Swati Gupta :

"Un artiste fait partie de la société et a des responsabilités"

      
  

   Peintre, plasticienne, vidéaste... Swati Gupta est une artiste indienne aux multiples talents, reconnue dans son pays comme une des valeurs montantes de la scène artistique contemporaine. Mais c'est en France, plus précisément à Toulouse, qu'elle s'est installée : une chance pour la population de la ville rose et de sa région, qui peut ainsi découvrir régulièrement des créations d'avant-garde... et non dénuées d'humour !
   En partenariat avec
La Nouvelle Revue de l'Inde.


Interview  -  Galerie


Interview

  • IR/LNRI : Swati Gupta, pouvez-vous tout d'abord vous présenter à nos lecteurs ?

SG : Avec plaisir ! Je suis une des femmes indiennes ayant eu la chance d'avoir les parents libéraux et ouverts, qui m'ont donné des ailes pour aller voir ailleurs et faire ce que j'avais envie de faire. J'ai grandi dans un milieu où la culture était à l'honneur, avec des cours de chant, de musique, d'art, de danse... à coté de mes études. Je pense que si aujourd'hui je suis une artiste plasticienne, c'est grâce à cette ouverture, cette initiation à l'art dès le plus jeune âge.
Vivre loin de l'inde m'a beaucoup rapprochée de mon pays, m'a aidée à me connaitre et à connaitre ma culture.

 

  • IR/LNRI : Qu'est-ce qui vous a conduite depuis votre Inde natale vers la France ? Vous avez effectué des études dans le domaine artistique, mais qu'est-ce qui vous a poussée dans cette voie ? Votre vocation artistique remonte-t-elle à l'enfance ?

SG : Quand j'étais étudiante en art à Delhi, j'ai été marquée par l'Impressionisme, l'art européen, plus particulièrement l'art de Van Gogh, Monet, Vuillard, Toulouse-Lautrec... Donc j'ai étudié en profondeur, mais j'ai vite compris que pour bien voir l'art et le comprendre, il faut être réellement devant les œuvres d'art, en personne.
   Donc mes parents m'ont permis d'aller faire une visite pour découvrir les grands musées et centres d'art à Paris. J'ai été impressionnée et cela m'a beaucoup influencée. Même dans mon travail artistique, mes professeurs ont remarqué les impressions laissées en témoignage des grandes œuvres. Je me suis sentie connectée à cet art, cette ambiance artistique parisienne. Alors j'ai commencé à apprendre le français à Delhi et à partir de là tout s'est déroulé sans encombre. J'ai été acceptée à l'ENSAPC pour la suite de mes études, plus tournées vers  l'art contemporain.
 

  • IR/LNRI : Au cours de vos études, ou en d'autres circonstances, quels sont les artistes, présents ou passés, qui ont le plus retenu votre attention et à qui va votre admiration ?

SG : Après avoir été intriguée par de Impressionnistes, cela a été le tour des Expressionnistes, de l'Art Minimal... Quand j''ai visité les USA, l'art américain à son tour m'a marquée : American Abstracts, Minimal Art, Pop Art, Colour Field ont retenu mon attention au cours des dernières années. Mon travail a donc reçu ces influences là, directement ou indirectement.
   Pour citer quelques artistes, je dirais : George Rousse, BMPT (artistes français), Louise Bourgeois, Richard Serra, Anish Kapoor, Frank Stella, Ellsworth Kelly, etc.
   J'ai été boursière-apprentie chez Anjolie Ela Menon à Delhi.  À Paris, j'ai croisé beaucoup d'artistes aussi. J'ai rencontré plusieurs fois Raza, c'était très intéressant.
   Mais avant tout, ce sont mes expériences qui m'ont dirigée dans l'art, ces influences sont aléatoires. Ce sont les actualités dans le monde qui m'inspirent. Fukushima, les inondations, les guerres civiles, la commercialisation, ma culture indienne, les technologies de pointe, tout cela, c'est ce qui me marque.

