Interview
- IR : La beauté cachée des religions
se donne comme un livre né d'un épisode vécu : pouvez-vous en préciser les
circonstances ?
DR : Lermitage existe bel et bien, blotti dans
les Alpes, et jai eu la chance de rencontrer les fascinantes moniales qui sen
occupent. Je laisse le soin au lecteur de saisir si la rencontre est réelle ou
imaginaire
Mais, quest-ce que la réalité et quest-ce que
limaginaire ? Ce dernier na-t-il pas souvent fécondé et
précédé la réalité ?
- IR : Si j'ai bien compris vos
propos dans La beauté cachée des religions, la clé de tout, de toute
spiritualité authentique est Amour : "L'AMOUR EST LA SEULE REALITE. TOUT EST
AMOUR", écrivez-vous en capitales à la page 138. Mais que faut-il voir dans ou à
travers ce mot Amour ?
DR : Cest Shri Bagvane qui sest exprimé
ainsi sur lAmour, reflétant le fruit de sa quête au long de la vie. Il reste que
le mot « amour » a effectivement été utilisé dans toutes sortes de sens qui
lont dévoyé. Même au sein des voies religieuses et spirituelles.
Nous avons tout à découvrir de lAmour. Encore faut-il que nous soyons
ouverts
Car bien souvent, on a décidé de ce quil doit être et on sest
enfermé dans sa petite vérité.
Ici, Shri Bagvane a éprouvé en son être ce quil appelle AMOUR.
Au-delà des mots vides et des affirmations solennelles. Cest le privilège du
chakra du cur de ressentir la présence de lAmour. En tout lunivers.
Quand vient ce jour, toute la vision du monde change. Toute notre relation avec
lunivers et les autres prend une dimension merveilleuse, grandiose. Dans le souffle
de lAmour.
- IR : Tout ramener à l'Amour et l'identifier
à Dieu, comme vous le faites, n'est-il pas trop simpliste et réducteur ?
DR : On dit généralement « Dieu est
Amour ». Pourquoi ne dit-on pas : « LAmour est Dieu » ?
Sans doute parce que nous navons pas une relation juste et vraie avec lAmour.
Cest ce quexplique Shri Bagvane à la jeune Aurélys, en ces
termes :
« LAmour divin est infini, il dépasse notre entendement. Des
mystiques le décrivent à la fois impersonnel et dune intensité inouïe, que nos
curs ne pourraient supporter soudainement
Durant des millénaires, il a choisi
de sadresser aux peuples dune façon solennelle qui parle à leurs curs
et leurs esprits.
Le voici apparaissant tel un être bienveillant, protégeant les peuples et
répandant ses grâces. Le voici tel un Père tout-puissant régnant dans les cieux. Un
Père dont lAmour nous exhorte au meilleur de nous-même ! Le voici telle une
Mère bienveillante, chérissant ses enfants. Une Mère dont lAmour nous émeut de
tendresse. Le voici tel un frère divin parmi nous, devenant si proche, offrant son Amour
et sa Compassion infinis. Le voici tel un ami divin toujours présent en nos curs,
prêt à nous entendre, à nous aider, à nous soutenir.
Oui, lAmour divin nous parle de mille et une façons ! Dès
lenfance il nous marque avec force à travers laffection de nos père et
mère. Même si la relation a été douloureuse, même si nous ne les avons pas connus, en
notre cur se trouve à jamais le sentiment dun Amour maternel idéal,
dun Amour paternel idéal
dont lespérance et la beauté influenceront
souvent une grande part de notre vie.
Quand vient un âge où nous y sommes sensibles, lâme nous éveille à
sa présence dans les relations amoureuses. Le voici qui fait irruption un beau jour
il bouleverse lordre dune vie tranquille
nous laissant subjugués dans
un mélange de bonheur et de souffrance
En aimant lautre, nous aimons le
sentiment dAmour que nous éprouvons
nous réalisons le délice du sentiment
dAmour
il nous arrive de chercher : doù
vient-il ? »
Oui, pour ceux dont le cur
subtil est éveillé, lévidence est permanente :
La
vie est impossible sans Amour
LAmour est loxygène de lâme.
IR : Une autre
idée déterminante dans votre livre se trouve dès la page 15 : "Dieu est universel
! Toutes les religions représentent des approches légitimes..." S'agit-il d'un
appel à l'oecuménisme ; incitez-vous à une sorte de voie syncrétique ou de cocktail
New-Age ?
DR : Non, le livre le dit ailleurs. Chaque tradition
représente une couleur magnifique participant à la beauté de larc-en-ciel.
Plus que « tolérer », il sagit de comprendre que les
religions se partagent des approches authentiques de « Dieu ».
Prenons un image simple. Imaginons une montagne, altière et enneigée,
symbolisant « Dieu ». Autour de cette montagne, existent différents villages.
Les uns tout proches, sur des versant opposés. Les autres plus éloignés, apercevant
tout ou partie. Dautres encore plus éloignés, mais émus dune telle beauté.
De chaque village, on voit la montagne-Dieu de façon différente. Et pourtant chacun est vrai
dans sa vision, même sils voient « Dieu » selon des angles
opposés
Nen est-il pas ainsi des religions et spiritualités ?
De plus, peut-il y avoir spiritualité sans humilité ?
