Anita Nair :

" I write because it gives me the greatest joy"

    
  

   En quelques années, depuis la publication de son premier livre en 1997 - le recueil de nouvelles Satyr of the Subway and Eleven Other Stories - la romancière kéralaise Anita Nair est devenue l'une des figures majeures de la littérature indienne de langue anglaise, et de la littérature indienne en général. Sa reconnaissance internationale est désormais acquise, et plusieurs de ses livres ont déjà été traduits en français : Un homme meilleur, Compartiment pour dames, Les Neuf Visages du coeur.
   Elle a eu la gentillesse de répondre à nos questions.


Interview  -  Site Internet


Interview

  • IR : Anita Nair, you were born in Kerala : is Malayalam your mother tongue ? Why did you choose to write in English ?
          Anita Nair, vous êtes née au Kerala : le malayalam est-il votre langue maternelle ? Pourquoi avez-vous choisi d'écrire en anglais ?

AN : Malayalam is my mother tongue. However I choose to write in English because the first language I studied was English and though I was exposed to Hindi, Tamil and Malayalam, it was English as a language that I fell in love with. Moreover a peculiar feature to many of my generation was that since we were brought up in a rather urban atmosphere English became the language I thought in.
  
Le malayalam est bien ma langue maternelle. J'ai cependant choisi d'écrire en anglais parce que c'est l'anglais qui a été la première langue que j'ai étudiée, et bien que je me sois trouvée dans des environnements linguistiques hindi, tamoul et malayalam, c'est de la langue anglaise que je suis tombée amoureuse. Plus encore, il faut savoir qu'une particularité de bien des représentants de ma génération est que, puisque nous avons été élevés dans un contexte largement urbain, l'anglais est devenue la langue dans laquelle je pense.

  • IR : As a child, did you already feel or know that you would become a writer ?
      
       Dès votre enfance, sentiez-vous ou saviez-vous déjà que vous deviendriez écrivain ?

AN : As a child I was fascinated by words and the thought of spinning stories with words. However I didn’t see myself as becoming a writer/author until much much later.

   J'étais une enfant fascinée par les mots et par l'idée que les mots pouvaient donner vie à des histoires. Ce n'est cependant que beaucoup, beaucoup plus tard que j'ai pu penser à devenir écrivain/auteur.

  • IR : When and how did you begin to write ? Which writers do you admire, in India and out of India ?
      
       Quand et comment avez-vous commencé à écrire ? Quels auteurs admirez-vous, en Inde et ailleurs ?

AN : I have always been writing. As far as I can remember I always have had a note book and a pen in which I scribble my thoughts. Sometimes I think the desire to write stemmed from the fact that I am a voracious reader and inevitably I felt the need to be able to capture the stories in my head. I admire several writers in India. But to name a few,  Allan Sealy, Amitav Ghosh, M. Mukundan, M T Vasudevan Nair. Out of India too there are several writers I admire too but chief among them are Annie Proulx, Manuel Rivas, Jorge Amado, John Updike etc. 

   J'ai toujours écrit. Aussi loin que remontent mes souvenirs, je me rappelle avoir toujours eu avec moi un carnet et un stylo pour y noter mes pensées. J'ai tendance à croire que mon désir d'écrire vient du fait que je suis une lectrice vorace, et j'ai inévitablement éprouvé le besoin d'être capable de m'emparer des histoires dans ma tête. Il y a plusieurs écrivains indiens que j'admire. S'il faut n'en citer que quelques-uns, je retiendrai Allan Sealy, Amitav Ghosh, M. Mukundan, MT Vasudevan Nair. J'ai aussi de l'admiration pour bien des auteurs étrangers, en particulier Annie Proulx, Manuel Rivas, Jorge Amado, John Updike, etc.

  • IR : You have been working in an advertising agency : do you think it has some influence on your way of writing ? Did  this professional experience bring something to you as a writer ?
        
    Vous avez travaillé dans une agence de publicité : pensez-vous que cela ait eu quelque influence sur votre façon d'écrire ? Cette expérience professionnelle vous a-t-elle apporté quelque chose en tant qu'écrivain ?