  • IR/LNRI : Lorsqu'on observe vos créations, on est frappé par la diversité : des toiles aux accents de pop art, des installations très contemporaines, des vidéos oscillant entre tranches de vie et clins d’œil à Bollywood... Comment interpréter cette variété, déroutante d'une certaine manière ?

SG : Quand je ne peins pas, je dessine. Quand je voyage, je fais des vidéos, des photos et des croquis. Quand je suis dans mon atelier, je peins et réfléchis à des projets, au montage des vidéos, j'expérimente... Cela me permet de faire des expériences diverses des différentes situations de la vie et je reste dans le dynamisme de la création.
   Ce sont mes études à l'ENSAPC et mon expérience artistique à Paris qui m'ont permis d'acquérir de la maîtrise et d'être polyvalente. Les professeurs nous encourageaient à nous ouvrir à diverses médiums et à expérimenter. Mais tout les médiums d'expression sont importants pour moi. Cela demande le même investissement, la même sincérité et la même dévotion. Quant à la vidéo, je suis très influencée par Bollywood.. En Inde, en général, on grandit avec le cinéma dès le plus jeune âge. Et cela reste dans l'inconscient, et chez moi cela se traduit par l'envie de créer une comédie, voire une comédie musicale et une parodie, tout en gardant ma touche personnelle, d'humour et ironie.
   Les installations, elles, sont très différentes des peintures, l'approche est différente. L'installation est in-situ, en 3D, dans u un vrai espace, les spectateurs peuvent tourner autour, parfois toucher, sentir et se balader dedans... donc c'est conçue différemment.

  • IR/LNRI : L'humour n'est-il pas, justement, un des fils conducteurs entre vos œuvres très diverses ?

SG : Hahaha !... Vous trouvez ? Cela me fait plaisir de savoir que les spectateurs peuvent sentir la même chose que moi. Il faudrait demander à un critique d'art de faire de la psychanalyse sur mon travail. Ce n'est pas une décision consciente. Mais il y a assez de problèmes et de malheur dans le monde, peut-être cela fait du bien un peu de diversité et de divertissement. Qui sait ? un jour je ferai des œuvres plutôt tragiques.

  • IR/LNRI : Vous avez dit : "En tant qu'artiste, j'aime créer un dialogue physique et métaphysique entre l’œuvre et le spectateur". Pouvez-vous nous donner quelques précisions ? En quoi ce dialogue peut-il consister ? Qu'entendez-vous par "physique et métaphysique" ?

SG : Méta-physique... quand on peut pénétrer un espace par notre esprit... une connexion de spiritualité et de méditation.
Physique... quand les gens peuvent traverser mes installations, pénétrer un nouvel espace dans l'espace...  
Les gens, la psychologie m'inspirent beaucoup. Plus je rencontre les gens, plus je voyage, plus cela m'enrichit dans ma réflexion. Je pense que l'art est pour les gens, ce n'est pas quelque chose  qu'un artiste fait juste pour se faire plaisir. Alors dans ce cas là, c'est un hobby, un passe-temps. Un artiste fait partie de la société et a des responsabilités, comme un activiste, un musicien, un ministre.
   Pour moi, c'est important de représenter les sentiments humains, les relations et de créer une dialogue entre l'œuvre et le spectateur.

  • IR/LNRI : Vous partagez votre temps entre Inde et France : votre art est-il perçu différemment dans les deux pays, par le public, par le milieu artistique ?