« Dieu » est trop immense pour quune seule religion puisse
penser en avoir fait le tour. Tel est le propos soulevé dans cette rencontre en montagne.
Mais « Dieu » nous a-t-il déjà tout révélé de sa nature
infinie ?... Le penser nest-il pas se fermer sans sen rendre
compte ?
IR : Votre
ouvrage - même s'il invite à une relecture actualisée des Livres sacrés - semble
remettre en question ces derniers, ainsi que les rites et les images traditionnelles de
Dieu qui y sont associés. Qu'en est-il réellement ?
DR : Jai trop de respect pour remettre en cause
les Livres sacrés. Mais quiconque sy intéresse de près constate la difficulté
des interprétations. Voilà qui garde les portes ouvertes.
Le seul argument légitime (selon ce livre) à revisiter les textes sacrés,
est de nous amener à découvrir une étonnante beauté, une beauté cachée dans
les enseignements religieux
Voilà précisément le titre et le thème du livre.
En fait, lhomme a traduit les textes selon lidée quil se
faisait de « Dieu ». Par exemple, quand il éprouvait fortement un besoin de
Justice et de Récompense pour les actes justes, il a construit un « Dieu » en
correspondance : punissant les méchants, et rétribuant les gentils
Généralement nous ne parlons pas de « Dieu », mais de lidée
que nous nous faisons de « Dieu ». Cependant, nous sommes convaincus que
« Dieu » est tel que nous pensons
Doù les inévitables
désillusions. Et aussi les découvertes savoureuses, lorsque nous réalisons que
« Dieu » revêt un Amour insoupçonné
Les mystiques en ont toujours témoigné. La voie du cur offre
un accès privilégié. Dans louvrage précédent (« Cur subtil et
intuitions naturelles »), jai voulu témoigner que la voie du cur était
accessible de façon simple, dans la vie quotidienne.
IR : D'un bout à
l'autre de votre ouvrage, on baigne dans une ambiance de sérénité, de joie et de
compréhension : votre vision, vos propos ne peuvent-ils pas passer pour trop angéliques,
jusqu'à soupçonner quelque naïveté volontaire de votre part ?
DR : La question des religions a suffisamment suscité
de discordes et de conflits depuis des siècles, de par le monde ! Oui, les religions
peuvent se parler dans une ambiance de sérénité, de joie et de compréhension. Et le
meilleur en jaillira
IR : Tout de
même, l'absence de contradiction, l'absence même d'une phase de doute dans votre
démarche ne nuisent-elles pas à sa capacité argumentative ?
DR : Les arguments développés sont assez nouveaux ou
originaux, répondant justement à des questions venant aussi bien des athées que des
fidèles.
Je crois que sur un sujet aussi délicat, la contradiction crispe chacun dans
ses certitudes, dans sa vérité. Plutôt que de susciter louverture, du cur
et de lesprit.
Il appartiendra aux lecteurs de dire si cette façon douce et respectueuse
dexplorer lesprit des religions sest avérée adéquate
IR : Ces
causeries, ces échanges spirituels et radieux dans un ermitage - par définition isolé
du monde - n'ont-ils pas quelque chose de vain, d'illusoire, presque de provoquant tant
ils semblent coupés d'un quotidien tellement moins idyllique et tellement plus athée
vécu par nombre de femmes et d'hommes ?
DR : Je ne cherche à convaincre personne ; ni
athées ni pratiquants. Mais seulement à partager une façon délargir notre
compréhension sur un sujet qui reste majeur. Car malgré le modernisme du Progrès et le
déclin annoncé des religions, la demande spirituelle reste forte et vivace dans la
société.
Jestime quune discussion libre, sans intention cachée de
convaincre, peut apporter quelque chose de profond. Toute graine a besoin de conditions
favorables pour germer. Le bouton a besoin de douceur et lumière pour fleurir.
IR : Votre
précédent ouvrage évoquait le "coeur subtil", que l'on retrouve d'ailleurs
dès la couverture de cette nouvelle publication : quel lien établissez-vous entre ces
deux livres et leurs "messages" ?
DR : Quand on entre dans son « cur
subtil », on découvre une nouvelle vision du monde. Elle semble tellement idyllique
et décalée de la réalité que lon nose en parler. Par sincérité,
jai tenté de le faire
En effet, lexpérience ma appris que ce qui vient du chakra du
cur relève de lâme, du Moi profond. Doù le caractère magnifique de
ces visions. Cependant, après en avoir savouré le délice, notre conscience ordinaire se
heurte à la difficulté quotidienne et a tendance à se résigner. Pourtant, si nous
marchons en direction de lidéal, fut-ce de quelques millimètres, il finira
par se manifester.
IR : Votre
réunionnité - avec le contexte pluri-religieux qu'elle suppose - a-t-elle
favorisé votre ouverture d'esprit sur la diversité des religions et des voies
spirituelles ?
DR : Bien sûr. Avoir côtoyé depuis lenfance
tant de variété religieuse ouvre puissamment notre esprit. Cest encore un
privilège de notre île. Je me souviens dune époque où chaque religion pensait
avoir la vérité, et se montrait arrogante envers les autres. Je me réjouis
dun dialogue pluri-religieux aujourdhui, et dune véritable estime
partagée. Lîle de la Réunion représente un bel exemple dune humanité
cheminant à la rencontre delle-même pour en faire jaillir le meilleur.
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