Jean-Régis Ramsamy :
mémoire au temps présent
    
  
Qui ne connaît, dans l'île, le journaliste Jean-Régis Ramsamy ? Depuis des années bien  présent sur les petits écrans pour RFO-Télé Réunion, il a en outre publié en octobre 1999 un livre consacré à l'histoire des orfèvres tamouls de La Réunion. Il a accepté de répondre aux questions d'Indes réunionnaises.

Interview        Présentation du livre


Interview

  • IR : Jean-Régis Ramsamy, comment votre appartenance à la communauté réunionnaise d'origine indienne se traduit-elle quotidiennement ? Avez-vous le sentiment qu'il existe un mode de vie "indo-réunionnais" (tamoul...) sensiblement différent du mode de vie réunionnais ?

    JRR : Nous sommes d’abord nés en terre réunionnaise, donc nous avons un comportement de Réunionnais. Bien sûr, descendants d’Indiens notre mode de vie reste relativement inspiré par les croyances populaires et l’hindouisme. Ainsi le Réunionnais d'origine indienne, à l’instar des Hindous, ne consomme pas la viande de bœuf, un certain nombre refuse également la consommation de porc, sans compter quelques adeptes du végétal. Il n’y a pas de comportement spécifique au quotidien, mais le carême reste un exercice sérieux pour nous pendant les périodes de fête. Là nous respectons les règles de l’hindouisme. Prières, processions, musiques, habillement traditionnel font partie de cette démarche.

  • IR : Pratiquez-vous personnellement la religion hindoue ?

    JRR :  A quoi bon vous décliner par un «oui » ou par un « non » mon identité religieuse, encore que je pourrais vous induire en erreur.
       L’occident adore classer les pratiques, les croyances. De là est né, son souci de classer les traditions de l’Inde dans une religion, baptisée hindouisme. Pourtant loin d’être une religion, l’hindouisme est avant tout un ensemble de pratiques observées depuis des millénaires par tout un peuple. Elles ont été apportées parfois par les invasions. Ce sont des principes qui sont nés de la nécessité de vivre ensemble. Des anciens, des sages, élaborèrent les meilleures conditions pour le bien-être de la société. Cela se voit très bien dans la vénération aux divinités tutélaires (du ciel, de la pluie). Un savant amalgame fait dire à l’occidental des expressions comme « l’Inde aux mille Dieux ». Pourtant l’unité divine existe bel et bien, l’Advaita Vedanta par exemple préconise l’universalité de la personne divine avec l’humain. Dieu est un. Le fait de le représenter sous différentes formes ne doit pas occulter son aspect unique et universel. Il est par conséquent maladroit de dire que les hindous sont polythéistes. Kali par exemple est appelée de divers noms selon la région où l’on se trouve. Mais elle reste pour nombre d’hindous la mère divine.
  • IR : Comment décririez-vous l'évolution actuelle de la communauté réunionnaise d'origine indienne, en particulier sur le plan social et sur le plan culturel ? Quel jugement (positif, négatif...) portez-vous sur cette évolution ?

    JRR : Le renouveau, au sens du dictionnaire, caractérise le mieux l’évolution que traverse la communauté. Les décennies d’oublis, se doublent aujourd’hui avec une immense détermination à relever une culture millénaire. L’élection d’une miss indienne n’étant naturellement que l’aspect anecdotique de cette démarche de ré-appropriation d’une Culture et d’un développement des rites tamouls. La richesse de la Communauté se trouve également dans la production d’œuvres variées. La créativité n’appartient pas à un groupe, à une association  mais bien à des individus, chacun s’exprimant avec passion dans les domaines qui lui sont chers. Par exemple, c’est le cas dans le domaine littéraire.
    Positif : Sur le plan social, là-encore il n’y a pas de développement séparé, les Tamouls comme les autres Réunionnais subissent les mêmes faiblesses de l’ économie. Autrefois, ils représentaient le gros de l’effectif du monde agricole, ensuite certains d’entre eux se sont impliqués dans le petit commerce, le transport collectif et les services. Exceptées quelques grosses fortunes spectaculaires, les tamouls sont à l’image des Réunionnais, autrement dit aussi bien concernés par le chômage, le RMI ou les emplois de service.
    Négatif : Si l’on se réfère aux fortunes justement, au début du 20ème siècle les Malbars avaient directement ou indirectement un lopin de terre, sinon plus, on ne citera pas à nouveau la rue du Grand Chemin, le chemin Malbar de l’époque à St Denis. L’absence de clairvoyance, surenchère, pression fiscale, reconversion professionnelle, on trouvera toutes sortes de raison pour tenter de justifier cette désertion du centre-ville de St Denis de La Réunion.

    Dans un registre plus positif, à l’aube du 21ème siècle, on ne peut que constater l'évolution des métiers qui gagne les Malbars. Ceux-ci accèdent plus facilement aux professions libérales, fonction publique… D’aucuns parleront de démocratisation du système mais il faut y voir également un plus grand niveau scolaire des intéressés.

  • IR : Pensez-vous qu'il existe un risque de dérive communaliste ?

    JRR : Fantasme ou question tarte à la crème !
    Sur la question de la dérive communaliste, ma réponse risque d’être perçue comme une provocation. Je dirais qu’il y autant de risque de dérive communaliste malbare, que de dérive communaliste zoreille, créole, chinoise, musulmane ou autre. Soyons sérieux, le respect des identités, des confessions religieuses n’aboutit pas nécessairement sur le Communalisme ou le communautarisme. Parfois il faut savoir franchir les tabous.

