O
DEUXIÈME PARTIE
Hindouisme et changement religieux
dans la société réunionnaise

                        

          3. Le cas de Saint Expédit

     J’ai plusieurs fois fait allusion dans les pages précédentes à ce saint dont le culte est très répandu dans l’île. En effet, sa présence ne se limite pas – au contraire – aux petits autels érigés par les « devineurs » et autres guérisseurs indiens ou créoles (cf. supra). J’ai décidé de consacrer un chapitre à Saint Expédit premièrement parce qu’il fut, je le rappelle, le point de départ de ma curiosité et ensuite parce qu’il concentre sur lui toute une série de malentendus, notamment en matière de « syncrétisme ».
     Saint Expédit, dont la présence est extrêmement visible par le pullulement de ses oratoires rouge vif le long des routes de l’île, est un saint qui, bien que souvent associé à la « sorcellerie » malbar, suscite la ferveur d’une bonne part de la population réunionnaise. Nous allons voir à présent comment ce saint à l’origine obscure est devenu une invention originale de la culture réunionnaise, un médium capable d’écouter les besoins de toute la population créole (1).
     On trouve les premières traces de Saint Expédit dans un ouvrage du Ve siècle nommé le « Martyrologe Hiéronymien », où il est mentionné que son martyre eut lieu en 303 en Arménie. Il aurait à l’époque été l’un des commandants de la Legio XII Fulminata sur les bords de l’Euphrate. Son culte date de la deuxième moitié du 19ème siècle où il aurait connu un certain succès en France, apparaissant désormais comme le patron des « causes urgentes » bien que l’on doute déjà à l’époque de l’authenticité de son origine. En effet, survient en 1899 une vive critique de la part des Bollandistes basés à Bruxelles qui tentent de démontrer que la légende de ce saint n’est qu’une invention, fruit d’erreurs successives de transcription (P. REIGNIER 1997, 1). Si bien qu’en 1905, Saint Expédit est rayé du martyrologe officiel romain par le pape Pie XI qui ordonne (sans succès) l’enlèvement de ses images dans les églises.


1 Je me réfère essentiellement ici aux communications et articles de P. REIGNIER (1997, 2000, 2001, 2003) qui ont précédé et suivi sa thèse de doctorat sur Saint Expédit au département d’anthropologie de l’Université de La Réunion et à d’autres publications concernant le culte de Saint Expédit en Amérique Latine (M. AUGRAS). (Retour au texte)

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