Lalita Pandit

poétesse et universitaire
originaire du Kashmir

     
  
Indes réunionnaises a déjà présenté un récit de Lalita Pandit, Family and friends, qui nous a emmenés dans cette terre déchirée qu'est le Kashmir. Voici à présent une interview exclusive de cette même Lalita Pandit ; elle nous parlera notamment, et de manière fort intéressante, de littérature et de poésie kashmiries, de théâtre, mais aussi de la situation actuelle - malheureuse - de sa terre natale qui subit un conflit sur lequel elle nous donnera son opinion personnelle.

Interview          Poèmes           Récit


Interview

  • IR : Lalita Pandit, could you first introduce yourself ?
    Lalita Pandit, pourriez-vous tout d'abord vous présenter ?


    LP : I was born in Kashmir and grew up there, studied and worked in other parts of India before coming to the US for further studies in 1979. I studied for my M.A. and Ph.D. in English at the State University of New York at Buffalo. In 1981 I met my husband, Patrick Colm Hogan, who was also a graduate student at SUNY's English department. Patrick and I got married in 1983. Our interest in Indic literature, mythology, literary theory resulted in a book we edited together, Literary India : Comparative Studies in Aesthetics, Colonialism and Culture, published by the SUNY Press in 1995. More recently, we put together a volume of essays, Rabindranath Tagore : Universality and Tradition. It is published by Fairleigh Dickinson University Press and will be available at bookstores after May 28, 2003. Patrick and I have other common areas of interest, one of which is Psychoanalysis.  Early in our careers we edited a volume of essays on Jacques Lacan, Criticism and Lacan: Essays and Dialogue on Language, Structure, and the Unconscious, published by Georgia University Press in 1990.

    Je suis née au Kashmir et j'ai grandi là-bas ; j'ai fait des études et j'ai travaillé dans d'autres régions de l'Inde avant mon arrivée aux Etats-Unis   pour de nouvelles études en 1979. J'ai étudié pour mon M.A. et mon doctorat en anglais à l'Université de l'Etat de New-York à Buffalo. En 1981 j'ai rencontré mon mari, Patrick Colm Hogan, qui était aussi étudiant de troisième cycle au département anglais de SUNY'S. Patrick et moi nous sommes mariés en 1983. Notre intérêt sur la littérature indienne, la mythologie, la théorie littéraire, a abouti à un livre que nous avons édité ensemble, L'Inde Littéraire : Études Comparatives dans l'Esthétique, le Colonialisme et la Culture, publié par les Editions de l'Université de l'Etat de New-York en 1995. Plus récemment, nous avons compilé un volume d'essais, Rabindranath Tagore : Universalité et Tradition. Il est publié par Fairleigh Dickinson University Press et est disponible enlibrairie depuis le 28 mai 2003. Patrick et moi avons d'autres intérêts communs, dont la psychanalyse. Lors de nos débuts, nous avons édité un volume d'essais sur Jacques Lacan, La Critique et Lacan : Essais et Dialogue sur la Langue, la Structure et l'Inconscient, publié par les Presses Universitaires de Georgie en 1990.

  • IR : Your cultural and familial roots are in Kashmir and you are living in States : could you tell about your relations with Kashmir, with Kashmiri culture ?
    Vos racines culturelles et familiales se trouvent au Kashmir, et vous vivez aux Etats-Unis : pourriez-vous nous parler des relations que vous entretenez avec le Kashmir et la culture kashmirie ?


    LP : It is true that my familial roots are in Kashmir. However, we have no home base in Kashmir anymore. All my relatives have had to leave either before or during the major exodus of Kashmiri Hindus in the winter of 1989. It would be right to say that my familial roots have been uprooted from the breathtakingly beautiful villages of Kashmir, transplanted in the refugee camps of Jammu, Delhi and Pathankot, where they will die out in due time because of the horrible living conditions. In spite of this injurious and pernicious displacement of familial roots, I would say my cultural roots are in Kashmir.
       In fact, a lot of the work Patrick and I have done in Indian aesthetics focuses on the work of Abhinavagupta, who is a Kashmiri Shaivate philosopher of the Ninth century AD. My father is a sanskrit scholar and his area of expertise is Kashmir Shivaism. He has written several books in this field, and he won the President of India's Certificate of Merit in 1986. I feel that the coming together of my father's work and my husband's research interests, also my own, is a sign of my being intellectually rooted in what I value most in Kashmiri culture. 


    Il est vrai que mes racines familiales sont au Kashmir Cependant, nous n'avons pas de domicile au Kashmir à présent. Tous mes parents ont dû partir avant ou pendant le principal exode des hindous Kashmiris, au cours de l'hiver 1989. Il ne serait pas faux de dire que mes racines familiales ont été arrachées des villages du Kashmir, à la beauté inouie, puis ont été transplantées dans les camps de réfugiés du Jammu, de Delhi et de Pathankot, où elles finiront par dépérir à cause des horribles conditions de vie. Malgré ce déplacement douloureux et pernicieux de ces racines familiales, je dirais que mes racines culturelles sont bien au Kashmir.
    En fait, une grande partie du travail que Patrick et moi avons accompli sur l'esthétique indienne se focalise sur l'oeuvre d'Abhinavagupta, qui est un philosophe shivaite kashmiri du IXème siècle ap J.-C.. Mon père est un érudit en sanskrit et son domaine d'expertise est le shivaisme kashmiri. Il a écrit plusieurs livres sur ce sujet et il a gagné le Certificat de Mérite du Président de l'Inde en 1986. Je pense que la conjonction du travail de mon père et des intérêts de recherche de mon mari, aussi des miens, indique bien ce à quoi je suis intellectuellement attachée et à quoi j'attache le plus de prix dans la culture kashmirie.


  • IR : Among all Indian cultures, which are the specificities of Kashmiri culture ?
    Parmi toutes les cultures indiennes, quelles sont les spécificités de la culture kashmirie ?


