Stéphane Guillerme :

"Après quatorze ans à collecter du graphisme indien, j’ai amassé quelques milliers de documents"

    
 

   Voyageur, observateur, photographe, collectionneur, auteur... Stéphane Guillerme conjugue les talents et transforme sa connaissance de l'Inde en couleurs et en mots, nous entraînant non sans humour sur les chemins de la spiritualité et, tout simplement, de la vie. Nous l'avons interviewé à l'occasion de la publication de sont ouvrage, Dieux et déesses de l'Inde.


Interview  -  Le livre  -  Site Internet


Interview

  • IR : Stéphane Guillerme, pourriez-vous tout d'abord vous présenter à nos visiteurs ?

SG : Bonjour, ma vie passée évoque l’instabilité géographique, l’art, la littérature, la musique, une curiosité insatiable et un amour plutôt inconditionnel d’une idée de la liberté. Quelqu’un qui à l’image de l’humanité cherche son chemin vers un mieux être dans le tumulte de la vie.

  • IR : A quand remonte votre passion pour l'Inde, et dans quelles circonstances est-elle née ?

SG : J’ai beaucoup voyagé entre vint et trente ans, principalement vers l’ouest de la vieille Europe : Antilles, Amérique du Sud, centrale et du Nord. Je partais sans argent et travaillais sur la route à faire tout un tas de boulots qui ne m’ont pas toujours nourris correctement mais qui m’ont toujours permis de mieux comprendre une partie du monde qui m’entoure. A trente ans, après diverses expériences puissantes de la route, lassé des Amériques, d’un continent m’ayant fait douter des simples mots amour et fraternité, il m’a semblé opportun d’aller voir ailleurs si je n’y étais pas. J’avais eu de multiples discussions sur l’Inde dans cette période « Amérique », et il va sans dire que comme on va chercher de l’allothérapie à la pharmacie, on va chercher de la spiritualité en Inde. Cliché, mais partiellement fondé.

  • IR : Vous avez donc alors voyagé à maintes reprises à travers le sous-continent indien : comment concevez-vous ces voyages et que vous apportent-ils ?

SG : Ces voyages sont avant tout ma parenthèse de liberté, coupé des mauvaises nouvelles du monde mais plus que jamais connecté à cette merveille au milieu des étoiles : l’Homme. Un point d’arrivée et de retour, et entre ces deux vols « open jaw » je me laisse aller en grande partie aux aléas et aux improvisations du voyage. Maintenant ce que m’apporte le plus ces voyages ce sont des courbatures, mais heureusement pas seulement. Il y a les multiples connaissances acquises et à y acquérir, les plaisirs offerts aux cinq sens, une idée assez claire de ce qu’est l’éphémère des années à ne pas gâcher. L’Inde fait éclater nos certitudes et nos convictions, nous ouvre au monde de la Maya, du jeu des illusions dont parle si bien Tagore : « L’illusion est la première apparence de la vérité ». Dur combat auquel on doit tous faire face, et que l’on gère avec plus ou moins de succès dans nos quotidiens.

  • IR : Comme beaucoup d'autres, vous êtes ainsi sensible à la spiritualité indienne... Mais le terme et l'idée sont flous : pourriez-vous nous parler plus précisément de ce qu'est pour vous cette spiritualité et ce qu'elle vous apporte ?

SG : La spiritualité est un chemin vers ce qui nous relie à l’ensemble. Peut-être que le sentiment d’amour de la vie, des vivants et de soi-même est-il le plus proche de celui de la plénitude spirituelle. Un, mais AVEC le tout.

  • IR : Sur ce plan spirituel, avez-vous fait en Inde des rencontres particulièrement marquantes ?

SG : Des dizaines plus ou moins importantes mais qui m’ont construit tel que je suis, éléments de mon puzzle identitaire, toutes comparables à un des petits morceaux de bois constituant une belle Tour Eiffel en allumettes. :)

  • IR : Vous vous passionnez aussi pour la culture indienne et, singulièrement, pour un patrimoine souvent dédaigné : les affiches et autres formes d'expression graphique... Les affiches constituent-elles selon vous une clé ouvrant sur une meilleure compréhension de l'Inde ?

