Interview
PC :
Je me nomme Comorassamy Patrice, j’habite dans l’Ouest.
Je suis née sur l’île de la Réunion ; « Malbar » d’origine, je pratique la
religion de mes ancêtres qu’on appelle : l’Hindouisme.
La découverte de cette religion est
devenue une passion, car chaque jour on en apprend un peu plus, ce qui nous
permet de comprendre cette religion qui dirige notre vie.
Je suis aussi le créateur du blog
http://karuppanswamy.wordpress.com
qui présente certaines divinités villageoises (Marsi, Mardin, Pétiaye...)
Mais aussi de
deux pages sur le réseau Facebook appelées : « Karrupu
Swamy (Marsi Kalpou) :
page de partage de photos, vidéos… des fêtes dans le monde. Et d’une autre
page « Sri Maha Vishnou » : une page consacrée aux fêtes en l’honneur de Sri
Maha Vishnou (photos, vidéos…).
Sept Munîswaran (Inde)
PC :
La religion populaire
pratiquée dans le milieu tamoul, je la pratique depuis ma naissance. Du côté
de mon père et de ma mère, la pratique de cette religion s’est toujours
faite. Elle provient donc d’une descendance et par conséquent d’une
tradition familiale. Mes ancêtres venant de l’Inde ont apporté avec eux
leurs croyances, ici sur cette île.
-
IR :
Comment avez-vous acquis vos connaissances
en la matière, par des recherches, une transmission de maître à disciple, un
vécu personnel... ?
PC :
La connaissance concernant
la pratique du culte des divinités villageoises (Grâma-Devatâ) s’est faite
d’une part par la pratique d’un culte en particulier, celui de « Karuppu
Swamy » appelé à la Réunion « Marsi Kalpou ». Ce culte
provient d’une tradition familiale. En voulant approfondir la connaissance
sur son culte, une volonté de s’intéresser aux différentes divinités
villageoises s’est fait sentir. Les recherches se sont déroulées pour
commencer à l’aide d’internet, puis par la suite en utilisant des livres sur
les divinités spécifiques aux villages. Et actuellement, à l’aide d’un
réseau de type Facebook qui permet d’entrer en communication avec des
personnes d’origines malaysiennes, etc., qui pratiquent beaucoup ce genre de
culte. Mais une partie de la connaissance provient aussi des ancêtres et
donc d’une transmission de maître à disciple, de génération en génération.
PC :
Les particularités de
l’hindouisme populaire... c’est à mon avis la pratique du culte des
divinités considérées en Inde comme divinités villageoises, dans les
différents temples familiaux et bien sûr dans les grands temples de l’île.
La pratique de ce culte est très présente sur l’île. Je dirais qu’il
n’existe pas cette notion de hiérarchie entre les dieux sur l’île.
Il n’y a pas cette différence de catégorie :
divinités villageoises et autres… L’avantage est donc d’avoir une population qui est unie autour
des différents temples ; peu importe la divinité principale.
Ensuite, le culte des
ancêtres est très présent au niveau de l’hindouisme populaire. Durant les
cérémonies, on peut apercevoir des « Poursarlis » ou « Malarlis » faisant
appel aux esprits… Le culte des ancêtres et de certaines divinités
villageoises est associé aux sacrifices d’animaux qui sont très
populaires sur l’île. Bien sûr, cela lance le débat du sacrifice animal,
mais pour cela, je dirais que seuls les pratiquants de
ces rites peuvent en discuter (ceux qui critiquent, ce sont ceux qui ne
pratiquent pas ce culte).
L’hindouisme classique, je
dirais plutôt en référence au culte de divinités telles que Shiva,
Vishnou... se pratique dans les grands temples de l’île.
Karuppu Swamy (Malaisie)
PC :
Mes recherches se sont
portées en priorité sur « Karuppu Swamy » appelé à la Réunion « Marsi Kalpou ».
Ensuite sur « Muneeswaran ». En effectuant des recherches on entend parler
de Ayyanar qui n’est pas très connu sur l’île. On associe Ayyanar comme
divinité principale et les autres Karval Deivam tels que « Karrupan Swamy (Marsi) »,
« Sudalai Madan (Mardin) » …comme serviteurs de celui-ci. Pour moi, je ne
vois pas l’utilité d’effectuer un classement, car seule la foi en une
divinité compte. Plus la foi est grande, plus l’importance de la divinité
l'est aussi.
PC :
Katéri Amman
est plus connue sous le nom de « Kartéli » à l’île de la Réunion.
On dit
qu’elle a été créée pour aider la mère Mayana Kali (Masana Karli) au
cimetière à contrôler des esprits. Malheureusement, des personnes utilisent
cette divinité pour la magie noire, car elle est dotée de pouvoirs spéciaux.
On peut apercevoir différentes représentations de Katéri Amman. Katéri Amman
est adorée comme « Karval Deïvam », elle accepte toutes les boissons
alcoolisées, les cigarettes, les sacrifices d’animaux… On dit que le
« Rhum » est une boisson qui peut guérir et nettoyer l’intérieur de soi.
