Milena Salvini :

" Tout au long de ses trente-cinq années d'activités, le Mandapa a contribué à initier tout un public aux traditions de la musique de l'Inde"

      
  

   A l'approche d'une des plus importantes manifestations musicales indiennes de cette rentrée 2010 en France - les Nuits Carnatiques - Milena Salvini, directrice artistique de l'opération, mais aussi responsable du très actif Centre Mandapa à Paris, répond à nos questions.


Interview  -  Site Internet  -  Les Nuits Carnatiques


Interview

  • IR : Milena Salvini, pourriez-vous vous présenter d'abord à nos visiteurs ?

MS : Ma formation artistique de base (études d'écriture musicale au Conservatoire National Supérieur - danse classique - pantomime), a très tôt orienté mes goûts et aspirations vers un éclectisme extra-européen. Dans les années 60, l'obtention de la bourse d'études Indo-française me permit de séjourner deux ans en Inde pour l'étude des danses traditionnelles. Danse et Musique sont, en Inde, intimement liées depuis leurs origines - l'apprentissage de la danse sous-entend une totale immersion dans l'univers musical. J'effectuai par la suite des séjours réguliers en Inde dans le cadre de différentes missions d'études et recherches - pour l'Unesco, le Ministère de la Culture ou des Affaires Etrangères. Depuis les années 60, l'Inde est devenue pour nous une référence, tant artistique qu'affective.

  • IR : Quand, où et comment le Centre Mandapa est-il né ?

MS : Le Mandapa a été créé en octobre novembre 1975 (par mon mari Roger Filipuzzi, et moi-même) suite à la recherche d'un lieu me permettant de donner des cours de danse indienne (de Kathakali). Après une année de travaux, nous avons pu ouvrir notre petit auditorium à l'accueil de danseurs et de musiciens, ainsi qu'à de petites formations orchestrales. L'Inde est demeurée ancrée dans nos fondations, qu'il s'agisse de l'enseignement ou de la programmation de nos soirées, mais nous avons très vite élargi notre panorama culturel. Sans restrictions ni limitations ethniques, le Mandapa a accueilli des ensembles musicaux de tous horizons durant les trente-cinq années de nos activités jusqu'à ce jour.

  • IR : Quels en sont les objectifs et la "philosophie" ?

MS : Ouvrir le Mandapa aux spectacles traditionnels du monde entier a toujours été notre cheval de bataille (si l'on peut dire), notre but. L'Inde, par ses multiples ramifications culturelles avec le Moyen-Orient, l'Asie, les pays d'Afrique et l'Europe de l'Est, permettait une programmation en faisceau à partir de ses sources instrumentales, vocales, chorégraphiques, mythologiques, et autres, témoignant de rencontres dans l'histoire et de liens, voire de fusions. Développer une programmation diversifiée, tout en restant ancrés à nos fondations, est et reste notre objectif tout en demeurant attentifs à l'attente du public. L'exigüité de notre espace a été un facteur déterminant de nos choix, renforcés d'exigences sur sa qualité acoustique qui permet d'offrir des concerts sans sonorisation. Nous avons essayé de faire de nos limites un atout : la proximité de l'artiste et du public devenant une invitation à une relation exempte d'artifices.
   Tout au long de ses trente-cinq années d'activités, le Mandapa a contribué à initier tout un public aux traditions de la musique de l'Inde, de façon modeste dans les limites de son espace, mais de façon plus grandiose en des lieux plus vastes et ouverts à des aventures musicales "hors normes". La dernière en date, en 2006, dans le cadre du Théâtre du Soleil, était une succession de Nocturnes consacrés à des représentations traditionnelles de Théâtre-dansé Kathakali. La Musique de l'Inde est devenue de plus en plus familière aux mélomanes français qui l'apprécient en véritables connaisseurs. Cela m'a été confirmé ces dernières années par certains de nos habitués qui ont eu l'occasion de faire la différence avec l'accueil réservé à de grands musiciens indiens dans d'autres pays d'Europe...

  • IR :  Et en quoi vont consister les Nuits Carnatiques, fin octobre et début novembre ?

