Après le dossier consacré il y a déjà plusieurs mois à Bollywood et à son cinéma hindi, Indes réunionnaises se penche à présent sur la production des studios de Chennai, ce cinéma tamoul certes moins connu au-delà de ses frontières que son "rival" de Mumbai, mais qui devrait au moins autant intéresser le public indo-réunionnais dont les origines, on le sait, se trouvent dans la majorité des cas au Pays Tamoul.
   En Inde, chaque état ou presque - autant dire chaque langue officielle - propose son propre cinéma, et si l'on devait faire le point sur la production de chacun, on constaterait que celle du Tamil Nadu suit de près celle de Bollywood. Ajoutons que, si bien des caractéristiques sont communes d'un cinéma indien à l'autre, il existe toutefois des spécificités non négligeables. Ainsi le Bengale et le Kerala connaissent tout un important cinéma d'inspiration sociale, sans doute en bonne partie influencée par le poids politique historique du communisme dans ces deux états.
 
  La production actuelle de Chennai - on parlera alors de Kollywood - elle, se caractérise à première vue par un goût visible pour l'action - plus que pour le sentiment - voire pour une certaine violence. Mais peut-on réduire le cinéma tamoul à ce seul aspect ? C'est la question que semble poser le sourire de l'actrice Nayantra qui nous accueille sur cette page.  
         

Historique         Le cinéma tamoul aujourd'hui         Bonus

  Stars d'hier et d'aujourd'hui         Le cinéma tamoul sur la Toile        Extraits vidéo

Interview de Selvaraj Velayutham  Interview d'Ameer  Interview de Theodore Baskaran


Historique

   C'est en 1897, au Victoria Public Hall à Madras, qu'un Britannique, un certain Mr Edwards, propose pour la première fois un film en Inde du sud ; et à partir de 1900 débute la construction de salles de cinéma - britanniques elles aussi - dans la grande cité tamoule, tandis que, dans la foulée, on fait projeter à travers la contrée divers courts métrages, sous des chapiteaux où il existe trois tarifs, selon que l'on s'assoit par terre, sur des bancs ou sur des chaises !
   1916 est une année importante, celle de la première production locale, et la première en Inde du sud : Nataraja Mudaliyar réalise le film Kîchavathanam. Si l'on ne peut encore parler que d'un cinéma à échelle artisanale, une autre dimension, plus industrielle, est prise par la production tamoule à partir de 1929 avec la fondation de la  General Pictures Corporation. En 1931, à la même époque qu'à Bombay, le public peut découvrir avec ravissement le premier film parlant : Kalidas, de H.M.Reddy. L'histoire, d'inspiration essentiellement mythologique, est celle du poète bien connu, héros éponyme, et le film ne compte pas moins de plusieurs dizaines de chansons, pour la plupart sur une musique carnatique classique... Il s'agit de profiter pleinement de l'innovation technique qu'est la bande son ! L'actrice principale - et elle-même chanteuse - T.P.Rajalakshmi, peut-être considérée comme la première ou l'une des toutes premières vedettes du cinéma tamoul... peut-être pas encore une star. En 1936 elle passera du reste de l'autre côté de la caméra - encore une première pour une femme tamoule - en réalisant Miss Kamala.
   Le premier film à thème non mythologique est de 1933 : Nandanar, du nom du personnage principal, évoque un simple travailleur agricole, de basse caste... devenu saint par sa dévotion à Shiva. On ne peut encore s'éloigner vraiment de dimensions religieuses qui imprègnent intimement le public indien. La même histoire sera reprise un peu plus tard, en 1935, avec dans le rôle principal, masculin, une comédienne qui, elle, est véritablement la première star tamoule : K.B. Sundarambal, payée une petite fortune à l'époque pour jouer ce rôle : 100 000 roupies. Lorsqu'on sait que les habitudes dans le théâtre indien ont toujours été de confier les rôles féminins à des hommes, on pourra s'étonner de ce qui va à contre courant, et révèle combien l'art cinématographique, par certains côtés, vient bousculer les règles établies.

