Interview
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IR : Kunal Basu, you wrote on your
website that writing came to reign over your life in
the manner of a grand obsession. Could you please
tell us when and how this liking for writing entered
your life ? And how did it become this "grand
obsession" ?
Kunal Basu, vous dites sur votre site Internet que l'écriture a
fini par exercer une emprise telle sur votre vie qu'elle constitue une
véritable obsession. Pourriez-vous nous dire quand et comment ce goût pour
l'écriture est entré dans votre vie ? Et comment il est devenu cette
obsession ?
KB :
I was born in a bookish family. My
father was an independent publisher and my mother an author,
who at 85, is still quite prolific. So I grew up reading,
arguing, and discussing books, as well as evesdropping on
conversations between my parents and their literary friends.
I was set for a literary life - there was no choice ! I had
started writing quite early in Bengali - poetry, short
stories and essays - but really found my feet writing my
first novel - The Opium Clerk - in English, much later as an
adult. That novel changed my life - I began to see
everything else as being inconsequential, and
the act of
writing overcame the daily obstacles of life and livelihood.
Looking back, I didn't quite forsee how obsessive I'd become
about my writing, but the bonding of a childhood passion with
a lifelong desire to tell stories created a lethal
combination from which I couldn't escape.
Je suis né dans
une famille passionnée par les livres. Mon père était éditeur
indépendant et ma mère est écrivaine : à l'âge de 85 ans elle produit
toujours beaucoup. Ainsi j'ai grandi en lisant des livres, en discutant
de livres, en écoutant en cachette les conversations entre mes parents et leurs amis du monde littéraire.
Je ne pouvais que devenir écrivain - pas d'autre choix possible ! J'ai
commencé très tôt à écrire en bengali - de la poésie, des nouvelles, des
essais - mais ce n'est qu'en écrivant, en anglais, mon premier roman - The Opium Clerk
- que j'ai réellement trouvé mes marques, beaucoup plus tard, à l'âge
adulte. Ce roman a changé ma vie - j'ai commencé à voir comme futile
tout ce qui ne se rapportait pas à son écriture, et l'acte même
d'écriture m'a permis de surmonter les obstacles de la vie quotidienne
et matérielle. Quand j'y repense, je me rends compte que je n'avais pas
prévu le degré obsessionnel qu'atteindrait pour moi l'écriture, mais
la conjonction d'une passion d'enfance et du désir toujours éprouvé de
raconter des histoires a abouti à une combinaison fatale à laquelle je n'ai
pu échapper.
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IR : And what about acting and
painting ? Being younger you used to practice both :
later, why did you forget about it ?
Qu'avez-vous à dire sur la comédie et la peinture ? Plus jeune,
vous les pratiquiez toutes deux : pourquoi y avoir
renoncé par la suite ?
KB : Painting was indeed my primary
passion, one that preceded even writing. But I didn't have
the luxury of going to art school, which at the time I was
growing up in India, was seen as a sure ticket to
unemployment. I made the bad choice of not struggling
through to become a professional artist. I would like to
think that my love for images has mutated into my writing -
which is why I tend to paint with words, enthralled by the
visual sensuality of language. Theatre was fun - a collective
catharsis. But I realised early on that I couldn't flourish
working with others, that for me the creative act had to
performed in private, and as much as I love the stage, the
bright lights, the thrill of performing, I draw a greater
pleasure in conjuring up my stories from behind my desk.
But life is unpredictable, you see... I might still lapse back into art or performance someday. In
any case, I have stolen heavily from both of these to
fertilise my writing.
En réalité, la peinture a été ma
toute première passion, avant même l'écriture. Mais je
ne pouvais pas me permettre le luxe de fréquenter les
écoles d'art qui, en Inde, à l'époque où j'étais en âge
de faire des études, étaient considérées comme
aboutissant à coup sûr au chômage. J'ai fait le mauvais
choix de renoncer à lutter pour devenir artiste
professionnel. J'aime à croire que mon amour des images
s'est transposé dans l'écriture - raison pour laquelle,
fasciné par la sensualité visuelle du langage, j'ai
tendance à peindre avec des mots.
