).
     Les prêtres se chargent donc de l’ensemble des tâches religieuses mais il arrive que d’autres personnes aient une fonction rituelle dans certains contextes. C’est le cas notamment du malaadi, personne sur laquelle un esprit descend dans le cadre d’une possession rituelle dans les temples de campagne (C. GHASARIAN 1994, 687) mais également lors d’une séance privée de divination nécessitant un aide au pusari (J. BENOIST 1998, 80).
     Dans le cadre des cérémonies familiales, le père de famille dirige l’office et est également le sacrificateur (à l’inverse des temples de plantation où les sacrificateurs sont des personnes non-officiantes exécutant l’acte sacrificiel dans le cadre d’un voeu à une divinité). Le frère de la mère occupe une place importante dans les rituels de naissance et de deuil et la mère se charge principalement des offrandes périodiques à la déesse Pétiyaye garantissant la fertilité de la famille (C. GHASARIAN 1991, 50).


     Comme nous venons de le voir, tout en pointant néanmoins quelques particularités de sa forme réunionnaise, les grandes lignes de l’hindouisme ont gardé leur essence. Les Malbars ont perpétué leur adhésion à un ensemble de préceptes moraux, religieux et sociaux qui, si ils ne correspondent plus exactement aux Lois de Manou de l’Inde ancienne, s’en imprègnent encore largement. Voyons cependant maintenant ce que l’hindouisme réunionnais a de créole et ce que la « créolité » doit à l’hindouisme.

Haut de page


Accès au sommaire du mémoire


Retour à la page précédente

    

SOMMAIRE du SITE