MS : Le cycle de concerts les Nuits Carnatiques réservé à l'Inde du sud du 31 octobre au 2 novembre 2010, s'inscrit dans nos opérations hors normes qui tendent à éveiller la sensibilité et la sensitivité du public à une autre approche de la musique, c'est à dire, à briser les limites conventionnelles de nos concerts pour entrer dans un autre univers d'écoute et de réceptivité. Les Nuits Carnatiques se composent d'un concert Nocturne de seize heures environ et de deux Veillées de six heures chacune. Le dernier événement organisé dans ce même esprit s'était déjà déroulé au Théâtre du Soleil, sur plus de vingt-quatre heures consécutives, pour célébrer le passage à l'An 2000. Il était alors consacré à la musique hindoustani. Nous souhaitions organiser un événement d'une importance au moins équivalente sur les traditions musicales du sud, moins connues en Europe.


Le violoniste Lalgudi G. J. R. Krishnan

  • IR : Qui en seront les invités "vedettes" ?

MS : Nous avons invité pour cet événement vingt-quatre musiciens qui viendront spécialement de la région tamoule. La plupart sont des vedettes et ont voyagé internationalement. Quelques-uns, toutefois, se produiront pour la première fois à Paris. Je citerai, en particulier, le duo vocal Ranjani et Gayatri, deux sœurs considérées comme des stars de la nouvelle génération, et le joueur de nadasvaram, instrument proche du hautbois traditionnellement associé aux cérémonies rituelles : Injikudi, par sa virtuosité et sa personnalité, en a fait un instrument de soliste à part entière. L'artiste et l'instrument seront pour nous une révélation. Le grand flûtiste Ramani n'est plus une découverte pour les Parisiens, mais son grand âge et ses très rares déplacements hors de l'Inde contribuent à faire de ses prestations des moments privilégiés. Les solistes seront accompagnés par une pléiade de percussionnistes virtuoses qui déploieront les principaux instruments du sud : une étourdissante variété de sonorités et de rythmes en perspective !


Les chanteuses Ranjani et Gayatri

  • IR : Pouvez-vous rappeler quelques-unes des spécificités de la musique carnatique, en particulier comparativement à la musique hindoustani ?

MS : Outre l'expression structurée et abstraite du Râga que l'on peut comparer aux techniques savantes de la musique hindoustani, le style carnatique fait une large place aux œuvres "composées" et laissées en héritage par les grands musiciens qui, du XVIe au XVIIIe siècle, firent de cette période un Age d'Or. Un immense répertoire de poésies lyriques, sommets de l'émotion dans la dévotion, offre aux chanteurs et instrumentistes d'infinies possibilités d'expression et d'improvisation. La musique carnatique se caractérise également par la variété d'instruments à percussion qui entourent le soliste et apportent, par les complexités rythmiques qui surgissent de ces rencontres, une dynamique créative et communicative.

  • IR : A quel public vous adressez-vous plus spécifiquement ? Un public d'initiés, ou un public plus large ?

MS : Ces concerts s'adressent à un public le plus large possible et de tous âges. Pour ceux qui souhaitent entrer plus profondément dans la technicité de cette musique, trois Rencontres sont organisées autour des thèmes suivants : Les Percussions - La Voix - Les Cordes, en présence des musiciens invités, et animées par un expert en la matière. Des échanges seront ouverts aux questions, analyses et débats.

  • IR : Encore un mot peut-être pour inciter nos lecteurs à se rendre à ces manifestations... et peut-être à fréquenter régulièrement le Centre Mandapa ?

MS : L'organisation de ces Nuits Carnatiques a été le fruit d'un long travail... Le choix des musiciens a été minutieusement réfléchi et préparé en portant une grande attention aux associations des solistes avec leurs accompagnateurs de prédilection. Les solistes se produiront à deux reprises : durant le concert Nocturne et durant les Veillées, mais avec des compositions orchestrales différentes offrant ainsi différentes palettes d'expression, de jeu, de coloration.
   Ces Nuits Carnatiques sont une expérience unique de découvertes, d'émotions musicales, riches de dépaysement sonore et de créativité.
   Plus modestement, le Centre Mandapa propose chaque année, dans sa petite salle, une centaine de concerts de Musiques du Monde. Nous sommes loin ici de l'espace grandiose du Théâtre du Soleil ! Mais la vocation du Mandapa est d'offrir un tremplin à des musiciens encore peu connus et apportant le témoignage fidèle de leur culture. Dans notre programmation, nous essayons de nous renouveler dans nos choix, d'accueillir des expériences nouvelles à partir de ces cultures, de leurs rencontres et fusions, et de rester à l'écoute des chercheurs d'aujourd'hui tout en respectant l'authenticité des traditions mères.