    LP : The pre fifteenth century Kashmir was the cultural center of what is now called the ancient indic culture. Of course, significant swathes of modern Afghanistan and Pakistan were part of this larger Kashmir. Panini, the renowned sanskrit linguist, was a Kashmiri. He lived and thrived in a region that is now  in Afghanistan. Kashmir Shaivism, through the works of Utpaldeva, Abhinavagupta and many others, developed in Kashmir. It is a very distinctive school of Indic thought and theology that considers the material world real, not an illusion. Shaiviate philosophers have theorized in meticulous detail about four levels of cognitive awareness embodied in language and thought, each of which is more or less illusory in relation to the other. It is a philosophy that does not reject the world. In its foundational writings, it does not put too much emphasis on devotionalism. Instead, it places greater emphasis on knowledge and action. In addition, Sufi mystics who sought refuge in Kashmir, fleeing from religious persecution in ancient Persia, brought a rich tradition of Sufism with them. In Kashmir, we have (or used to have) a fine blend of  Upanishadic thought and Sufi mysticism. Hindus and Muslims used to be equally drawn to both, instructed in both, and our sense of reality was molded by both conceptual frameworks.

    Avant le XVème siècle, le Kashmir était le centre culturel de ce que l'on appelle à présent la culture indienne antique. Bien sûr, d'importantes régions des actuels Afghanistan et Pakistan faisaient partie de de grand Kashmir. Panini, le fameux grammairien du sanskrit, était un Kashmiri. Il a vécu dans une région qui se trouve maintenant en Afghanistan. Le shivaisme kashmiri, à travers les travaux d'Utpaldeva, d'Abhinavagupta et de beaucoup d'autres, s'est développé au Kashmir. Il s'agit d'une école philosophique et théologique indienne très particulière, qui considère le monde matériel comme une réalité, non pas comme une illusion. Les philosophes shivaites ont conçu une théorie méticuleusement détaillée décrivant quatre niveaux de conscience cognitive manifestés dans le langage et la pensée, dont chacun est plus ou moins illusoire par rapport à l'autre. C'est une philosophie qui ne rejette pas le monde. Ses écritures fondamentaux ne mettent pas trop l'accent sur la dévotion. L'accent est plutôt mis ur la connaissance et l'action. De plus, les mystiques soufis qui ont cherché refuge au Kashmir, fuyant la persécution religieuse qui sévissait dans la Perse antique, ont apporté une riche tradition soufie avec eux. Au Kashmir, nous connaissons (ou nous connaissions) une merveilleuse rencontre entre la pensée des Upanishads et le mysticisme soufi. Hindous et musulmans étaient aussi bien initiés et formés à l'un et à l'autre, et notre perception de la réalité a été modelée par ces deux structures conceptuelles.


  • IR : Could you tell us about Kashmiri literature and poetry, its history, its great writers and poets... ?
    Pourriez-vous nous parler de la littérature et de la poésie kashmiries, son histoire, ses grands écrivains, ses grands poètes... ?


    LP : I cannot give a whole history of Kashmiri literature and poetry here. There is material available at  http://www.koausa.org on Kashmir's literary figures, historians, poets, humorists and playwrights. Perhaps Kashmir's greatest distinction is that its most celebrated poet is a woman, Lalleshvari, who lived and composed her poetry in the fifteenth century. It is tempting to think that there might have been a tradition of women bards in ancient Kashmir, and that Lalleshvari could not have sprung out of thin air. It is also possible that she was the very first to charter these territories. Whatever the case may be, Lalleshvari's Vakh (four line verses in Kashmiri) that form a sizable body of work present a fine example of some of the earliest oral poetry in Kashmiri. On the koausa website you will find a lot of information on her and English translations of her 134 (may be more) Vakh.
       Lalleshvari's poetry is primarily mystical and philosophical, though she uses a lot of domestic imagery. The philosophical insights do not only relate to her extensive reading, but emerge from her life experience as a woman of her time. Since Lalleshvari is our most loved and remembered poet, I will provide a rough transliteration of one of her verses, which I must have heard and memorized long before I could understand its meaning. My grandmother knew the entire corpus of Lal-Vakh, as they are called. She referred to them often when she wanted to comment on what was going on in the world or at home.
       Lalleshvari is not easy translate. Part of the difficulty is due to her terse style and part due the type of  Kashmiri syntax she uses. It is a type of syntax in which it is not uncommon for the verb phrase to precede the noun or pronoun phrase, or in some contexts for the noun phrase to precede the verb phrase in ways that is not the norm in English (instances are expressions like 'wrote I' instead of 'I wrote', or ''ate I' instead of 'I ate,' and 'snake killed she' rather than 'she killed [the] snake' ). It is not grammatically impossible to reverse the order, of course, in ordinary spoken Kashmiri, yet, in poetic and epigrammatic Kashmiri, the 'ate she' and 'snake killed she' type of syntax is frequently used. Here is a transliterated Vakh 5. Kashmiri is an inflected language, the case of the verb indicates the pronoun reference.

    Came [I] to this place following a path; from here went
    [I] wandering over pathless knolls. Beside the
    embankment, my day ended. [My ] pocket [I]searched for
    a cowrie, found nothing. What can [I ] pay for my passage ?


