L'ACTUALITE DU MOIS ......... 

Avril 2001

     
Le 14 avril

La communauté tamoule fête
le Nouvel An pour l'année 5102
placée sous le signe de Vishnou

 
  

Article du JOURNAL DE L'ÎLE DE LA REUNION
14 avril 2001

(avec l'aimable autorisation du site www.clicanoo.com )


   La communauté tamoule n’a pas toujours fêté la nouvelle année le 13 ou le 14 avril. Celle-ci a longtemps été associée par confusion avec “Pongol” - la fête de la moisson - que l’on célèbre dans le Tamil Nadu à partir du 14 janvier et pendant trois jours au moins. Pongol ou Nouvel-An, peu importe finalement dans la mesure où ces héritiers des premiers engagés n’avaient d’autre choix que de faire rentrer leurs célébrations et offrandes quelles qu’elles soient dans le créneau des quatre jours chômés royalement concédés en début d’année par les patrons, le pouvoir colonial et l’Eglise.


Soubaya Daly, frère aîné de feu Mani Daly, avait dix ans à l’époque. Une mémoire d’éléphant que le septuagénaire installé à Saint-Gilles-les-Bains depuis 1950 : “En ce temps-là, le Blanc donnait 4 jours de congé juste après la coupe. On marchait sur le feu le 1er ou le 2 janvier et ont rompait le carême les deux jours suivants. On tuait un petit cabri et les adultes buvaient un p’tit coup de rhum, voilà comment on célébrait le nouvel-an !” Plus âgé et en jambes, qu’il désigne d’ailleurs en les frappant à grands coups de la paume des deux mains, Soubaya a fêté Pongol que les anciens associaient au nouvel-an chaque 14 janvier.
“Ça commençait par une petite cérémonie au temple - j’allais au koïl Siva Soupramanien à Saint-Paul ville - et se terminait par un repas végétarien vers 12h ou 13h”, poursuit le vieux monsieur assis au frais sous sa tonnelle. Aidé de son fils, Jean-Luc, il se rappelle que le Pongol était alors organisé par André Mottagan alias Tonton Canou qui, lui-même, avait pris la suite de “son vieux beau-père”…
Dix ans, c’est également l’âge de Rolande après-guerre. Cette jeunesse du Quartier-Français, à Sainte-Suzanne, de bientôt 65 ans se souvient bien que Pongol c’est-à-dire la nouvelle année des Tamouls, croyait-on alors, commençait “juste après le nouvel-an des créoles”.