AN : Yes advertising helped immensely. It helped me craft my writing to the extent that I learnt to edit the flab out. Apart from which advertising is a great apprenticeship for a writer.
   First, I got used to rejection. Out of every ten brilliant campaigns, one sees the light of the day. So what are a few rejection slips ? Secondly, I learnt to curb my temper when someone mauled my precious lines. Just about everyone in an ad agency from the tea boy to the CEO ; and outside it, from the client’s grandmother to his daughter’s dance teacher have a point of view about the campaign and specifically the copy. So one accepts editing more easily than perhaps a writer who has been a dog trainer. And finally, as an advertising writer has concocted enough rhetorical overstatements for middling products he or she will seldom be a victim of any hype…

   Oui, la publicité m'a énormément apporté.  Elle m'a aidée à travailler mon écriture dans la mesure où j'ai appris à l'alléger de tout le superflu. Par ailleurs la publicité est un excellent apprentissage pour un écrivain.
   D'abord, j'ai appris à accepter le refus. Sur dix brillantes campagnes publicitaires projetées, une seule voit le jour. Alors, que représentent quelques lettres de refus ? Ensuite, j'ai appris à réfréner mon caractère quand quelqu'un déchirait mes précieuses propositions. Tout le monde, dans une agence de pub, depuis l'employé chargé de servir le thé jusqu'au PDG, et même à les personnes extérieures à l'agence, depuis la grand-mère du client jusqu’à la prof de danse de sa fille, trouve son mot à dire sur la campagne et en particulier sur le slogan. Alors on finit peut-être par accepter plus facilement de modifier son travail que si l'on est un écrivain qui a débuté comme maître chien. Enfin, un créatif dans une agence publicitaire a suffisamment manipulé les ficelles de la rhétorique emphatique au service de la vente de produits médiocres pour ne plus être que rarement victime du chant des sirènes publicitaires.

  •  IR : Ladies Coupé was your first book to be a real bestseller out of India : can we say it is a novel about women's fate ? What would you like people keep in mind after reading this novel  ?
           Compartiment
    pour dames a été votre premier véritable best seller hors de l'Inde : peut-on dire qu'il s'agit d'un roman sur la condition féminine ? Qu'est-ce que l'on devrait garder à l'esprit selon vous après la lecture de ce roman ?

AN : Feminism as I understand it demands women is treated as equal to men.
   I prefer to take a stance where I believe "about the right women have to be women without having to be inferior beings". And it was this I wanted to explore with Ladies Coupe. And also depict that it isn't easy to be a contemporary Indian woman. On the one hand she is aware of her rights and the need for an identity. On the other hand tradition dictates that she submerge it in her role as mother and wife...the Indian woman is someone who has a core of steel despite being wrapped in many layers of tradition.

   Le féminisme tel que je le perçois exige que la femme soit traitée sur un pied d'égalité avec l'homme.
   Personnellement, je préfère une autre position : je crois au "droit qu'ont les femmes d'être femmes sans avoir à être des êtres inférieurs". C'est cet aspect que j'ai voulu explorer dans Compartiment pour dames. Et aussi montrer qu'il n'est pas facile pour être une femme indienne contemporaine. D'un côté elle est consciente de ses droits et du besoin d'avoir son identité. D'un autre côté la tradition lui impose d'enfouir cela sous son rôle de mère et d'épouse... La femme indienne est quelqu'un qui a un cœur d'acier même s’il est enveloppé de bien des couches de tradition.

  •  IR : Mistress is built like a Kathakali play, because you admire Kathakali. What else among your Keralite roots have some influence on your mind and on your work ?
       Les
    neuf Visages du cœur est un roman construit comme une pièce de kathakali, parce que vous admirez le kathakali. Qu'est-ce qui, encore, dans vos racines du Kerala, exerce quelque influence sur votre esprit et votre travail ?

AN : I wish I could tell you why Kerala inspires me as it does. All I do know is it does. And again and again….It is maddening to know that whatever it is defies description… perhaps it is the sum total of the colours, the scents, the landscape, the people, their cussedness and humour, the petty politics and the larger than life ideals…just when you think you have understood some facet of Kerala, it contradicts itself. Perhaps that is what is so exciting for me as a writer…

   J'aimerais bien être capable de dire pourquoi le Kerala m'inspire comme il le fait. La seule chose que je sais, c'est qu'il m'inspire. Encore et toujours... C'est rageant de savoir que quoi que cela soit, cela se dérobe à la description. Peut-être est-ce la somme totale des couleurs, des odeurs, le paysage, les gens, leur esprit de contradiction et leur humour, la politique mesquine et les idéaux démesurés... Le simple fait d'y penser vous fait déjà comprendre une facette du Kerala, il se contredit lui-même. C'est peut-être cela qui est si stimulant pour l'écrivain que je suis...

                   

  • IR : Do you consider yourself as an Indian lady writer, or should we cut "Indian" and "lady" ?
       Vous
    considérez-vous comme une femme écrivain indienne, ou faudrait-il oublier "femme" et "indienne" ?

AN : Yes, I would prefer out if you could strike out both Indian and lady. I see myself as a writer without strings attached.

   Oui, je préférerais laisser de côté "femme" et "indienne". Je me vois comme un écrivain libre de toute étiquette.

