Identités et Représentations des Indiens à La Réunion au 19ème siècle Exposition photographique |
A l'occasion du Nouvel An
tamoul 2002, le GRAHTER (Groupe de Recherches Archéologiques et Historiques sur la Terre
Réunionnaise) et le journaliste Jean-Régis Ramsamy présentent une exposition de
portraits d'archives à la médiathèque de Saint-Paul ; inauguration le 14 avril. Nous proposons ici le texte de présentation, cosigné par J.-R. Ramsamy et Thierry Imidi-Mavoubaa, ainsi que quelques documents. |
Texte de présentation Documents |
120 000, peut être plus. Nous pouvons seulement émettre lhypothèse quils étaient plusieurs dizaines de milliers ! Cette allégation un peu "simpliste" témoigne de notre souci de ne pas nous aventurer sur un terrain dense, encore peu exploité par les spécialistes de lHistoire, des Sciences humaines. A travers cette exposition, " Identités et représentations des Indiens au 19ème siècle ", nous nous fixons un objectif : encourager les férus de notre Histoire à examiner ou à " ré-examiner " lhéritage photographique lié aux " engagismes ". A notre sens, la démarche plus générale, est primordiale pour les rares éléments picturaux relatifs à laurore du peuplement de lîle, ayant la conviction quune volonté particulière doit être accordée aux éléments relevant de la période de lesclavage. Pourquoi cette galerie de portraits ? La photographie est une pièce administrative indispensable dans la constitution du dossier de limmigrant indien pour lobtention de son livret dengagé, à son arrivée à La Réunion. Tous les indiens sont-ils de gré ou de force passés devant le " drôle dappareil " ? Dans le cas affirmatif, ne faut-il pas sinterroger sur la mise à disposition de ces documents, en ayant à lesprit, que plus de cent mille Indiens ont été introduits dans la Colonie ? Notre question de candide sera très certainement balayée par des arguments portant sur la faiblesse des moyens de conservation de l époque, lusure. Enfin il nest pas improbable quun certain nombre de sujets de sa majesté la Reine dAngleterre, ait tout catégoriquement refusé de subir cette exposition devant " la machine à photographier " ! Les Archives départementales de La Réunion, qui nous permettent aujourdhui dexploiter quelques documents épars, reconnaissent que des efforts sont encore à réaliser pour fixer définitivement la mémoire iconographique dans la temporalité. Reconstituer des pans dune histoire de lHomme, nest en aucune manière un procès en règle contre le Passé ou plutôt ses acteurs. Libre à chacun douvrir la réflexion sur telle ou telle faiblesse des gouvernants ou la douce complicité des responsables de la Colonie à des époques précises. Nous nous sommes également interrogés sur lopportunité de la publication des noms. En respectant scrupuleusement les règles administratives, en la matière, notamment la diffusion des seuls "éléments " centenaires, nous avons pris cette option. Elle permet peut être de mettre en évidence des liens de parenté, en ce qui nous concerne elle donne des indications sur les régions dorigine des travailleurs indiens. Sur un autre plan, le chantier reste ouvert. Dans lavenir, divers travaux permettront dinterpréter ces images. Notre plus grand souci, encore une fois, repose sur les éventuelles pistes que nous pourrions dégager en vue dun travail approfondi des chercheurs. Ainsi par le biais des sciences telles que lhistoire, lethnologie, lanthropologie, ces photographies nous délivreront des messages. Des images " passives ", nous récolterons peut être des jalons importants de notre Passé. A travers la notion dIdentité, nous pourrions selon la formule populaire " mettre un nom sur un visage ", le concept de Représentations, quant à lui, protège un espace culturel riche, jalousement conservé par lHistoire. Ce champ culturel, et social dans lequel ont évolué des milliers dâmes, constitue une mine de recherches où la sociologie, pour ne citer quelle, apporterait bien des éclairages. Nous nen sommes pas encore là. Aujourdhui ces clichés peuvent -selon lhumeur du visiteur- provoquer soit de la répulsion, soit de la sympathie, peut être dautres attitudes plus ambiguës. Il faut le reconnaître, en létat, ces " identités brutes" nous renvoient