    Lalleshvari's successor poets, Arinya Mal and Habba Khatun wrote sad and imagistically rich love poetry. Habba Khatun was the wife of a king who was taken away from Kashmir, forced to live in exile in remote Bihar when emperor Akbar first made Kashmir a part his empire in central India. On Arinya Mal's life and poetry you will find a fine essay at the Koausa website, written by Professor Jaikishori Pandit. Though I am more familiar with and perhaps have been unconsciously influenced by the poetry of Kashmir's women poets, in the modern period there have been noteworthy male poets as well, such as Master Zinda Kaul, Gulam Ahmed Mahjoor, Abdul Ahad Azad, Dinanath Nadim, and many others.
       It is perhaps unique to Kashmir that women poets dominated the literary landscape in the early centuries (fifteenth century onwards), while the male poets, short story writers, playwrights and humorists have been dominant in the post 1900 era. One has to keep in mind that Kashmir region's literary output in the pre fourteenth-fifteenth century periods was in sanskrit. There you will find a luminous tradition in poetry and literature, historiography, mythology, metaphysics, philosophy and aesthetics that no single region of the Indian subcontinent can compete with. George Grierson's
    Linguistic Survey of India  has a section on Kashmiri Literature written in Kashmiri. He considers the literary output in the Kashmiri language to be small in comparison with literatures in other regional languages.  However, he says the aesthetic merit of Kashmiri literature and poetry is noteworthy.
       In his representative collection of Kashmiri literature and poetry translated into Hindi and published in 1973, Dr. Shiban Krishan Raina refers to Grierson's statement and claims that the literary output in the Twentieth century has been quantitatively significant. At the same time, it is surprising that Raina's 1973 collection contains only one woman author, Taj Begum Reenzu, a short story writer and a leader of  many women's cultural awareness movements in Kashmir. The contrast with other regions is clear. Twentieth century literature collections  from many regions of the European world (or other regions of India) will show a larger number of women writers, while anthologies of earlier periods will show fewer women writers. In contrast, Kashmiri literature of the earlier periods is dominated by women literati, while a collection put together in 1973 has only one woman writer.
       In more recent periods, especially after the expulsion of Hindus from Kashmir, women's voices can be heard, especially in Hindi, Dogri and English. Clearly, a systematic, complete and definitive  history of  literature written by Kashmiris in Kashmiri (and in other languages) has not yet been written.


    Il ne m'est pas possible ici de retracer entièrement l'histoire de la littérature et de la poésie kashmiries. Des informations sont disponibles sur le site de la Kashmiri Overseas Association aux USA ( www.koausa.org ), sur les grandes figures littéraires du Kashmir : historiens, poètes, humoristes et dramaturges. Le titre de gloire peut-être le plus remarquable du Kashmir est que son poète le plus révéré est une femme, Lalleshvari, qui a vécu et a composé sa poésie au XVème siècle. Il est tentant de croire qu'il pourrait y avoir eu une tradition de femmes bardes dans le Kashmir antique, Lalleshvari n'aurait donc pas surgi du néant. Il est aussi possible qu'elle ait été le toute première à s'engager sur ces territoires. Quoi qu'il en soit, les Vakh (quatrains, strophes de quatre vers) de Lalleshvari, qui constituent un considérable corpus, offrent un excellent exemple de ce qu'à pu être à l'origine la poésie orale du Kashmir. Sur le site de la Kashmiri Overseas Association on trouvera de nombreuses informations à son sujet et des traductions et anglais de ses 134 Vakh (ou peut-être davantage).
    La poésie de Lalleshvari est essentiellement mystique et philosophique, quoiqu'elle emploie beaucoup d'images tirées du quotidien. Ses idées philosophiques ne se limitent pas à tout ce que l'on peut lire de sa plume, mais il faut aussi les voir dans sa vie même, la vie d'une femme de son temps. Puisque Lalleshvari occupe une place à part dans nos coeurs et notre mémoire collective, je vais vous proposer une translittération grossière d'un de ses quatrains, que je dois avoir entendu longtemps avant que je ne puisse comprendre sa signification, et que j'ai retenu. Ma grand-mère connaissait le corpus entier du Lal-Vakh. Elle s'y référait souvent quand elle voulait commenter ce qui se passait dans le monde ou à la maison.

    Lalleshvari n'est pas facile à traduire. La difficulté vient en partie est de son style très concis et en partie du type de syntaxe qu'elle emploie. C'est un type de syntaxe où il  n'est pas rare que le verbe précède le nom ou le pronom, sujet ; ou, dans certains contextes, que le nom précède le verbe d'une façon qui n'est pas normale en anglais (par exemple "ai écrit je" au lieu de "j'ai écrit", ou "ai mangé je" au lieu de de "j'ai mangé", ou encore  "serpent a tué elle" à la place de "elle a tué [le] serpent"). Il n'est pas grammaticalement impossible de bouleverser l'ordre syntaxique dans le kashmiri parlé, cependant le kashmiri poétique et épigrammatique fait un usage fréquent des tournures du type "a mangé elle" ou "serpent a tué elle". Voici une translittération du Vakh 5. Le kashmiri est une langue à conjugaison, la terminaison du verbe renvoie au pronom.

    "Suis venue [je] en ce lieu suivant un chemin ; d'ici suis allée
    [je] errant sur des tertres impraticables. À côté du
    quai, ma journée s'est finie. [Dans ma] poche [j'] ai cherché
    un cauri, n'ai rien trouvé. Que puis [je] payer pour mon passage ?

    Les poètes qui ont succédé à Lalleshvari, Arinya Mal et Habba Khatun ont écrit une poésie amoureuse triste et très imagée. Habba Khatun était la femme d'un roi déporté du Kashmir, obligé de vivre en exil dans le lointain Bihar quand l'empereur Akbar a pour la première fois annexé le Kashmir à son empire qui s'étendait sur le centre de l'Inde. Sur la vie d'Arinya Mal et sa poésie on trouvera un excellent essai sur site  de la Kashmiri Overseas Association ; il a été écrit par le Professeur Jaikishori Pandit. Même si je suis plus familière de la poésie féminine du Kashmir, et en ai peut-être été inconsciemment influencée, je dois dire que dans la période moderne il y a euaussi   des poètes masculins remarquables, comme le Maître Zinda Kaul, Gulam Ahmed Mahjoor, Abdul Ahad Azad, Dinanath Nadim et bien d'autres.