Toujours pas de jour férié

“Papa, quand le jour était venu se levait de bon matin, prenait son bain puis il allumait la lampe à huile, le “katiomanvelkou” disait-il, cette lampe qu’on avait astiquée la veille. A l’époque, on n’avait pas de mèche de coton comme maintenant alors on déchirait un petit morceau de toile de couleur blanche qu’on torsadait entre ses doigts. Il me revenait la charge de veiller à ce qu’il y ait toujours de l’huile dans le réceptacle. Il ne fallait pas en effet que la lumière s’éteigne avant 18h… Après, mon père priait la terre, l’eau, le soleil, le ciel, pour le bien et la santé de sa famille, de ses ennemis et en tout dernier lieu pour lui-même. Puis, il nettoyait ce qu’on appelait le feu, c’est-à-dire les chenêts sur lesquels reposaient les marmites, il ramassait les cendres et les jetait sous un grand pied de bananier. D’habitude, ce travail m’incombait mais ce jour-là mon père s’en chargeait. Il buvait son café, prenait un seau et allait traire une de ses deux vaches afin de donner du lait au petit-déjeuner pour sa femme et ses enfants”.
“Mes parents ont eu 16 enfants mais sur ce nombre huit avaient survécu. A l’époque, il ne leur restait plus sous le toît que 4 enfants dont une fille, moi. Après avoir tiré le lait de la vache, il versait de l’eau dans une grande marmite et la faisait chauffer. L’eau chaude devait servir au reste de la famille pour se laver. Puis, tout le monde prenait son petit déjeuner, café et lait. On s’asseyait sur de petites chaises cannelées en jonc mais il n’y avait pas de table et le sol était de la terre battue recouverte des excréments de bœuf. Tous les enfants avaient revêtu des vêtements neufs ou, à défaut, un bon linge pour sortir. Puis mon père nous donnait de l’argent, en fait des petits carrés de carton sur lesquels était inscrit 1 F ou 2 F. Avec 1 F, on allait s’acheter deux sucres d’orge à la boutique. Après, mon père s’en allait dans la cour tuer une volaille. Ensuite, maman préparait le cari, le massalé et tout le monde mangeait ensuite dans une feuille de bananier. L’après-midi, le travail reprenait comme à l’accoutumée. On élevait des canards, des poules, des cochons, toutes sortes d’animaux et il fallait les nourrir, puis chercher de la paille, du bois, de l’eau… Du moins, mon père qui était colon pour Edmond Payet à Bel-Air, Sainte-Suzanne avait-il son temps à lui. Bien des gens ne fêtaient pas le Pongol tamoul, comme on disait alors, parce qu’ils devaient travailler. Bien d’autres n’avaient pas les moyens. A cette époque, la misère était grande. Souvent, on venait nous demander une pinte de maïs, nous emprunter un peu de piment, jusqu’à de la braise pour faire du feu…”
Des temps de misère pour sûr et d’ignorance largement causée par la politique d’assimilation forcée alors en vigueur. Ne pouvant être transmis, s’il existait !, le savoir s’est éteint de lui-même. “Non content de confondre Pongol et nouvel-an, on a également mêlangé le Sankranty qui est la fête de la moisson dans le Nord de l’Inde et le Pongol qui, lui, vient du Sud.
Cette dernière confusion remonte aux années 1950 quand on a commencé à se rendre à l’île Maurice où le Sankranty était fêté. Il a fallu attendre 1968, année pendant laquelle a été créé le Club Tamoul, pour que tout cela rentre dans l’ordre. J’ai d’ailleurs été l’initiateur de cette normalisation en 1970 quand j’ai pris la présidence de l’association. Je suis entré en contact avec les Mauriciens qui n’avaient pas autant souffert de l’assimilation coloniale et étaient plus érudits que nous. A l’époque, j’ai commencé à organiser des fêtes tamoules et, pendant un an, j’ai publié un journal intitulé “Présence”. Enfin, j’ai rétabli la chronologie correcte des fêtes dans un calendrier…”, explique “Germain” Canaguy, 67 ans. Comme l’on ne sait pas forcément, le jour du nouvel-an tombe le 13 ou le 14 avril dans l’astrologie tamoule quand le soleil est supposé passer dans la constellation du Bélier
Pourtant, les associations se sont pressées lentement. La première manifestation publique, en tous les cas d’ampleur départementale, du nouvel-an tamoul remonte au 14 avril 1990. A l’époque, 4 000 à 5 000 personnes de la communauté ont descendu la rue de Paris du Jardin de l’Etat à la Place du Barachois.
“La plupart des associations culturelles tamoules de l’époque ont répondu à l’invitation qu’on leur avait lancée. Ensemble, nous avons conclu la manifestation en lançant depuis le kiosque du Barachois une revendication pour que l’Etat français nous accorde une journée fériée chômée”, explique le docteur Selvam Chanemougame, président-fondateur de l’association Tamij Sangam (lire le dossier consacré aux “Jours fériés” dans le dernier numéro de Sangam, le magazine de l’association paru hier). Comme l’on sait, le jour de l’an tamoul a acquis depuis ces temps héroïques une notoriété presqu’aussi grande que le Dipavali, autre création ex nihilo ou presque de Tamij Sangam. Mais de jour férié, toujours point. Pouttandou Nalvâjttoukkal !

 

Philippe Linquette


Article du JOURNAL DE L'ÎLE DE LA REUNION
19 avril 2001

(avec l'aimable autorisation du site www.clicanoo.com )


Le nouvel an tamoul toujours à l'honneur

Hier soir, la salle polyvalente de l’hôtel de ville de Saint-Denis a accueilli environ 300 personnes lors d’une manifestation culturelle organisée dans le cadre du nouvel an tamoul, le “Varousha Pirappou”. La soirée a été lancée par un duo de violon interprété par Dominique Amouny et Durai Balusubramaniam, un musicien professionnel indien. Il s’agissait de faire “fusionner la musique occidentale et la musique indienne pour montrer que cette dernière n’est pas renfermée sur elle-même”, a expliqué Narassiguin Camalon, vice-président de l’Association culturelle Réunion Inde (Acri) à l’origine de l’événement. C’est d’ailleurs en grande partie grâce à Dominique Amouny, un Réunionnais formé du côté de Madras, qu’une dizaine d’artistes indiens ont effectué le déplacement jusqu’ici. Après sa prestation, les festivités se sont poursuivies avec un concert de Thygarajan, notamment accompagné au mridamgam, un instrument de percussion originaire du Sud de l’Inde. Enfin, pour terminer en beauté, un spectacle de danse Odissi, une danse classique de l’Orissa (dans la région ouest de l’Inde), a été offert par la jolie Silpce Patanayyak, habituée à se produire d’ordinaire devant les plus hauts dignitaires de son pays.

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