  • IR : Quel jugement portez-vous sur la façon dont les médias réunionnais abordent tout ce qui touche aux communautés réunionnaises d'origine indienne ?

    JRR : Je ne suis pas peut-être le mieux placé pour donner mon point de vue sur le traitement du fait tamoul-hindou par les médias réunionnais. Je n'éluderai pas totalement la question mais je peux vous dire que par principe je suis très respectueux du travail de mes confrères. Ceci étant, je me rappelle que l’église de la Réunion avait initié il y a quelques mois une réflexion dans le but justement d’élaborer une sorte de charte pour le traitement des faits religieux. D’une manière générale, il est de notoriété publique que les médias quotidiens n’ont pas les moyens de donner une traduction fidèle aux faits religieux.

  • IR : Que pensez-vous du site Internet "Indes réunionnaises" ? Estimez-vous qu'il est de quelque utilité dans le paysage culturel "indo-réunionnais" ?

    JRR : Le site « Indes réunionnaises » répond, c’est une évidence, à une attente. Je pense à un ancien rédacteur en chef, qui disait, « tout est améliorable ». Il sera sans doute à l’image du besoin des Tamouls Réunionnais. Personnellement je suis très touché par sa grande diversité. Ce site ne donne pas la parole à un courant ou un groupe, mais à tous, cela conditionne je pense l’évolution du site.

  • IR : Avez-vous des projets personnels de publications ou autres actions culturelles pour l'avenir ?

    JRR : Amené un peu « accidentellement » à découvrir mes racines, j’avoue rencontrer chaque jour un univers passionnant, envoûtant en même temps plein de promesses. Le siècle que nous entamons et ses maux (mots) nous encourage à aller vers plus de maturité, plus d’authenticité. C’est cela qui guide mes recherches. Aboutiront-elles automatiquement vers de nouvelle publications, rien n’est moins sûr !


Présentation du livre

   Antonin Ramsamy, père de Jean-Régis, était le dernier bijoutier réunionnais d'une lignée issue du pays tamoul. Aussi, lorsque dès 1985, Jean-Régis Ramsamy s'attelle à un travail de longue haleine sur les "Patair", il accomplit un véritable devoir de mémoire qui le conduira aux sources géographiques de sa famille ainsi que dans divers pays d'accueil de la diaspora tamoule. Recherches généalogiques, recherches documentaires, aux Archives Départementales notamment, s'avéreront aussi nécessaires. Le travail achevé sera publié par les Editions Azalées en octobre 1999.
   L'ouvrage se veut à la fois essai d'ethno-histoire, déjà salué  par divers historiens et autres spécialistes de l'Indianité, mais également monographie sur des familles d'orfèvres tamouls qui se sont installées à l'île Maurice, en Afrique du Sud et dans une moindre mesure à l'île de La Réunion. Les orfèvres étaient des hommes d'affaires mais aussi les confidents  des engagés. L'étude de cette corporation apporte évidemment beaucoup sur la connaissance de l'immigration indienne dans l'île.
   


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   Voici ce que déclarait l'auteur dans la revue Sangam : "Ce récit historique s'appuie sur l'exemple d'une famille traditionnelle. Vous savez l'immigration indienne a souvent été traitée de manière globale. Il y eut Boardour de Firmin Lacpatia et puis cette aventure des Patair à La Réunion qui est totalement ouverte sur l'histoire locale. C'est une autre vision du peuplement à Bourbon. Vous avez aussi raison, l'affectif y tient une grande part. A partir de l'aventure de ces artisans bijoutiers en Inde, en Afrique du Sud, à La Réunion et à l'île Maurice, j'élargis sur l'immigration indienne en Océan Indien. Officiellement l'engagisme à Bourbon a cessé à partir de 1881 mais les hommes n'en ont pas moins arrêté de se déplacer. Les bijoutiers par exemple arrivent dans ce pays avec un statut
de permissionnaire, autrement dit de travailleur libre. Ceux-là vont vivre également dans l'espérance de l'obtention d'un titre de séjour définitif, en clair appartenir à la Communauté française de Bourbon. Je pense que cette "petite" histoire des permissionnaires indiens complète ce vaste dossier de l'immigration. A travers cet ouvrage je propose une démarche "novatrice", loin des textes, des réglementations ou des correspondances de l'époque. De la même manière, j'ai tenu à soigner l'illustration. La seule entreprise de collecte de photographies a pris trois années. Ces éléments iconographiques (certains de la fin du 19ème siècle) ont surpris plus d'un, à La Réunion, persuadés souvent que ces pièces n'existaient plus. [...]
   Les Patair ont apporté leurs modestes pierres au socle malbar. Il n'était pas question pour moi de commettre un rapport dithyrambique sur eux. Retracer la vie de ces artisans orfèvres sans faire allusion plus largement à leur environnement social aurait été un exercice incomplet. Aujourd'hui encore l'ouvre des Paniandy, Mourouvin et tous les autres conditionne encore la perception de la communauté malbare à La Réunion."


Ôleï : ancien manuscrit tamoul sur feuille de palmier. Collection personnelle J.-R. Ramsamy.


Points de vente

   Le livre Histoire des bijoutiers indiens est en vente dans toutes les bonnes librairies de la Réunion, mais aussi

  • Chez les Editions de l'Océan Indien, à l'île Maurice.

  • Chez l'éditeur/libraire l'Harmattan, rue des Ecoles, Paris 5ème

  • Chez Azalées Editions, Parc d'activités de la Mare - Ilôt 7- Bât.46 - 97438  Sainte-Marie - île de La Réunion - Tél : 0262 53 00 04 - Fax : 0262 53 26 97


   

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