    Le Kashmir constitue peut-être un cas unique en ceci que les femmes poètes ont dominé le paysage littéraire au cours des premiers siècles (à partir du XVème), tandis que ce sont les poètes masculins, es auteurs de nouvelles, les dramaturges et les humoristes qui ont dominé depuis les années 1900. On doit garder à l'esprit que dans la région de Kashmir la production littéraire antérieure aux XIVème-XVème s. était en sanskrit. On y trouve une brillante tradition de poésie et de littérature, d'historiographie, de mythologie, de métaphysique, de philosophie et d'esthétique avec laquelle aucune région du sous-continent indien ne peut rivaliser. Dans son Etude linguistique de l'Inde, George Grierson consacre une partie à la littérature kashmirie rédigée en langue kashmirie. Il considère la production littéraire en langue kashmirie comme réduite comparativement aux littératures des autres langues régionales. Cependant, il dit bien que la valeur esthétique de la littérature et de la poésie kashmiries est remarquable.
    Dans son recueil de textes représentatifs de la littérature et de la poésie kashmiries traduits en hindi, publié en 1973, le professeur Shiban Krishan Raina se réfère à la déclaration de Grierson et prétend que la production littéraire au XXème siècle a été quantitativement significative. En même temps, il est surprenant que le recueil proposé par Raina en 1973 contienne seulement un auteur féminin, Taj Begum Reenzu - auteur de nouvelles qui fut à la tête de nombreux mouvements féminins de conscience culturelle au Kashmir. Le contraste avec d'autres régions est clair. Les anthologies de littérature du XXème s., pour de nombreuses de régions du monde européen (ou d'autres régions de l'Inde) montreront un plus grand nombre d'auteurs femmes, tandis que les anthologies de périodes précédentes en montreront un plus petit nombre. Au contraire, la littérature kashmirie des périodes précédentes est dominée par des femmes de lettres, tandis qu'un recueil compilé en 1973 présente seulement un auteur féminin.
    Dans des périodes plus récentes, particulièrement depuis l'expulsion des hindous du Kashmir, on peut entendre des voix de femmes, particulièrement en hindi, en dogri et en anglais. Il est clair qu'une histoire systématique, complète et définitive de la littérature kashmirie en kashmiri (et en d'autres langues) reste à écrire.


  • IR : You yourself are a Kashmiri writer and poet, writing in English : what about your poetry ? Is English language able to express all what you wish to express ?
    Vous-mêmes êtes écrivain et poétesse kashmirie, et vous écrivez en anglais : que dire de votre poésie ? La langue anglaise vous permet-elle d'exprimer tout ce que vous souhaitez exprimer ?


    LP : My relation to Kashmiri language is limited to being able to converse in it. I was not taught to read and write in Kashmiri in grade school because at that time there was a dispute about what should be considered the official script, Arabic/Persian or Sharada. The latter had been a commonly used script before Islamic invasions and the dominance of Arabic/Persian culture and social power. Growing up in the post independence era, I learnt English, Hindi and sanskrit. I regret that I was not encouraged to learn Urdu, Arabic and Persian as well. Kashmiri is my mother tongue in the purest sense of it, the language in which I talk to my mother. Even in the homes of my siblings Kashmiri is not spoken any more. My two younger siblings have married non-Kashmiris. My two older siblings, though married to Kashmiris, have raised children in other parts of India. In their families also other languages are spoken.
       Two years ago, I did an oral  translation of two of my poems into Kashmiri, recorded them to send  to my mother. The poems turned out to be very pessimistic in Kashmiri, and I did not send them to my mother. In the process of translating them, however, I realized that those who have the privilege of receiving formal education in the language which they babbled in when they were babies are, indeed fortunate. As a poet and scholar, I am not so fortunate and can never reach such heights of masterly expression in poetry and expository prose in any language, including Kashmiri. This being the case, I will say that English is a nice language. I love it. I dream in it and have been intensely immersed in many centuries of its literature and poetry. To some extent, I believe that languages are each other's kin because they are languages; poets are each others' kin because they are poets.


    Ma relation à la langue kashmirie se limite à la conversation courante. On ne m'a pas appris à lire et écrire en kashmiri à l'école primaire, parce qu'à ce moment-là il y avait une controverse ce qui devait être considéré comme la graphie officielle : l'arabe/persan ou le sharada. Celui-ci avait été la graphie généralement employée avant les invasions islamiques et la domination culturelle et sociale arabo-persane. Ayant grandi dans la période qui a suivi l'indépendance, j'ai appris l'anglais, le hindi et le sanskrit. Je regrette que l'on ne m'ait pas encouragée à apprendre également l'urdu, l'arabe et le persan. Le kashmiri est ma langue maternelle au sens le plus strict, la langue dans laquelle je parle à ma mère. Même chez mes frères et soeurs, le kashmiri n'est plus employé désormais. Mes deux frère et soeur les plus jeunes ont épousé des non-Kashmiris. Les deux aînés, quoique mariés à des Kashmiris, ont élevé leurs enfants dans d'autres régions de l'Inde. Dans leurs familles aussi ce sont d'autres langues que l'on parle.
    Il y a deux ans, j'ai fait une traduction orale en kashmiri de deux de mes poèmes, je les ai enregistrés pour les envoyer à ma mère. Les poèmes se sont avérés être très pessimistes en kashmiri et je ne les ai finalement pas envoyés à ma mère. Tout en les traduisant, cependant, je me suis rendu compte que ceux qui ont le privilège d'avoir reçu une éducation dans la langue dans laquelle ils ont gazouillé leurs premiers mots de bébés, ont beaucoup de chance. En tant que poétesse et qu'intellectuelle, je n'ai pas cette chance et je ne peux en aucun cas atteindre des sommets de maîtrise dans la poésie ni dans la prose descriptive, et ce dans aucune langue, y compris le kashmiri. Les choses étant ainsi, je dirai que l'anglais est une langue agréable. Je l'aime. Je rêve en anglais et j'ai été profondément immergée dans les siècles de sa littérature et de sa poésie. Dans une certaine mesure, je crois que les langues sont proches les unes des autres, du fait même que ce sont des langues ; les poètes sont proches les uns des autres, du fait même qu'ils sont des poètes.