Le théâtre, c'était pour le plaisir - une sorte de catharsis
collective. Mais je me suis vite rendu compte que
travailler avec d'autres ne me permettait pas de
m'épanouir ; pour moi, l'acte créatif est du domaine du
privé. Même si j'adore la scène, les projecteurs, le
frisson de se produire en public, je retire un plaisir
plus grand encore à faire surgir mes histoires de
derrière mon bureau.
Mais la vie, voyez-vous, est imprévisible... Qui sait si un jour je
ne me retrouverai pas sur scène ou les pinceaux à la
main ? Quoi qu'il en soit, j'ai beaucoup emprunté à ces
deux modes d'expression pour en nourrir mon écriture.
KB : My early writing was all in Bengali.
But, like some other Bengalis, I am a strange bilingual
creature to whom English is as much a native language as my
mother tongue. I didn't consciously choose to write in
English by banishing Bengali - the words simply flowed out
of my pen. There is another secret pleasure as well : to
write in a foreign dialect of English - like
The Miniaturist,
which I think was written in an Urdu dialect of English.
It's the cross-pollination between languages and dialects
that enrich a literary work, and writing in English allows
me to engage in acts of deliberate crossovers.
Mes premiers écrits étaient tous en bengali. Mais, comme
d'autres Bengalis, je suis une étrange créature bilingue
pour qui l'anglais est, autant que ma langue maternelle,
une langue première. Je n'ai pas fait le choix conscient
d'écrire en anglais en bannissant le bengali - ce sont
les mots qui sont tout naturellement sortis ainsi de ma
plume. Mais il faut que j'évoque un autre plaisir secret
: écrire dans une forme dialectale étrangère de
l'anglais - comme dans Le Miniaturiste, écrit
dans une forme dialectale urdu de la langue anglaise.
C'est la fécondation croisée des langues et des
dialectes qui enrichit le travail littéraire, et
l'écriture en anglais me permet de m'engager
délibérément dans de tels croisements.
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IR :
The Miniaturist was
your second novel, you published it in English in
2003... But could you tell us something about your
first novel, The Opium Clerk ? What was it
about ? As a first novel, were you satisfied with it
?
Le Miniaturiste est votre deuxième roman, publié en anglais
en 2003... Mais pourrez-vous nous parler de votre
premier roman, The Opium Clerk ? De quoi
parlait-il ? En tant que premier roma, vous a-t-il
satisfait ?
KB : The Opium Clerk,
my first novel, tells
the story of a young Brahmin boy who works in the
British opium factory in Calcutta in the 19th century. He
is innocent of the effect of the drug but gets embroiled in
the affairs of his British superior and his opium addicted
wife. An unlikely hero, the opium clerk travels to China
and is caught up in rebellion and
war, in love and dangerous
intrigues.
As my first novel, it has a special place
within me. I often find myself 'measuring up' other novels
I have written or am planning to write in terms of my first
one : 'Will it be as broad and sweeping as The Opium Clerk ?
As ambitious and expansive
? As densely populated with
characters? Although my other novels are distinct from my
first, Opium
still
serves as a curious reference point of
sorts.
It is the first novel written by an
Indian on the opium trade, and the first English novel set
in the 19th century by an Indian author - both of which give
me some degree of pride.
The Opium Clerk, mon
premier roman, raconte l'histoire d'un jeune brahmane
travaillant dans l'usine d'opium que les Britanniques
avaient créée à Calcutta au XIXe siècle. Il ne sait rien
des effets de la drogue, mais est entraîné dans les
affaires de son supérieur, un Anglais, et de sa femme,
qui s'adonne à l'opium. Héros improbable, "l'employé de
l'opium" voyage jusqu'en Chine et se trouve pris dans le
tourbillon de la révolte, de la guerre, des intrigues
amoureuses et dangereuses.
En tant que premier roman, ce livre est très important pour moi. Je
me surprends souvent à "mesurer" mes autres romans -
ceux que j'ai écrits ou que je projette d'écrire - à
l'aune de celui-ci : sera-ce aussi large et
riche que
The Opium Clerk ? Aussi ambitieux et
exubérant ? Aussi grouillant de personnages ? Même si mes autres romans
sont différents, The Opium Clerk reste pour moi,
curieusement, une sorte de référence.
