Interview
PSN :
Né à
Pondichéry en 64, j'ai grandi sur l'île de la Réunion où mes parents vivaient
depuis 1959. Mon père, Indien de nationalité française depuis trois générations,
enseignant universitaire à Pondichéry, ancien comptoir français, a été envoyé
par la France sur l'île de la Réunion dans le cadre de l'Education Nationale.
PSN : Il y a
quatre ans j'ai arrêté mon travail en France et suis
parti m'installer avec mon épouse en Inde, dans le Sud, dans un petit village de
montagne, Yercaud, dans les Monts Shévaroys.
On y a ouvert un gîte, meublé entièrement à l'indienne
ainsi qu'une agence de voyage par internet :
Terre indienne qui propose
des circuits aux francophones vers l'Inde, et
Discover the World,
qui
propose des circuits vers l'Europe pour les Indiens
(la société indienne étant en pleine expansion, le nombre de
clients potentiels y est bien supérieur au potentiel du marché européen !) .
Contrairement aux autres agences de voyage franco-indiennes, la nôtre est
constituée d'une équipe 100% indienne, avec un directeur jeune et dynamique,
prêt à relever le challenge. Seule ma femme n'est pas indienne ; elle coordonne
l'ensemble. Notre objectif est clairement d'investir nos collaborateurs à notre
projet de développement avec des conditions de travail et des salaires décents,
et ainsi les rendre acteurs de leur avenir. Chaque circuit finance des projets
de développement locaux : du parrainage de jeunes filles pour leurs études
supérieures, potabilisation de l'eau, irrigation... Beaucoup proposent du trek
dans le nord de l'Inde, notre choix s'est porté sur le développement du tourisme
dans le sud de l'Inde et d'autres régions moins connues.
L'agence de voyage réunionnaise ATHOME commercialise nos
circuits et nous sommes heureux de pouvoir proposer l'Inde à la clientèle
réunionnaise à travers cette jeune agence.
Pour répondre à la question,
l'Inde c'est tous les jours ! On y a notre maison, nos amis et confrères. L'Inde,
c'est dans
l'assiette et dans le cœur
!
PSN : J'ai grandi à la Réunion avec mes frères et
sœurs, je l'ai
quittée à dix-neuf ans pour poursuivre mes études en Métropole et ne suis revenu que
depuis deux ans pour m'occuper de mes parents.
Je suis français de nationalité, indien de naissance et
réunionnais d'enfance. Difficile de séparer les trois ! comme bien des
Réunionnais d'ailleurs. La Réunion a aussi un fabuleux point commun avec l'Inde
: son climat, ses paysages et par conséquent ses légumes et fruits. Ce qui me
permets de pratiquer ma cuisine simplement.
PSN : Pourquoi l'Entre-Deux. Tout simplement parce que le village
nous a rappelé Yercaud ! Certes moins haut et moins indien ! Mais le paysage et le
climat s'en approchent. Coup de cœur !
L'Entre-Deux est un atout de la Réunion, joli village
créole, pas encore trop urbanisé, proche de Saint Pierre. L'endroit est calme et
serein.
-
IR
: La particularité de votre table d'hôte est de proposer une cuisine que
l'on peut qualifier, me semble-t-il, d'authentiquement indienne... La demande
est-elle forte en ce domaine ? Quelle est votre clientèle ?
PSN : Il y a plusieurs cuisines en Inde : ne serait-ce qu'entre
Nord et Sud : un repas au Tamil Nadu n'est pas le même qu'au Rajasthan. Pour
faire simple, le Nord avec sa viande tandoori et ses pains (le plus connu étant
le naan) et le Sud avec ses plats végétariens, poissons et riz. Les mélanges
d'épices sont différents aussi. Il y a autant de cuisines que d'états et de
langues en Inde !
Je propose la cuisine du sud de l'Inde, la cuisine de ma
maman et de ma famille, celle du Tamil Nadu.
La cuisine proposée dans les restaurants métropolitains dits
« indiens » n'est pas forcément très représentative de mon pays. La cuisine du
sud de l'Inde n'est quant à elle absolument pas représentée.
Depuis quelques années, l'Inde est devenue très à la mode.
La clientèle pour la table d'hôte à la Réunion est composée soit de touristes
ayant voyagé en Inde et désireux de retrouver chez moi ce qu'ils ne retrouvent pas
dans les restaurants dits indiens ; une clientèle malbar à la recherche de son
origine ; des curieux de connaître la cuisine indienne.
-
IR
: On sait que la cuisine réunionnaise, métissée, est elle-même largement
influencée par des racines indiennes, notamment tamoules... Pourriez-vous
prendre l'exemple d'un ou deux plats réunionnais (cari, rougail... ?) et évoquer
ce qui les différencie de leurs équivalents indiens ?
PSN : Le plus flagrant est le cabri massalé et le bouillon « larson »,
d'origine indienne (le rassan) mais revisité à la mode réunionnaise. Pour le
cabri, le mélange d'épices n'est pas le même, pour le bouillon ont été rajoutés
les grains par exemple. Le rassan est en Inde une sauce de fin de repas, à
mélanger avec le riz pour faciliter la digestion (à base de citron ou de
tamarin). Quoi qu'il en soit, l'origine est bien indienne.