  • IR : In one of your poems ("Summer Rain") you write : "Rain in Wisconsin reminds / me of rain in Kashmir". This sounds like a very nostalgic feeling. Is nostalgy a key of your inspiration ?
    Dans un de vos poèmes vous écrivez : "La pluie au Wisconsin me / rappelle la pluie au Kashmir". On y sent une profonde nostalgie. La nostalgie est-elle une clé de votre inspiration ?


    LP : This question reminds me of Albert Camus' _The Plague_, or I should say a film based on it that I watched recently, where at one point, in very trying circumstances two characters talk about "nostalgie." In this highly suggestive reference, "nostalgie"  represents everything that defines itself against evil, horror and destruction (of life and human relationships). "Nostalgie" redeems what is redeemable under such circumstances. Yes, "nostalgie" is my inspiration. I began writing poems about Kashmir in response to the news (in 1995) that our ancestral house in Kulgam, South Kashmir, had been burnt down by the militants. It had been occupied in 1990 or 1989 ; my father's books had been burnt down and valuables had been looted. Yet, the house was still there and I had this hope that someday I will go and see it. When I heard it was burnt down, it was  a shock. After some time, I  wanted to write, to create, so as to preserve a connection to the past.

    Cette question me fait penser à La Peste, d'Albert Camus, ou plutôt une adaptation du livre au cinéma, que j'ai vue récemment : à un moment, dans des circonstances difficiles, deux personnages parlent de "nostalgie" (en français). Dans ce cas, particulièrement suggestif, la "nostalgie" représente tout qui se définit comme opposé au mal, à l'horreur et à la destruction (de la vie et des rapports humains). La "nostalgie" rachète ce qui peut l'être dans de telles circonstances. Oui, la "nostalgie" est ce qui m'inspire. J'ai commencé à écrire des poésies sur le Kashmir en réaction à la nouvelle qui (en 1995) m'apprenait que notre maison ancestrale à Kulgam, dans le Kashmir du Sud, avait été brûlée par les combattants. Elle avait déjà été investie
    en 1990 ou 1989 ; les livres de mon père avaient été détruits par les flammes, et les objets précieux avaient été pillés. Mais la maison était toujours là et j'avais cet espoir qu'un jour j'irais la voir. Quand j'ai appris son incendie, sa destruction, cela a été un choc. Après quelque temps, j'ai voulu écrire, créer, afin de préserver un lien avec le passé.

  • IR : You have been working about "Aesthetics, Colonialism and Culture" ; Reunion Island is a place where culture partially comes from a long colonial period, so it could be interesting to tell us about your works on this topic.
    Vous avez travaillé sur le thème "Esthétique, Colonialisme et Culture" ; La Réunion est une île dont la culture vient en partie d'une longue période coloniale, aussi il pourrait être intéressant de nous parler de vos travaux sur ce sujet.


    LP : "Aesthetics, Colonialism and Culture" is part of the title of a book Patrick and I edited. Its full title, given in answer to your first question is Literary India: Comparative Studies in Aesthetics, Colonialism and Culture (SUNY Press, 1995). It is a collection of essays primarily on ancient and classical Indic traditions. The purpose of the volume was to introduce readers to specific aspects of Indian aesthetics and culture. Quite often, academics and the general reading public in the West (and the East) forget that colonized cultures, nations and societies have had long traditions of literature and poetry, poetic theories, theories of culture, society and nation. They forget that these societies too have their canonical writers, their dominant theories and their internal dissension and dialectic. In other words, they too have had their intellectual traditions. Among those who write about the East, it is a habit to relegate all of the ancient, medieval and classical India to a timeless 'mysticism' and 'spiritualism' and deny India its own vibrant intellectual and aesthetic traditions. The Literary India volume was intended to make an intervention of a different kind. To a large extent, the book has had the impact it was intended to have. 

    Esthétique, Colonialisme et Culture constitue une partie du titre d'un livre que Patrick et moi avons publié. Son titre, complet donné dans la réponse à votre première question est L'Inde Littéraire : Études Comparatives dans l'Esthétique, le Colonialisme et la Culture (SUNY Press, 1995). C'est une compilation d'essais, principalement sur des traditions indiennes antiques et classiques. Le but du volume était de présenter aux lecteurs divers aspects spécifiques de l'esthétique et de la culture indiennes. Très souvent, les universitaires et le lecteur moyen en Occident (et en Orient) oublient que les cultures, les nations, les sociétés soumises à la colonisation, ont eu de longues traditions littéraires et poétiques, des théories poétiques, des théories sur la culture, sur la société et sur la nation. Ils oublient que ces sociétés ont aussi leurs auteurs canoniques, leurs théories dominantes, leurs dissensions internes et leur dialectique. Autrement dit, elles ont eu elles aussi leurs traditions intellectuelles. Chez ceux qui écrivent sur l'Orient, l'habitude est de confiner toute l'Inde antique, médiévale et classique à un "mysticisme" et un "spiritualisme" éternels, et de refuser à  l'Inde ses propres traditions intellectuelles et esthétiques, pourtant bien vivantes. Le livre de L'Inde Littéraire avait pour but de présenter les choses différemment. Le livre a, dans une large mesure, atteint le but que nous nous étions fixé.


  • IR : Another topic you have been working on is dramaturgy, and Shakespeare : what about Indian dramaturgy ? How does an Indian see Shakespeare and European theater ?
    Un autre sujet sur lequel vous avez travaillé est la dramaturgie, et notamment Shakespeare : que diriez-vous de la dramaturgie indienne ? Comment les Indiens perçoivent-ils Shakespeare et le théâtre européen ?