C'est le premier roman jamais écrit par un Indien sur le commerce
de l'opium, et le premier roman en anglais, d'un auteur
indien, dont l'action se situe au XIXe siècle - ce dont
je suis plutôt fier.
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IR :
Then you wrote and published
another novel, Racists (2006) and a
collection of short stories,
The Japanese Wife
(2008) ; you also wrote poetry and screen plays... What
is the most interesting and fulfilling as a writer ?
Après Le Miniaturiste, vous avez publié en 2006 un autre roman,
Racists, et un recueil de nouvelles, The Japanese
Wife, en 2008 ; vous êtes aussi l'auteur de poèmes,
de scénarios... Qu'est-ce qui vous comble le plus, en
tant qu'écrivain ?
KB : I have practised different genres -
poetry, short stories, essays, screenplays, journalistic articles
and academic works - but the writing of novels give me the
most excitement. I was infected by the classical novelists
when I was growing up : Voltaire, Dickens, Dostoevsky, Zola,
Hugo.... Nothing gives as much pleasure as a completed novel
that has grown from a sudden impulse into a life consuming
experience, covering several months and travels to many locations.
I tend to mark years by my novels : 2001 was the year of
Opium, 2006 that of Racists.
J'ai en effet
pratiqué divers genres - la poésie, la nouvelle,
l'essai, le scénario, l'article de presse, la
littérature universitaire - mais c'est l'écriture des
romans qui m'enthousiasme le plus. Durant la période de
ma formation, j'ai été contaminé par les romanciers
classiques : Voltaire, Dickens, Dostoïevski, Zola,
Hugo... Rien ne procure autant de plaisir qu'un roman
achevé, né d'une impulsion soudaine et qui a fini par
embraser notre vie des mois durant, nous entraînant en
voyage de lieuen lieu. J'ai tendance à me repérer dans
les années passées grâce à mes roman : 2001 fut l'année
de The Opium Clerk, 2006 l'année de Racists...
KB : Under very curious circumstances. The story
of The Miniaturist came to me on millenium eve (December 31,
1999), close to midnight as I was strolling in Central
London among partygoers. While the world was welcoming the
21st century, my mind kept returning to the 16th, and I saw
images of vast Central Asian plains, minarets, forts, and a
team of artists bent over their paintings in a medieval
atelier. The story seemed to form by itself in my mind and
I was possessed by an almost frightening desire to write
it. Of course, the novel was not written impulsively - it
took months of researching miniature arts, the Moghuls, etc,
but the story seeemed to appear in my mind quite magically.
Dans des circonstances très curieuses. L'histoire du
Miniaturiste m'est venue le soir du millénaire (le
31 décembre 1999), aux environs de minuit, alors que je
flânais au coeur de Londres parmi les gens qui
célébraient ce moment particulier. Tandis que le monde
fêtaient l'entrée dans le XXIe siècle, mon esprit
s'obstinait à se tourner vers le XVIe siècle : je voyais
des images des vastes plaines d'Asie Centrale, des
minarets, des forts, et un groupe d'artistes penchés sur
leurs peintures dans un atelier médiéval. C'était comme
si l'histoire se formait d'elle-même dans mon esprit ;
j'étais possédé par le désir presque effrayant d'écrire
cette histoire. Bien sûr, je n'ai pas écrit ce roman sur
ce coup de tête - j'ai pris des mois à effectuer des
recherches sur l'art de la miniature, les Moghols, etc.,
mais l'histoire semblait se former dans mon esprit de
façon tout à fait magique.
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IR :
Can we say that being yourself
fond of painting was a reason why you decided to
write about your main character, Bihzad ?
Peut-on dire que votre propre passion pour la peinture a été une
raison déterminante pour écrire au sujet de votre héros,
Bihzad ?