SG : Je ne pense pas que l’affiche ait cette puissance de serrurier. Néanmoins la compréhension de la question et ma réponse étant tout à fait subjectives, oui peut-être et sans doute que l’affiche permet toutefois et parfois de témoigner de réalités du pays, que ce soit de l’hystérie pyromaniaque de la Diwali et l’amour du pays pour la fête et l’arrachement de doigts, que ce soit le niveau infographique des artistes digitaux de l’industrie de Bollywood, ou que ce soit la propension à vouloir être plutôt clair que foncé de peau. Cela et bien d’autres éléments de la pensée indienne se retrouvent en effet sur les murs du pays. Mais ce serait peut-être plutôt la connaissance générale de la nation Inde qui en général permet de décrypter une affiche, moins souvent l’inverse.

  • IR : Pouvez-vous nous en dire plus sur la nature et l'ampleur de votre collection, ainsi que sur le rapport que vous entretenez avec elle ?

SG : Après quatorze ans à collecter du graphisme indien (posters, cartes postales, images) j’ai amassé quelques milliers de documents dont on peut voir une partie sur mon site internet www.posters-india.com ainsi qu’une partie dans mon livre publié aux éditions Georama et s’intitulant L’Inde s’affiche. De ces affiches sont nées diverses activités, vente, prêts à expositions, collaborations avec le musée d’Epinal et très prochainement avec le musée de Vichy pour une expo qui commencera en avril et s’intitulera… L’Inde s’affiche.

  • IR : Vous avez publié chez Almora un ouvrage - Dieux et Déesses de l'Inde - qui regroupe trois publications antérieures : quelle est la teneur de ce livre, la façon dont il est conçu et quelles ont été vos intentions en le composant ?

SG : Le but était de rendre l’ouvrage final encore plus fluide dans l’approche du sujet. En bref, le premier ouvrage La couleur des Dieux avait pour but d’offrir une série de petites histoires, légendes et métaphores de l’Inde au travers d’une série de courts textes écrits par un professeur de yoga, Mathieu. J’avais alors fait le travail de recherche graphique et de mise en page. Le deuxième ouvrage Dieux et Déesses de l’Inde, première version, a été pour moi le challenge de rendre plus claires et accessibles les grandes lignes de l’hindouisme mais aussi d’évoquer les autres religions majeures telles que l’islam, le christianisme, le sikhisme, le bouddhisme et le jaïnisme. Cet ouvrage a finalement rencontré un vif succès. Le troisième volet de ce triptyque est God is pop. N’aimant pas répéter une formule existante, je voulais un livre différent des deux autres, je voulais aussi depuis un certain temps faire connaître certains passages de textes sacrés. J’ai donc profité de ce troisième opus pour sélectionner un ensemble de textes (védas, puranas, Bhagavad-gita, Ramayana …..) que j’ai posés sur des visuels plutôt pop que j’ai créés pour l’occasion, tâchant au mieux d’allier la force de la tradition écrite à un visuel plus que progressiste. Le titre, God is pop, est un clin d’œil au visuel résolument pop, mais c’est aussi « Dieu est populaire, Dieu appartient à tous, au peuple, Dieu doit être accessible ». Et je suis quelque peu déçu que cet ouvrage n’ait pas mieux marché, non seulement parce que c’est le plus personnel mais aussi parce que dans l’ensemble de ma sélection de textes, chacun de nous a une phrase qui l’attend, une phrase ayant le potentiel de nous porter à un mieux-être quasi-instantané. Dommage, et pas grave. Mon éditeur m’a ensuite soumis l’idée de réaliser à partir de ce triptyque un nouvel ouvrage, unique, et j’espère qu’il l’est :) L’idée était de restructurer l’ensemble pour en faire un livre cohérent, facile d’approche et pédagogique. J’ai donc travaillé pendant un mois à la réalisation d’un nouveau chemin de fer (l’ordre des pages), changer quelques visuels du premier ouvrage, et travailler de nouvelles pages pour l’intro et l’outro. Et voilà Dieux et Déesses de l’Inde, nouvelle version.