    LP : Drama and Dramaturgy flourished in India between fifth and eleventh centuries.  Bharatmuni's  Natya Shastra (treatise on dramaturgy) is still one of the world's best works on the art of theater. Foremost among sanskrit dramatists of the classical age are Kalidasa, Bhasa, and Bhavabhuti. I wrote a comparative study of  the tragi-comic form of Shakespeare's Winter's Tale and Bhavabhuti's Uttararamcharitam (The Later Story of Rama) for Literary India. It is clear  that Shakespeare shares many aspects of theatrical practice with sanskrit dramatists, though he did not know about them. A few of these are : a. derivation of plot lines from history and myth ; b. invention of the tragi-comic structure ; c. linking of the romantic comedy genre with reference to seasons, natural rhythms and young love ; d. introducing twelve to fourteen years long time gaps into the romance or tragi-comic structure ; e. organization of play texts around mirroring in scene structure. The last  is perhaps aesthetically  the most interesting feature, though not noticed in Shakespeare before. For instance, mirroring in scene structure as a dramatic pattern was identified in Shakespeare's Romeo and Juliet as recently as two years ago, in a piece published in the Shakespeare Newsletter.  A surprisingly similar pattern of mirroring in scene structure can be found in Kalidasa's and Bhavabhuti's plays, and sanskrit scholars have for centuries talked about this feature as a significant structural device that can superimpose themes  and motifs inexplicitly. In Shakespeare, as in Indian drama, it is perhaps the most significant technique that allows a play text  to set up contradictions between what is explicitly stated and what is unconsciously disclosed.  
           I do not know if many Indian readers and theater audiences can see the similarities in Indian theater and Shakespeare. Perhaps not. No doubt, Shakespeare was introduced to Indians within  the framework of a colonialist, imperialist education system. Also, Indians who are well versed in Shakespeare and other great writers of the Euro-American tradition tend not to be familiar with the Indic tradition. In my case, it is only because I majored in sanskrit and English that I  became involved with both traditions simultaneously.

       
        I would add that European theater has absorbed Indian influences over the long years of contact, and Indian theater has been influenced by European traditions. For instance, Goethe was profoundly influenced by Kalidasa's Shakuntala.  He uses a Kalidasa like prologue in his Faust, and his characterization of Gretchen is in part influenced by Kalidasa's characterization of Shakuntala. The entire structure of the play alludes to and in many ways rewrites (in a revisionist way) Kalidasa's famous play.  Rabindranath Tagore,  the major poet and playwright of the Bengali Renaissance, was influenced by both Kalidasa and Goethe. His own play, Chandalika, is shaped by echoes and allusions to the characters of Gretchen in Faust and Kalidasa's Shakuntala.  I think the world of literature, theater and culture is seamlessly circular. The famous Italian playwright, Pirandello, refers to the Indian aesthetic of rasadhvani in his Six Characters in Search of an Author, when he attributes a dominant emotion mode (as a mask) to each of his 'characters.'
            I do not think that there is a 'pure' Indian theater and a 'pure' European theater ; there is only theater. That does not mean there are no differences. Indian aesthetic theory of rasadhvani tended to foreground the role of emotion in theatrical representation. This is not unlike Aristotle's emphasis on the emotions of pity and fear in relation to catharsis as the aim of tragedy. Still,  European theater in general has tended to foreground ideas. That does not, however, mean that emotions are absent in European theater and ideas are absent in Indic theater. Contemporary Indian playwrights, such as Girish Karnad, incorporate both traditions.
        There is also street theater in India, and other kinds of popular theater traditions where we will find parallels not only with African theater, but also with medieval vernacular drama of England and France, for example. Many of these parallels can be considered in their most abstract form as theater universals, that is, commonalties in genetically unrelated traditions. Assuming there are theater universals does not mean all theater traditions are identical, just as assuming linguisitc universals does not mean all languages are the same. Languages, clearly are not identical, yet it is possible to translate what is said in one language into another. Similarly, it is possible for a viewer to translate what he/she encounters in European theater into what he/she is trained to do and see in Indian theater. There will always be gaps just as there are gaps between what we think and what we say, or what we feel and what we show. This knowledge does not stop us from saying and showing what cannot, in its absoluteness, be said or shown.