KB : I am sure my enduring love of painting
drew me to the story and its main character. As I began
writing, I saw in Bihzad the same primal passion for
painting as I had when I was very young. I became envious
of him - he, after all, had pursued his art while I had
abandoned it like a fool. I suffered at this failure, and
was as perplexed as Bihzad about his artistic future. Of
course, I realised that Bihzad's journey wasn't simply the
journey of an artist, but that of all creative people
including authors. Je
suis persuadé que ma passion indéfectible pour la
peinture est ce qui m'a entraîné à écrire cette histoire
et à créer ce héros. Lorsque j'ai commencé la rédaction
du livre, j'ai retrouvé en Bihzad la même passion
déterminante qui m'habitait quand j'étais un jeune
garçon. J'ai fini par l'envier - après tout, lui était
allé au bout de son art, tandis que j'y avais renoncé,
comme un imbécile. J'ai souffert de cet échec, et cela
ma rendu aussi perplexe que Bihzad pensant à son avenir
d'artiste. Bien sûr, je me suis rendu compte que le
voyage de Bihzad n'était pas seulement celui d'un
peintre, mais celui de tout créateur, écrivain y
compris.
KB : I hope The Miniaturist is read as a
historical novel, which evokes contemporary
sensibilities,
crises, and experiences. After all, the life of my
imaginary Bihzad could reflect too a contermporary
life in
the arts.
I researched all sorts of things in order to
write this novel - Moghul history, Persian and Indian art,
Sufism, harems, perfume making, elephant fights, gems and
jewellery, slave markets, earthquakes...
J'espère qu'on lit Le Miniaturiste comme un roman
historique, mais qui évoque
aussi les sensibilités, les crises, les
expériences de notre époque. Après tout, la vie de mon
héros imaginaire, Bihzad, peut aussi être un reflet de
la vie artistique contemporaine.
J'ai mené toute sortes de recherches pour écrire ce livre -
l'histoire des Moghols, l'art persan et l'art indien, le
soufisme, les harems, la parfumerie, les combats
d'éléphants, le travail des pierres précieuses et des
bijoux, les marchés aux esclaves, les tremblements de
terre...
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IR :
In this novel was your main
purpose to tell a great story, or is there something
else, like giving food for thought about painting
and art ?
Votre principale
intention dans ce roman était-elle d'écrire une grande
histoire, où y avait-il autre chose : donner à réfléchir
sur la peinture, sur l'art... ?
KB : I think both. But story first - a
strange and heartrendering story, which perhaps says
something meaningful about art and the human condition.
Je pense qu'il y a des deux. Mais il s'agissait avant
tout de proposer une histoire - une histoire étrange et
déchirante, ce qui peut-être nous délivre un message
signifiant sur l'art et la condition humaine.
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IR :
Still we did not talk about
your academic career : marketing, management,
business studies... Is there any link between this
academic life and your author's work ?
Nous n'avons pas encore parlé de votre carrière universitaire dans
les domaines deu marketing, de la gestion, des
affaires... Existe-t-il un lien entre cette facette
universitaire de votre vie et votre oeuvre ?
KB : I don't think there is a secret
corridor between my writing life and that of an university
professor in management. The first reflects my passion and
the second the accidents of life that have led me to this
particular profession. Je
ne crois pas qu'il y ait de couloir secret entre ma vie
d'écrivain et ma carrière de professeur d'université en
gestion. La première est le reflet de ma passion, la
seconde n'est que le résultat des hasards de la vie qui
m'ont conduit à ce métier en particulier.
KB : I have just finished writing a new
novel about a young Portuguese doctor who goes to China in
the 19th century to find a cure for syphilis. It's a Sino-European
novel of sorts.
My plan is to keep writing novels,
because there isn't anything else worth doing with as much
passion. Want to die writing.
Je viens d'achever la rédaction d'un nouveau roman sur
un jeune médecin portugais qui se rend en Chine au XIXe
siècle, en quête d'un traitement de la syphilis. C'est
un roman sino-européen en quelque sorte.
Mes projets sont de continuer à écrire des romans, puisqu'il n'y a
rien à quoi je puisse me consacrer avec autant de
passion. Je veux mourir en écrivant.
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