  • IR : Cet ouvrage réussit, semble-t-il, à concilier les deux facettes de votre amour pour l'Inde : affiches (et graphisme) et spiritualité... Le mariage pouvait sembler improbable, et pourtant il fonctionne. Quel est le "secret" de ce mariage réussi ?

SG : God is beauty, God is great !

  • IR : Ce qui frappe énormément lorsqu'on lit ce livre, ou même qu'on le feuillette seulement, c'est une esthétique très particulière, mêlant les codes des chromos hindous à ceux du Pop Art, dans une tonalité souvent psychédélique : pourquoi ce choix esthétique ? En quoi contribue-t-il au "message" porté par votre ouvrage ?

SG : Selon le Bouddha « il n’y a rien de constant si ce n’est le changement ». Rien ne s’inscrit dans l’éternité. Et comme c’est la question aux réponses (presque) toutes faites je citerai Krishnamurti : « Tout est sacré ou rien ne l’est », qui est aussi la phrase posée en quatrième de couverture de mon troisième ouvrage clôturant le triptyque sur les religions de l’Inde chez Almora, God is pop et dont vous évoquez le caractère un peu psychédélique. En fait j’avais besoin de m’amuser face à mon écran :) Dans Dieux et Déesses de l’Inde, nouvelle version, environ 75 % de La couleur des dieux ont été retenus, 100 % de Dieux et Déesses de l’Inde première version et seulement 25 % de God is pop. Néanmoins ces 25 % trouvent toute leur puissance au milieu des autres sujets tirés des deux premiers ouvrages, et ça c’est très plaisant.

  • IR : Quels sont désormais vos projets ?

SG : C’est d’Inde où je suis actuellement en pleine enquête que je vous réponds. C’est le quatrième voyage que j’effectue dans le cadre de mon prochain livre concernant tous les types de tatouage en Inde. Tatouage urbain, populaire ou tribal, ce sujet me conduit aux quatre coins et aux mille recoins de l’Inde. Plein de rencontres passionnantes et tout comme pour les affiches : un patrimoine à sauver urgemment, dans certains cas de tatouages tribaux. Plein de rendez-vous avec l’histoire présente et passée. Alors je continue, et me donne encore au moins cinq ans pour finaliser ce livre car le chemin étant souvent plus intéressant que le but, je repousse ce dernier et profite des expériences qui me sont offertes en chemin. RAM RAM...

  

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Le livre

  

  

   Stéphane Guillerme propose un ouvrage qui regroupe ses trois précédentes publications.
   "Images pleines de symboles, symboles mis en image, l'iconographie religieuse indienne traverse de multiples reflets de la représentation divine. Débordements de créativité chez les hindous, reproductions vieillottes ou colorées chez les chrétiens, affranchissement d'interdits chez les musulmans, l'Inde, terre de ferveurs excessives, nous étonne par la beauté colorée et raffinée de ses images religieuses. Ici, tout nous invite à la spiritualité et à l'étonnement" (quatrième de couverture).
   Ce beau livre est publié aux
éditions Almora. ISBN : 978-235118-068-6.
   Pour plus d'information, voir la page Facebook consacrée à l'ouvrage.

  

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Site Internet

  

   La formidable collection de  Stéphane Guillerme, alias Vijay Ji, s'expose sur la Toile... Vous pourrez non seulement découvrir la richesse de cet ensemble unique, mais aussi acheter en ligne des pièces authentiques : affiches de cinéma, de cirque, publicitaires, éducatives, religieuses, mais aussi des cartes postales et des autocollants.
   Vous trouverez aussi sur ces pages une présentation des livres et autres travaux de Stéphane Guillerme de même que ses coordonnées si vous souhaitez le contacter.
   Le site se trouve à cette adresse :
http://www.posters-india.com

     

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