SG : Oui, le public est très différent en Inde et ici. Lors de ma dernière exposition personnelle à Delhi, je suis restée dans la galerie tout le temps pour pouvoir interagir avec le public. J'ai été ravie. Déjà, retourner en Inde pour montrer mon travail et voir les réactions des gens... Je les ai trouvés très ouverts, bavards, curieux ! J'adorais.
   D'ailleurs, j'ai enseigné dans l'école d'art et animé des ateliers avec les enfants autour des expositions d'art contemporain à Delhi. C'est de l'espoir, l'avenir pour la nouvelle génération.
   Ici en France, il y a plus de gens qui fréquentent les lieux d'art et ont des connaissances artistiques de base, et puis les musées existent depuis longtemps en France. Cela a éduqué les gens. Donc je pense que les dialogues ne sont pas les mêmes et les réactions non plus. Mon travail reçoit une réponse très positive en France en ce moment et depuis quelques années, donc j'y suis. Le milieu artistique en Inde est très différent d'ici, incomparable ! même si on a tendance à penser que les artistes contemporains les plus connus (comme Subodh Gupta, Atul Dodiya, Anita Dube...) ont tout changé en Inde. Non, c'est un mythe. Seulement la vie de ces artistes-là a changé et
celle des leurs galeristes, grâce à une circulation de leur travail à l'étranger.
C'est difficile pour les artistes d'être reconnus par les galeristes en Inde. Le grand public commence petit à petit apprécier l'art et cela va changer quand ils se mettront à acheter des œuvres d’art. Pour l'instant l'art circule seulement dans les galeries, les fondations et les foires d'art contemporain, ou les collections privées.

  • IR/LNRI : Vous sentez-vous avant tout une artiste indienne, culturellement métisse ou encore citoyenne du monde ?

SG : Je pense que les nationalités sont tout d'abord pour les papiers, les passeports. Cela reste une question très problématique pour moi. Difficile de se définir, même si je suis Indienne. Heureusement que je suis une artiste et je peux mélanger mes êtres et mes pensées, fusionner l'art, créer un art métis, plutôt. Je n’arrête pas de vivre des différences culturelles en permanence entre l’Inde et la France, mais c’est cela qui me donne de la force et des idées pour mon travail.
   Dans ma cuisine aussi, je fais des mélanges.  Je suis quelqu'un de facile, je peux vivre dans n'importe quel pays et dans n'importe quelle culture. J'aime les cuisines française, japonaise et du Moyen orient, les danses des îles, la langue espagnole, les films britanniques et l'art américain... Mais l'Inde reste au cœur de tout. C'est pour cela, maintenant que je vis la moitié du temps là-bas, la moitié ici, à Toulouse, avec mon compagnon.

  • IR/LNRI : Vous êtes par ailleurs impliquée dans un important projet de festival indien à Toulouse, axé notamment sur le cinéma : peut-on en savoir un peu plus ?

SG : Nous, l’association Saison Indienne, lançons la première édition d'un Festival sur l’Inde à Toulouse en avril 2013. Il va y avoir des spectacles vivants avec quelques musiciens venant de l’Inde, des expositions (des artistes contemporains, dont je ferai partie), des conférences (d'indianistes, d'experts...), avec une programmation importante de films (fiction, art et essai, animation, drame...), pour faire connaitre la culture indienne, l’Inde telle qu’elle est aujourd’hui, différente de ce que montrent les films Bollywood ou de l'image de pauvreté, différente du Nan-fromage et du Punjabi MC (haha !).

  • IR/LNRI : Quels sont vos autres projets pour les mois et les années à venir ? Plusieurs expositions sont d'ores et déjà programmées, n'est-ce pas ?

SG : C'est motivant d'avoir des projets en vue, quand les gens me contactent pour dire que mon travail leur plait et qu'ils veulent m'exposer. C'est rassurant pour un artiste. Depuis que je suis rentrée de l'Inde en avril 2012, je travaille sans arrêt sur des projets. Par exemple : Cow Parade :  une installation de vaches peintes par des artistes toulousains, du 30 août au 20 octobre ; une exposition de peintures à Paris du 6 au 29 septembre ; le festival Couleurs de l'Inde à Balma, du 6 au 10 octobre, le festival Couleur Asia à l'INALCO, à Paris, du 4 au 10 novembre... Tout est la : http://swati-gupta.com/invitation.html.
  
Et après les vacances seront pour moi !

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D'autres œuvres sur le site officiel de Swati Gupta :
www.swati-gupta.com.

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