   1939, en pleine période de revendications indépendantistes, alors que Gandhi s'est lancé dans l'action non-violente et montre la voie, K. Subrahmanyam propose son oeuvre, Thyagabhûmi, qui peut passer pour le premier film tamoul engagé et patriotique - une veine qui sera assez abondamment exploitée jusqu'en 1947, l'année de l'indépendance - : le héros, Sambu Sastri - interprété par celui qui a aussi composé la musique, Papanasam Sivan - conduit avec un intouchable, Nallan, un mouvement d'inspiration gandhienne. L'histoire est inspirée du fameux écrivain R. Krishnamurty, alias Kalki. A la fin des années '40, commence aussi la carrière d'un autre grand personnage du cinéma tamoul engagé : C.N. Annadurai, écrivain, scénariste et dialoguiste de haute volée. En 1949, notamment, sortait le film Velaikkari (réalisé par A. S. A. Sami), qu'il adapta de l'une de ses pièces.
   En
1951, nous retrouvons K.B. Sundarambal dans un nouveau rôle assez inattendu : elle est en effet la première personnalité du monde cinématographique à entrer en politique, même si ce n'est, modestement, qu'au Conseil Législatif de Madras. L'idylle rapprochant politique et cinéma connaîtra de beaux jours au Tamil Nadu, le grand écran semblant constituer pour certains le tremplin idéal vers les plus hautes fonctions publiques... C'est d'ailleurs le cas de M.Karunanidhi, dialoguiste du film Parasakthi (sorti l'année suivante), devenu par la suite Premier Ministre du Tamil Nadu*. Il est à noter toutefois que Parasakthi retient l'attention aussi pour d'autres raisons : tout d'abord pour son contenu très controversé, puisque le héros, rationaliste au milieu de l'univers religieux hindou, va presque jusqu'à tuer un prêtre... On n'est pas loin du scandale, d'autant que le film ne se prive pas non plus de faire référence aux pratiques malsaines d'un marché noir minant alors le pays ; et puis, pour la première fois, un certain Shivaji (Shivaji Ganesan, ou Sivaji Ganesan) fait son apparition sur la pellicule : il deviendra un véritable monument du septième art tamoul.


A gauche : Sivaji Ganesan

   L'année 1952 est aussi celle de l'organisation du premier Festival International du Film, en Inde, à Delhi, à Bombay, à Calcutta mais aussi à Madras. Quant à l'événement de 1953, c'est peut-être, rétrospectivement, la sortie d'un certain film tamoul basé sur un roman bengali de Sarat Chandra Chatterjî : Devadas. Cette histoire au dénouement tragique - ce qui sort du reste des sentiers battus pour un public habitué aux happy ends - aura l'avenir que l'on sait, en hindi notamment, avec l'adaptation de Bimal Roy dans les années '50, mettant en vedette le fameux Dilip Kumar, puis celle de Sanjay Lîla Bhansali, beaucoup plus récemment, avec le trio de stars Aishwarya Rai, Madhuri Dixit et Shah Rukh Khan.
   En 1954 est produit le premier film tamoul entièrement dépourvu de chansons, Andha Nâl, tandis que Shivaji brille encore dans Manohara, réalisé par LV. Prasad, avec un scénario et des dialogues du fameux Kalaignar Mu. Karunanidhi. L'année suivante, la couleur fait son apparition, et s'impose en particulier dans Alibabhavum Narpathu Thirudargalum, le premier film tamoul à être tourné entièrement avec cette innovation technique. Les années '50 connaissent plusieurs grandes stars : outre Shivaji, il faut citer M. G. Ramachandran (également réalisateur et dont la première apparition à l'écran remonte à 1936), S. S. Rajendran, P. Bhanumathy  (actrice, scénariste, réalisatrice, productrice, chanteuse...), Padmini, K.Savithri ou Saroja Devi.
   En 1960 est fondé à Chennai l'Institut Technologique du Film. Les années '60 et '70 voient se poursuivre le star system dans touts sa splendeur, avec de nouveaux noms : les réalisateurs
C.V. Sridhar, A. Bhimsingh, Muktha V. Srinivasan, K.Balachandar, Bharathi Raja, Balu Mahendra ou P. Madhavan ; les actrices et acteurs Sridevi, Devika, K.R. Vijaya, M.R.Radha, Rajinikanth, Vijaykanth et bien d'autres...
   1973 est l'année du premier film tamoul en cinémascope : Rajarajacholan, 1986, celle du premier film en 70mm : Mavîran, 2005, celle du premier film tamoul à être doublé en français.

   Au total, plus de 5 000 films tamouls ont été produits au cours du XXe siècle !


   * Les politiciens tamouls issus du monde du septième art ont été et sont nombreux. Citons notamment, outre K. B. Sundarambal et M. Kurananidhi (actuel Premier Ministre du Tamil Nadu, en 2006) : le scénariste C. N. Annadurai, l'actrice Janaki Ramachandran ou le très populaire acteur (et occasionnellement réalisateur ) M. G. R. , c'est à dire M. G. Ramachandran longtemps Premier Ministre lui aussi. Sans parler de nombreux membres du Parlement.

 

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