A la Réunion, son culte se déroule sous un arbre dans les
propriétés familiales, on effectue des sacrifices de poules de couleur noire
ou grise. De plus, certaines personnes vont demander à Katéri de
nuire à d’autres personnes parce qu’ils n’aiment pas ces personnes et
c’est pour cela qu’ils procèderont à des offrandes.
PC :
Ayyanar (Ayya) est un dieu de villages, vénéré principalement dans l’état du
Tamil Nadu et dans les villages tamouls du Sri Lanka. Il est principalement
adoré comme un gardien qui protège les villages ruraux. « Ayyanar ou Aiyanar »
est composé du mot « Ayya » qui est souvent utilisé pour désigner les gens
respectables. Ce terme signifie aussi un « frère aîné ». Ayyanar est donc
issu d’une combinaison de mots qui signifie : « chef d’un groupe ». C’est
pour cette raison qu’on raconte qu’Ayyanar est à la tête d’une armée de
dieux : vingt-et-un au total, qui sont ses serviteurs (dont Karrupu Swamy, Sudalai
Madan…). A la Réunion, il est rare de voir des temples dédiés en son
honneur. Donc son culte reste encore un mystère.
Vâzhmunisvarar ou Vaaza
Munneeswar (Inde)
PC :
Après des recherches, on constate que dans les
temples des villageois, le culte se déroule par des sacrifices d’animaux
comme sur l’île. Mais les animaux ne sont pas les mêmes : oiseaux,
chèvres… Sur l’île c’est plutôt : boucs, coqs… On peut voir des vidéos ou
dans les villages, les personnes appellent les divinités à entrer en elles ;
elles
sont revêtues avec des habits de divinités. Le principe reste le même : la foi
de croire en une divinité nous amène à des actes de dévotion spécifiques.
Alors que sur l’île nous invoquons plutôt les « gourous » c'est-à-dire
notre maître spirituel ou bien nos ancêtres.
PC :
En effet, on constate que dans certains temples, on retrouve un Saint
qui appartient à la religion chrétienne : notamment
Saint-Expédit. Il rassemble autour de lui des adeptes du
bien et de la sorcellerie, il est respecté par les deux religions. On
associe également Saint-Expédit à la déesse Karli parce qu’on raconte que
durant l’esclavage il y avait des problèmes entre les pratiques hindouistes
et les pratiques chrétiennes. Mais lorsque les engagés indiens ont vu Saint-Expedit,
ils l’ont associé à la déesse Karli, de par sa couleur rouge. On dit
aussi, qu’il est associé à Madurai Veeran (Mardévirin) parce qu’il
représente la richesse et la force.
Matura Vîran (Perak)
-
IR :
Le culte de certaines divinités, à la Réunion,
inclut, vous l'avez dit, des sacrifices d'animaux : pouvez-vous nous en rappeler la raison et
donner votre opinion au vu de la désapprobation dont ne manque pas d'être
frappée cette pratique de la part de diverses personnes ?
PC :
Beaucoup de personnes remettent en cause cette
pratique, en affirmant : « cela n’est pas écrit dans les livres », ou
d’autres remettent en cause « la tradition des
ancêtres ». Moi, je suis totalement CONTRE cet avis. Cette tradition existe
depuis bien longtemps ; en Inde, en Malaisie ou dans d’autres pays le
sacrifice animal existe. En Inde à une époque on avait bien des sacrifices
humains, des sacrifices de cheval... Et actuellement, des sacrifices de
boucs, de chèvres, de poules, d’oiseaux…s’effectuent encore et encore. Dans
les villages le sacrifice animal est très présent…
Un extrait de la
Bhagavad-Gita
m’a toujours interpellé : « Parce qu’ils sont mandatés pour subvenir aux
nécessités de la vie, les Devas, satisfaits par ces YAJGAS (sacrifices),
pourvoiront à tous vos besoins. Mais qui jouit de leurs dons sans rien leur
offrir en retour est certes un voleur. » (Verset 12 – KARMA YOGA)
A méditer…
PC :
Oui je constate qu’il y a
aujourd’hui une évolution au sein de la communauté tamoule à la Réunion, une
volonté d’innover et de se rapprocher de l’Inde. D’une part en rénovant les
temples, avec la réalisation de Gopuram traditionnels, de sculptures… D’autress
part la présence de jeunesse tamoule Réunionnaise est de plus en plus
visible (création d’associations…) ; une jeunesse qui possède une volonté d’apprendre et de
perpétuer la tradition de nos ancêtres.
PC :
Des projets avec mes amis :
Manikanden Ayappa Alendroit, Stéfan Naminzo, Laurent Govindin… ont en a
beaucoup... Mais la décision n’est pas encore prise… L’avenir nous le
dira… Comme le dit souvent Stéfan : « Nou met toute dan la main Gardien.»
Sangli Kalpou (Inde)
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