Maya :

"L’harmonie de la sensualité et de la spiritualité est omniprésente en Inde"

      
  

   Dans l'univers de la danse indienne - univers d'une richesse incomparable - Maya tient une place particulière, de par son talent bien sûr, mais aussi de par la passion qui l'anime de faire partager la sensualité et la spiritualité d'un art ô combien transcendant. C'est à l'occasion de la publication de son livre Lumière de l'Inde du Sud, réalisé avec la photographe Dominique Guillemain d'Echon qu'elle répond ici à nos questions.


Interview  -  Le livre  Site Internet


Interview

  • IR : Maya, pouvez-vous tout d'abord vous présenter à nos visiteurs ?

Maya : Je suis un femme occidentale, de nationalité française, attirée depuis toute petite par la magie de l’Orient rencontrée au travers d’un livre illustré pour enfants de contes dits d’Orient.
   J’y ai découvert des princesses brunes, drapées dans des soieries colorées, représentées dans des patios en harmonie avec la nature, entourées d’oiseaux.
   J’étais fascinée par ces femmes qui incarnaient alors un idéal de beauté de par la paix qui se dégageait de leur relation avec leur environnement. Au-delà de l’histoire, l’harmonie de leur posture et la sérénité ambiante, une atmosphère paisible née d’un accord parfait entre le dedans et le dehors, m’impressionnaient et aussi cette relation à la nature notamment avec les animaux, les oiseaux, que je ressentais complices, messagers d’un monde où le partage était d’un autre ordre, une autre dimension possible.
   Voilà certainement le lien le plus profond avec cet ailleurs ici, en moi, perçu très jeune .
  Votre question me fait prendre conscience à quel point nous écrivons nos vies en en déroulant la trame intérieure puisque si j’ai à me présenter aujourd’hui c’est pour parler d’un livre où l’image est souveraine, magnifiant la relation du concret au subtil, du révélé au caché, du langage corporel à l’architecture et la musique, de l’un au multiple. Les princesses sont devenues danseuse, les oiseaux  éléphant, les patios temple.


©photos Dominique Guillemain d'Echon

  • IR : Au début de votre livre, vous revenez sur la genèse de votre vocation de danseuse : pouvez-vous en reprendre l'essentiel ?

Maya : Comme beaucoup de petites filles j’ai fait de la danse classique, mais ce qui me plaisait vraiment c’était de danser seule à la maison, en étant libre de raconter une histoire sur une musique que je choisissais, la liberté de m’exprimer en dehors d’un cours dans lequel je ne trouvais pas ma place.
   Adolescente un ami m’a fait découvrir la danse balinaise qu’il pratiquait, puis j’ai eu l’occasion d’aller voir un spectacle au Théâtre du Rond Point des Champs Elysées qui mettait en scène des épisodes du Ramayana avec la danseuse française Malavika et le danseur Kamadev...
   Ce fut un grand choc esthétique, nourri par une relation amicale avec une ancienne danseuse de l’Opéra Dynalix qui me percevait comme « une petite danseuse indienne « alors qu’à l'époque je ne dansais plus (sauf le Charleston pour le plaisir du rythme et le charme du costume).
   Depuis ce spectacle je n’ai eu de cesse d‘aller voir des récitals de Bharata Natyam, de me rapprocher des danseurs jusqu’à partir en Inde du Sud avec l’argent de ma première année d’exercice en libéral de kinésithérapeute .
   A mon retour j’ai débuté l’apprentissage du Bharata Natyam avec Malavika qui avait fait naître en moi « rasa » . J’ai été son élève pendant sept ans à Paris. Puis lors d’un voyage en Inde en 1998, avec mon mari, ce fut la rencontre incontournable avec Guru Kittappa Pillai à Tanjore, suite à l’achat d’une lampe à huile qui m’a menée jusqu’à lui.
   Après avoir passé la bourse gouvernementale de l’ICCR je suis retournée travailler auprès de lui jusqu’à sa mort, ai termine mon séjour d’une année à Tanjore en donnant mon arangetram et suis rentrée en France pour créer l’Association Thanjavur Héritage afin de sauvegarder et faire connaître la tradition de Tanjore en 2000 .
   En effet ma spécificité est d’avoir été la dernière disciple de ce grand maître en Inde du sud, qui s’était retiré de la vie active à cette époque, et d’avoir donc été marquée par son style lent et précis donnant la priorité à la musique et sur le plan de la danse à l’émergence des émotions.
   Aucune école en France ne s’inscrivait dans cette lignée et la tradition de Tanjore était oubliée du public au profit de Madras, devenue capitale du Bharata Natyam,  où tous les occidentaux allaient apprendre ce style. C’est en hommage à la mémoire de ce Grand Maître dont personne ne parlait plus en Occident que mon association s’est appelée Thanjavur Heritage.
   Mes voyages annuels à Tanjore pour continuer d’enregistrer des musiques, créer des spectacles, transmettre en France, la publication de notre livre Lumière de l’Inde du Sud, voyage dansé au cœur des temples, s’inscrivent dans cette filiation.