à des clichés, comme des fichiers de lunivers judiciaire. Certains regards austères, attirent peu ou prou de lintérêt. Les photographes dalors ne réalisaient pas des uvres dart, au sens du célèbre Robert Doisneau plus près de nous, mais des productions destinées aux commodités coloniales. Au risque de se répéter, sil est vrai que ces figures semblent peu attractives, suivant les définitions de lesthétique, au fond, le visiteur détectera selon ses normes culturelles, ses repères morphologiques, des informations plus ou moins intéressantes. A cet égard, on peut la comparer, à un prisme déformant, chacun aura très certainement sa vision, sa dimension, de lébauche du projet présenté. Lindianité dun Idriss Issop-Banian, la Malbarité de Sully-S.Govindin ou encore la Coolitude de Khal transparaissent dans ces regards. Les esprits chagrins noteront que cette exposition nest quune succession de visages " pâles ", émaciés, peu souriants, dont le plus petit dénominateur commun, se résume aux traits tirés. Pour notre part, une fidèle et honnête restitution a guidé notre entreprise, sans édulcorer, ni occulter la réalité. A propos de la réalité, malgré la modestie des matériaux, plusieurs indications sont à relever. Les dimensions de la photo, ne donnent pas la tenue vestimentaire de lIndien, mais il y a fort à parier, que lIndien de Calcutta et son compatriote de Madras ne shabillait pas de la même manière. Ainsi les quelques sujets, portant un chapeau, indique quil ont opté en faveur de certains accessoires du pays daccueil, dans lequel ils se sont déjà familiarisés. A moins quil ne sagisse de fils dimmigrants, de première ou deuxième génération. Les anneaux pour les hommes et les femmes montrent leur volonté de ne pas abandonner des modes de vie de la terre-mère indienne. Notre vanité, ne devrait pas nous faire oublier que ces "ancêtres " vivaient aussi une époque de mutation. Lépoque des Lumières, était passée par-là et la photographie de Nicéphore Niepce : " chose révolutionnaire ". Nous pouvons aussi postuler à la décharge de ces milliers de " déracinés ", le choc culturel. Pour un peuple, dans son immense majorité, relevant du dogme de la réincarnation ou de lenchaînement perpétuel des vies, le besoin de " tirer le portrait " devait être une notion relative. Lopportunité de la photographie administrative est surtout utile à lautorité Coloniale, confrontée aux difficultés dune gestion rigoureuse de cette main duvre étrangère. Ces extraits dun patrimoine photographique, que nous aurions aimé plus complets, ne permettront pas de répondre à toutes les questions. En effet, le visage, ne renseigne en rien sur laire géographique des sujets. Nous savons, que les immigrants venaient pour une grande part du pays tamoul, Tamilnadou, mais comment distinguer les traits, les indices des autres indiens venus du Bengale, du Maharastra, de lAndhra Pradesh ou du Kérala ? Or nous savons quils ont été introduits dans la Colonie, en petit nombre. Une problématique, dont les indices reposent sur le seul crédit des patronymes. Dans ce domaine, nous ne saurions trop, inviter le public à une certaine prudence quant à sappuyer exclusivement sur un visage, un nom, qui figurent dans cette modeste exposition, pour reconnaître tel(le) ou tel(le) aïeul (e). Il convient de prendre en compte, que ces patronymes furent parfois retranscrits localement dans des conditions peu fiables. Par exemple il ne serait pas étonnant de rencontrer deux membres dune même cellule familiale, aux noms différents. Cette première approche, qui ne peut pas être assimilé à une enquête anthropométrique, constitue une base de données que nous souhaitons évidemment élargir, renforcer, étudier, partager également aux chercheurs qui le souhaiteront dans le but dapprofondir les connaissances sur le peuplement de lîle et de ses acteurs. Dans cette logique, lentreprise du Groupe de recherche de larchéologie, de la Terre Réunionnaise en partenariat avec dautres instances est plus que louable. Que son président, Marc Kichenapanaidou, trouve lexpression de notre gratitude. J.-R. Ramsamy et Thierry Imidi-Mavoubaa |
"Abasourdi Khal "Cale dEtoiles", Azalées Editions
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