PSN : La base des condiments de la cuisine indienne est
l'oignon, l'ail et le gingembre. Ces condiments sont la base de la cuisine
réunionnaise aussi. Pour les épices on retrouve en commun le curcuma, épice
indienne que la Réunion s'est appropriée en tant que safran « pays ». Par contre
la cuisine indienne est beaucoup plus riche dans l'usage de ses épices et de
leurs
bienfaits sur la santé. Le curcuma par exemple, ne se fait jamais frire afin
d'en préserver ses propriétés d'antioxydant (anti cancéreux, contre alzheimer...)
PSN : En Inde, on mange sur feuille de bananier ou sur assiette
en aluminium avec compartiments, ou avec des petits ramequins dans lesquels les
différentes sauces sont mises pour ne pas les mélanger. On mange avec la main
droite. Les repas que j'organise en table d'hôte sont traditionnels, nous
invitons nos hôtes à manger à la main car le rapport avec l'alimentation est
différent. Manger de cette façon, c'est manger plus doucement, mieux apprécier
les saveurs des différents mets qui composent l'assiette.
Dans la cuisine indienne rien n'est laissé au hasard,
l'ayurvéda (médecine traditionnelle) y joue son rôle : autant en ce qui concerne les bienfaits
des épices et des aliments, que la composition du repas et son équilibre, ou
encore que la
manière de manger.
Et si les Réunionnais mangent aujourd'hui avec assiettes et
couverts, autrefois, et il n'y a pas si longtemps de cela, ils mangeaient aussi sur
feuille de bananier et à la main. Dans les Hauts, seul le cari « tangue » se
mange encore de cette façon là.
PSN : Cours et table d'hôte sont
deux idées bien différentes pour deux
publics qui le sont tout autant : les cours intéressent très souvent des
personnes qui sont déjà allées en voyage en Inde ; elles en sont revenues avec des
goûts différents qu'elles aimeraient bien apprendre à refaire. Une autre clientèle
: les Malbars de la Réunion, originaires du Tamil Nadu pour la plupart, mais
dont le bagage culinaire est inexistant. Les épiceries indiennes m'ont
ainsi ouvert les portes de cette clientèle en demande de découvrir son histoire et
son patrimoine.
Des clients m'ont soumis l'idée de monter la table d'hôte,
ce que je suis en train de faire : tout le monde n'a pas envie de savoir
cuisiner, juste de déguster ! Là encore, une clientèle de « connaisseurs » qui
vient pour voyager en Inde « gustativement » parlant, une clientèle de
Malbars,
Zoreilles et Créoles ; mais aussi des touristes pour l'empreinte de la cuisine
indienne dans la cuisine réunionnaise.
PSN : L'intérêt porté par les Malbars à la culture indienne est
récent. La génération d'aujourd'hui cherche à reconstituer un bagage culinaire
que leurs ancêtres se sont évertué à oublier. Il en découle une
« interprétation » à la réunionnaise qui et en décalage avec la culture en Inde
:
- des exemples simples et visuels : des jeunes filles
Malbars portent le bindi « point rouge » . Ce point de couleur rouge est
réservé aux femmes mariées, aucune jeune fille ne le porte en Inde. Les
bracelets de pieds se portent sur les deux chevilles, jamais un seul à une
cheville.
- des exemples religieux : tous les Indiens ne sont pas
hindous. 70% d'hindous, une dizaine de % de musulmans et le reste est
catholique, bouddhiste... La manière de pratiquer la religion hindouiste à la
Réunion est différente en Inde : on n'y pratique plus depuis longtemps la marche
sur le feu par exemple...
Néanmoins, ce mélange de cultures sur lequel repose la
Réunion est enrichissant, colorée et joyeux ! Cela en fait aussi sa spécificité
et son charme.
PSN : A aujourd'hui, mon but est de faire mieux connaître la
cuisine du sud de l'Inde, à travers son goût, mais aussi ses bienfaits : les
vertus des épices, leur association, la composition d'un menu... L'Inde du Sud
est le berceau des épices : toutes les épices sont originaires de l'Inde, les
arabes les ont répandues dans le monde entier par les voies du commerce.
Le fait de monter une table d'hôte me permet de faire partager
cette conception du repas. Pas plus de douze personnes pour pouvoir parler
avec chacune, expliquer et partager.
L'année passée en Inde m'a permis d'enrichir ma cuisine et
mon expérience culinaire. Ce qui nous a donné l'idée de mettre en place des
circuits cuisine : un circuit pour apprendre la cuisine du Nord et un autre en
stage cuisine de Sud. Pour le circuit dans le nord de l'Inde, la cuisine est
apprise à Delhi par un grand chef indien. Pour le séjour stage de cuisine du
Sud, la cuisine est apprise à Yercaud, de manière traditionnelle, sur feu de bois,
par des femmes du village. Deux cuisines différentes, deux concepts de la
cuisine différents !
Je suis en train aussi de
mettre au point des ateliers découverte : apprendre juste à faire un café
aux épices et un vadai ; ou un chaï (thé) et une douceur sucrée.
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