  • IR : Is literature an art ? Is poetry (... you also write poetry) more artistic than novels. What is the peculiarity of the art of novel ?
       La littérature est-elle un art ?
    La poésie (... vous écrivez aussi de la poésie) est-elle davantage de l'art que le roman ? Qu'est-ce que l'art du roman a de spécifique ?

AN : Literature is as much an art form as poetry. In fact, I believe that they have equal weightage. However not all poets can be novelist and vice versa. Simply because poetry by nature looks inwards whereas the novel tends to dwell in the world outside. But more than anything else the novelist has to have a long term vision and stamina to be able to sustain the narrative itself. Very often in the middle of a novel a novelist can be plagued with doubts as to the point of the novel itself. It requires great mental strength to be able to surmount those doubts and move forward. More than the essayist or the poet this is what makes the novelist unique – the mental stamina to work on a large canvas over a long period of time.

   La littérature est tout autant un art que la poésie En fait, je suis convaincue qu'elles ont la même valeur. Quoi qu'il en soit, n'importe quel poète ne peut pas devenir romancier, et vice versa. Tout simplement parce que la poésie est par nature tournée vers l'intérieur, tandis que le roman tend à s'appuyer sur le monde extérieur. Mais par dessus tout, le romancier doit avoir une vision à long terme, une sorte d'endurance, pour tenir la distance de la narration elle-même. Très souvent au milieu de son roman, le romancier peu être assailli de doutes, jusqu’à remettre en cause l’œuvre elle-même. Cela exige une grande force mentale si l'on veut surmonter ces doutes et aller de l'avant. C'est surtout cela qui rend le romancier unique et le différencie de l'essayiste ou du poète : cette endurance mentale qui lui permet de travailler sur un vaste canevas pendant une longue période.

  • IR : Is humour important to you ?
       Est-ce que l'humour est important pour vous ?

AN : Yes, humour is very important to me. I believe if one can laugh at life and one self everything becomes less tedious.

   Oui, l'humour est très important pour moi. Je suis convaincue que s'i l'on est capable de rire de la vie et de soi-même, tout devient moins ennuyeux.

  • IR : Looking deep inside yourself, what will you answer this raw question : Anita Nair, why do you write ?
       Si
    vous regardez au plus profond de vous, que répondrez-vous à cette question abrupte : Anita Nair, pourquoi écrivez-vous ?

AN : I write because it gives me the greatest joy. I write because when I do I have a sense of identity – of someone who is courageous enough to hold up a mirror to society.

   J'écris parce que cela me donne la plus grande des joies. J'écris parce que, quand j'écris, je ressens profondément mon identité - l'identité de quelqu'un qui a assez de courage pour présenter un miroir devant la société.

  • IR : What are your projects ?
       Quels snt vos projets ?

AN : I have three forthcoming projects :
  
First one a collections of lesser known Indian Mythology. There are 50 myths showcasing the most enchanting and magical stories of gods and demons from Indian Mythology written for children. This book should soon be out – Nov.’07.
   A second book is also scheduled for release next year. A light non-fiction one of all my literary essays. Each essay is a bedtime rumination and is about books, writers, publishing, book events etc with personal anecdotal history and I make fun of myself while taking potshots at the literary world. As you can see, it is a kind of ironic take on everything around me and my world drawing from my own experiences as a woman, mother, daughter, wife and published writer...

   And the third project is a novel that I am working on.

   J'ai trois projets en cours :
   Le premier est un recueil de récits mythologiques indiens peu connus. Il s'agit de cinquante mythes écrits pour les enfants, montrant les histoires de dieux et de démons les plus fascinantes et magiques de la mythologie indienne. Ce livre devrait paraître en novembre 2007.
  
Un deuxième livre est aussi prévu pour l'an prochain. Il s'agit d'une compilation de tous mes essais littéraires. Chacun de ces essais est une rumination de fin de soirée, au sujet de livres, d'écrivains, d'éditions, d'événements littéraires, etc. avec des anecdotes personnelles. Je me moque de moi-même tout en tirant à vue sur le monde littéraire. Vous voyez, c’est une sorte de parti pris d’ironie sur tout ce qui m’entoure et constitue mon univers, à partir de mon expérience de femme, de mère, de fille, d’épouse et d’auteur publié.
   Quant au troisième projet, il s’agit d’un roman sur lequel je travaille.

  

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Site Internet

  

   Anita Nair a eu la bonne idée de mettre en ligne sur la Toile un site Internet - en anglais bien évidemment - qui, loin de donner dans le nombrilisme, est d'un réel intérêt pour ceux qui souhaitent mieux la connaître, mais aussi prendre connaissance de textes inédits. C'est ainsi que, hormis un présentation de ses livres, on pourra trouver des rubriques consacrées à la critique littéraire, à l'humour, et même un essai sur le réalisateur Mani Ratnam...
   Son adresse : www.anitanair.net

     

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