    Le théâtre et la dramaturgie se sont développés en Inde entre le Vème et le XIème siècles. Le Natya Shastra de Bharatmuni (traité sur la dramaturgie) reste un des meilleurs ouvrages au monde sur l'art du théâtre. Les plus importants dramaturges sanskrits de l'âge classique sont Kalidasa, Bhasa et Bhavabhuti. J'ai écrit une étude comparative sur la forme tragi-comique du Conte d'Hiver de Shakespeare et du Uttararamcharitam 'Suite de l'histoire de Rama) de Bhavabhuti  pour la revue L'Inde Littéraire. Il est clair que de nombreux points communs dans la pratique théâtrale rapprochent Shakespeare des dramaturges sanskrits, quoiqu'il ne les eût pas connus. Citons-en quelques-uns :
    a. L'inspiration historique ou mythologique dans la conception des intrigues ;
    b. L'invention de la structure tragi-comique ;
    c. Le lien établi entre le genre de la comédie romantique et ce qui concerne les saisons, les rythmes naturels et les amours de jeunesse ;
    d. La présence de longs intervalles de douze à quatorze années dans la structure romanesque ou tragi-comique ;
    e. Le recours aux jeux de miroirs dans la structuration des textes théâtraux et des mises en scène.
    Ce dernier point est peut-être esthétiquement la particularité la plus intéressante, encore qu'on ne l'ait pas relevé auparavant chez Shakespeare. Par exemple, il y a seulement deux ans, dans un article de la Shakespeare Newsletter,  que l'on a identifié ce jeu de miroir dans la construction dramaturgique de Roméo et Juliette de Shakespeare comme un de ses motifs dramatiques. Un motif étonnamment semblable de jeux de miroirs dans la construction dramaturgique se retrouve dans des pièces de Kalidasa et Bhavabhuti, et cela fait des siècles que les erudits sanskrits ont parlé de cette particularité comme d'un élément structurel significatif qui permet une superposition inexplicite des thèmes et des motifs. Chez Shakespeare, comme dans le théâtre indien, c'est peut-être la technique la plus significative qui permette à un texte de théâtre de résoudre les contradictions entre ce qui est explicitement exposé et ce qui est inconsciemment révélé.
    Je ne sais pas si beaucoup de lecteurs indiens et de spectateurs de théâtre voient les ressemblances entre le théâtre indien et Shakespeare. Il n'y en a peut-être pas beaucoup. Sans doute Shakespeare a-t-il été présenté aux Indiens dans le cadre d'un système éducatif colonialiste et impérialiste. De plus, les Indiens qui connaissent bien Shakespeare et les autres grands auteurs de la tradition euro-américaine ont tendance à ne pas être familiers avec la tradition indienne. Dans mon cas, c'est seulement parce que je me suis spécialisée en sanskrit et en anglais que je me suis intéressée aux deux traditions simultanément.
    J'ajouterai que le théâtre européen a assimilé des influences indiennes au cours des longues années de contact, et le théâtre indien a été sous l'influence des traditions européennes. Par exemple, Goethe a été profondément influencé par la Shakuntala de Kalidasa. Il emploie dans son Faust un prologue comparable à ce que l'on a chez Kalidasa et la conception de son personnage de Gretchen est en partie influencée la conception du personnage de Shakuntala chez Kalidasa. La structure entière de la pièce est un écho de la fameuse pièce de Kalidasa et elle en constitue par bien des aspects une réécriture (de façon revisitée). Rabindranath Tagore, le plus grand poète et le dramaturge de la Renaissance bengalie, a été influencé tant par Kalidasa que par Goethe. Sa pièce Chandalika est nourrie d'échos et d'allusions aux personnages de Gretchen dans Faust et à la Shakuntala de Kalidasa . Je pense ue le monde de littérature, du théâtre et de la culture est parfaitement circulaire. Le célèbre dramaturge italien, Pirandello, rappelle l'esthétique indienne du rasadhvani, dans sa pièce Six personnages en quête d'auteur, quand il attribue un type d'émotion dominant (comme un masque) à chacun de ses "personnages".

    Je ne pense pas qu'il y ait un théâtre indien "pur" et un théâtre européen "pur" ; il y a seulement le théâtre. Cela ne signifie pas qu'il n'y a aucune différence. La théorie esthétique indienne du rasadhvani a eu tendance à mettre au premier plan le rôle de l'émotion dans la représentation théâtrale. Cela rappelle tout à fait l'insistance d'Aristote sur les émotions de pitié et la terreur comme éléments essentiels de la catharsis qui constitue le but de la tragédie. Cependant, le théâtre européen a en général eu tendance à placer les idées au premier plan. Cela ne signifie pas toutefois que les émotions sont absentes du théâtre européen ni que les idées sont absentes du théâtre indien. Des dramaturges indiens contemporains, comme Girish Karnad, associent les deux traditions.

    Il existe aussi en Inde un théâtre de la rue, ainsi que d'autres sortes de traditions de théâtre populaire où nous trouverons des parallèles non seulement avec le théâtre africain, mais aussi avec le théâtre médiéval en langue vernaculaire de l'Angleterre et de la France, par exemple. On peut considérer beaucoup de ces parallèles, sous leur forme la plus abstraite, comme des universaux du   théâtre, c'est-à-dire des points communs entre les traditions de peuples pourtant sans parentée génétique. Admettre qu'ils constituent des universaux du théâtre ne signifie pas que toutes les traditions théâtrales sont identiques, tout comme le fait d'admettre des universaux linguistiques ne signifie pas que toutes les langues sont les mêmes. Il est évident que les langues ne sont pas identiques, pourtant il est possible de traduire ce qui est dit en une langue dans un autre. De la même façon il est possible pour un spectateur de traduire ce qu'il/elle trouve dans le théâtre européen dans ce qu'il/elle est habitué à faire et à voir dans le théâtre indien. Il y aura toujours un décalage, de même qu'il y en a entre ce que nous pensons et ce que nous disons, ou ce que nous sentons et ce que nous montrons. Le fait de le savoir ne nous empêche pas de dire et montrer ce qui ne peut pas, dans son absolu, être dit ou montré.

  • IR : Something quite different now : what would you like to say about the conflict between India and Pakistan because of Kashmir ?
    Tout à fait autre chose à présent : qu'aimeriez-vous dire sur le conflit entre l'Inde et le Pakistan, dû au problème du Kashmir ?


    LP :
    I think the conflict between India and Pakistan is not because of Kashmir ; rather, Kashmir is embroiled in a generic conflict between Pakistan and India. Pakistan also has a Kashmir. It is not as if  in 1947 India suddenly gobbled up all of Kashmir.  Besides,  how can we forget that the mighty emperor Akbar himself annexed Kashmir, the valley and all, to his empire in central India.  It was not independent India's first government after 1947 that did this for the first time. Kashmir had for centuries been a part of India. None of the "princely states" during the British Raj (Kashmir was one such) can ever be thought of as not a part of India. With the splitting of Pakistan from India, Kashmir also split into two: Indian Kashmir and Pakistani Kashmir. None of the splits, of Bengal, Gujrat, Panjab, was a perfect split ; this was not either.  The first split of Pakistan from India should not have occurred at that time, in that way. One ought to pay attention to the implication of the name of Pakistan. It is Puristan, the land of the Pure, for the Pure and by the Pure. Once a country like that has been carved out of India, who can expect the politics of the two nations, one that is intended for everyone, that is meant to be pluralistic, secular and democratic,  the other that is intended for the elect and that is a virtual theocracy -- who can expect these two neighbors to have NO conflicts?
           In the present context, it would be more correct to say that turning Kashmir into an "issue" has served successive governments in Pakistan very well in formulating issue based electoral politics, though a "single issue" based electoral politics. It has allowed the political parties to avoid other issues, such as the rights of the muhajirs (those who fled to Pakistan in 1947), the Kashmiris (living in Pakistan's side of Kashmir, people who did not and most likely still do not have the right to vote in national elections),  the Hindu minority in Pakistan that has dwindled to nothing in half a century of discrimination, oppression and genocide.
           India is not faultless either ; it is fast becoming a mirror image of its neighbor. As a secular, pluralist democracy, India ought to have been able to resolve conflicts through dialogue, tough, fair and honest negotiations with the Kashmiri leadership as well as with Pakistan. India should not have had to send its armies into its own courtyard to fight covert armies of other nations that are not interested in what is good for the people of Kashmir. India should have never been coerced into adopting an apologetic stance ; India should have acted and not simply reacted to events.