  • IR : Pour terminer, pouvez-vous nous dire quels sont les grands et petits projets du Centre pour l'avenir ?

MS : Le Mandapa aborde ici la 36è année de ses activités...
   Pour l'avenir, nos principaux projets s'inscrivent dans la continuité d'une dynamique maintenue et vers l'élargissement de nos moyens de communication et d'échanges. Une ouverture plus large est faite au Jeune Public par des spectacles éducatifs soigneusement choisis et un programme d'ateliers de sensibilisation aux Musiques du Monde, à leurs techniques vocales et instrumentales, et à leur écoute...
   Pour l'instant, il n'est pas encore envisagé, pour l'avenir, de nouvel événement majeur comme les Nuits Carnatiques. Laissons passer celui-là !

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Site Internet

 
       

   Pour en savoir davantage sur les activités régulières du Centre Mandapa et pour vous tenir informés des manifestations plus ponctuelles qu'il organise, quoi de plus efficace que le site du Centre ? Vous trouverez notamment tout ce qui concerne les cours (de Bharata Natyam et de Kathak) dispensés au Centre, les spectacles pour jeune public et toute autre information utile.
   Le site officiel du Centre Mandapa se trouve à cette adresse : http://www.centre-mandapa.fr

    

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Les Nuits Carnatiques

   Dimanche 31 octobre 2010 à 19h30
Nocturne jusqu’aux environs de 11h le lendemain matin
Lundi 1er novembre 2010 à 18h 
Ragas du Soir
Mardi 2 novembre 2010 à 18h
De Karuna à Moksha
Veillées jusqu’aux environs de 1h du matin
   Rencontres et démonstrations
Les percussions, lundi 1er novembre 2010 de 14h à 17h
La voix, mardi 2 novembre 2010 de 10h à 13h
Les cordes, mardi 2 novembre de 14h à 17h

Prix des places : 
- Veillées : 35 euros (Individuels), 25 euros (Collectivités), 15 euros (étudiants moins de 26 ans et scolaires) 
- Nocturne : 50 euros (Individuels), 40 euros (Collectivités), 30 euros (étudiants moins de 26 ans et scolaires) 
- Rencontres et démonstrations : 5 euros (participation aux frais). Les rencontres sont gracieusement ouvertes aux étudiants, professeurs, musiciens et au spectateurs des concerts.

Vous pourrez vous restaurer sur place avant et après la représentation et lors des nombreux entractes. Le théâtre est ouvert au public une heure avant le début du spectacle. Les places n’étant pas numérotées, les spectateurs les choisissent dès leur arrivée. 
 

Location : 
- Centre Mandapa, par téléphone : 01 45 89 01 60 ou courrier électronique : mandapa@wanadoo.fr et centremandapa@yahoo.fr 
- Théâtre du Soleil, par téléphone : 01 43 74 24 08 
- et à la Fnac.

Avec
Sangeetha Kalanidi Dr N. RAMANI, flûte ; O.S. THYAGARAJAN, voix ; Injikkudi E.M. SUBRAMANIAM, nadasvaram ; RANJANI et GAYATRI, duo vocal ; B. SHIVAKUMAR, vîna ; Lalgudi G.R.J. KRISHNAN, violon ; Ragini CHANDERSHEKAR, danse Bharata Natyam
et
Smt Jamuna KRISHNAN, nattuvangam ; Sudha RAGURAMAN, voix ; D. SUNDERRAJAN, violon ; S.D. SRIDHAR, violon ;H.N. BHASKAR, violon ; Sylvie LECERF, flûte
et
J. VAIDHYANATHAN, mridangam ; S. THYAGARAJAN, mridangam ; M.A. EASWARAN, mridangam ; M.V. CHANDERSHEKAR, mridangam ; Delhi SAIRAM, mridangam ; U.N. Giridhar UDUPA, ghattam ; N. GURUPRASAD, ghattam ; B.S. PURUSHOTHAM, kanjîra ; Anirudh ATREYA, kanjîra ; T.G. KANNAN, morsing ; B. RAJASHEKAR, morsing
 

Sélection et programmation : Sylvie LECERF, Smt Jamuna KRISHNAN

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