    Je pense que le conflit entre l'Inde et le Pakistan n'est pas dû au Kashmir ; disons plutôt que le Kashmir est impliqué dans un conflit plus général entre le Pakistan et l'Inde. Le Pakistan a aussi un Kashmir. Ce n'est pas comme si, en 1947, l'Inde avait soudainement accaparé tout le Kashmir. En plus, comment peut-on oublier que le puissant empereur Akbar lui-même annexa le Kashmir - vallée et tout le reste - à son empire qui s'étendait sur l'Inde centrale. Ce n'est donc pas le premier gouvernement de l'Inde indépendante en 1947 qui l'a fait pour la première fois. Le Kashmir a, pendant des siècles fait partie de l'Inde. Aucun des "états princiers" (le Kashmir en était un) de l'époque du Raj britannique ne peut être considéré comme ne faisant pas partie de l'Inde. Avec la partition Pakistan-Inde, le Kashmir a aussi été divisé en deux : Kashmir indien et Kashmir pakistanais. Aucune des partitions, du Bengale, du Gujarat, du Panjab, n'a été une partition parfaite ; ce fut la même chose pour le Kashmir. La première partition séparant le Pakistan de l'Inde n'aurait pas dû se faire à ce moment-là, et de cette façon. Il faut être attentif à l'implication du nom du Pakistan. Il s'agit du Puristan, la terre des Purs, pour les Purs et par les Pur. Dès lors qu'un tel pays a été "prélevé" de l'Inde, qui peut s'attendre à ce que la politique de ces deux nations, l'une faite pour tous, conçue comme pluraliste, laïque et démocratique, l'autre faite pour un peuple élu et constituant de fait une théocratie - qui peut s'attendre à ce que ces deux voisins n'aient AUCUN conflit ?
    Dans le contexte présent, il serait plus correct de dire que le fait de présenter le Kashmir comme un "problème" a beaucoup servi les gouvernements successifs du Pakistan dans la mise au point d'une politique électorale basée sur la notion de problème... en fait du seul "problème" constitué par le Kashmir. Cela a permis aux partis politiques d'éluder d'autres problèmes, tels que les droits des muhajirs (ceux qui se sont enfuis au Pakistan en 1947), des Kashmiris (vivant du côté pakistanais du Kashmir ; des gens qui n'avaient pas et très probablement n'ont toujours pas le droit de voter lors des élections nationales), de la minorité hindoue au Pakistan qui s'est réduite à rien après un demi-siècle de discrimination, d'oppression et de génocide.
    L'Inde n'est pas irréprochable non plus ; elle devient bien vite une image inversée de son voisin. En tant que démocratie laïque et pluraliste, l'Inde aurait dû être capable de résoudre les conflits par le dialogue, des négociations serrées, justes et honnêtes avec les dirigeants kashmiris aussi bien qu'avec le Pakistan. L'Inde n'aurait pas dû avoir à envoyer ses armées sur son propre territoire pour affronter les armées secrètes d'autres nations qui ne se préoccupent pas de ce qui est bon pour les habitants de Kashmir. L'Inde n'aurait jamais dû être contrainte à se placer dans la situation de celui qui doit des excuses ; l'Inde aurait dû agir plutôt que de seulement réagir aux événements.


  • IR : Do you know anything about Reunion Island and the Indian community there ?
    Savez-vous quoi que de soit sur l'île de la Réunion et sur la communauté indienne qui y vit ?


    LP : On this I am going to disappoint you. I do not know much about Reunion Island except a few facts. It is an "overseas department" of France. Its old name was Bourbon Island ; its short name is Reunion. Poetically speaking, that is a suggestive name. It is an island in the Indian ocean, east of Madagascar. The Portuguese discovered it, as they discovered everything else in that area. It is home to a live volcano, welcomes cyclones with equanimity between December and April. Bastille Day is its national holiday ; that speaks well for it. Reunion Island is the size of Rhode Island, rugged mountains and a lush valley (may be I am making up the latter). While the dominant culture is French, the island is inhabited by an ethnic mix of people. I do not know anything about the Indian community there, only that the people who emigrated to the island are mostly from the Malabar region.

    Sur ce sujet je vais vous décevoir. Je ne sais pas beaucoup de choses sur l'Île de la Réunion en dehors de quelques faits. C'est un "Département d'Outre-Mer" de la France. Son ancien nom était l'Île Bourbon ; son nom abrégé est la Réunion. Poétiquement parlant, c'est un nom suggestif. C'est une île à l'Océan Indien, à l'est de Madagascar. Les portugais l'ont découverte, comme ils ont découvert tout le reste dans cette région. On y trouve à un volcan en activité, des cyclones la frappent entre décembre et avril. Le Jour de la Bastille est la fête nationale ; cela en dit long. L'Île de la Réunion est de la taille de l'Etat du Rhode Island, avec des montagnes accidentées et une vallée luxuriante (peut être n'est-ce que ce que j'imagine). Alors que la culture dominante est française, l'île est peuplée par un mélange ethnique. Je ne sais rien de la communauté indienne qui y réside, seulement que les gens qui ont émigré dans l'île sont surtout de la région du Malabar.

 

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