©photos Dominique Guillemain d'Echon

  • IR : Comment est né le projet de cet ouvrage ?

Maya : En février 2009 j’ai eu l’occasion d’ouvrir en tant que seule occidentale le grand festival de Natyanjali dans le temple le Chidambaram pour la Shiva Ratri (Nuit de Shiva).
   Cette étape importante dans mon parcours m’a incitée à faire venir ma photographe Dominique Guillemain d’Echon avec laquelle je travaille depuis vingt ans .
   Ensemble nous nous sommes coulées dans le rythme de la vie de l’Inde du sud en harmonie avec l’intériorité de ses habitants.
   Mon intégration sur place dans le milieu traditionnel, ma connaissance des sites et des coutumes, la discrétion et le professionnalisme de la photographe, l’histoire d’amour qui s’est tissée avec ce pays, doublée de notre amitié avec Dominique ont fait le reste. 
   Un état de grâce s’est produit à la vue du travail qu’elle m’a montré au retour de ce voyage d’exception. Nous avons mesuré que le guide éclairé de notre voyage était le Bharata Natyam et qu’il nous permettait de conter une Inde jamais dévoilée sous cet angle.
   Notre travail alors pas encore inscrit dans le projet d’un livre, permettait de refaire le voyage en reliant les deux facettes d’une même réalité, la vie et la danse...
   Les mudra répondent aux gestes quotidiens, les kolam se déploient devant les maisons, dans les salles des temples, sur le front de l'éléphante, une guirlande imaginaire naît des doigts de la danseuse pour prendre forme dans ceux du marchand de fleurs, le langage poétique de la danse vient éclairer la symbolique des temples, les sculptures deviennent postures vivantes.


©photos Dominique Guillemain d'Echon


©photos Dominique Guillemain d'Echon

  • IR : Avec qui et dans quelles circonstances l'avez-vous réalisé ?

Maya : Nous avons avec Dominique trié et sélectionné la masse de photos, les avons rassemblées par thématique en fonction du propos que nous voulions servir, choisi le nombre des grands chapitres : cinq pour Shiva le danseur cosmique et imaginé les développements en sous chapitres, donné le titre du livre.
   Les célèbres photographes Roland et Sabrina Michaud nous ont accueillies et après avoir consulté notre projet et donné des conseils avertis ont rédigé notre préface.
   J’ai écrit les textes, en écartant tous mots sanskrits ou spécialisés afin que le lecteur puisse s’approprier le voyage sans aucune connaissance préalable.
   C’est pourquoi ce livre n’est pas un traité pointu sur la danse, ni simplement un bel album photos. Il s’ouvre avec le Saint des Saints de Chidambaram pour, avec la danseuse comme guide :

1 Gouter la saveur du quotidien
2 Entrer dans la vie du temple
3 Vibrer au rythme de l’Inde
4 Trans-maître
5 Approcher l’au-delà des apparences

Tout comme une déambulation dans les temples nous allons du plus extérieur au plus intérieur, de la vie quotidienne à l’au-delà des apparences, de l’éphémère à l’éternel présent.
   A la suite d'un de mes récitals donné à Arras en mai 2009, les Editions Degeorge se sont engagées, séduites par les photos et l’originalité de la thématique, à imprimer un ouvrage dans le format de leur collection, imposant le visuel en deux images pour la couverture, la typographie et le découpage des chapitres.
   Nous avons donc eu le bonheur de pouvoir créer presque librement notre livre tout en ayant une impression et un objet de très belle qualité.


©photos Dominique Guillemain d'Echon


©photos Dominique Guillemain d'Echon

  • IR : Pouvez-vous expliquer, dans les grandes lignes, ce que le lecteur découvrira dans ce livre ?

Maya : Je pense avoir répondu partiellement dans les développements précédents, ensuite le lecteur y trouvera la route de son propre voyage, en reliant l’image au texte, le texte à ce qui résonne en lui.
   La lecture peut se faire chronologiquement au fil des chapitres ou au hasard des pages en faisant des arrêts sur image comme on se remplit de la beauté d’un paysage pour prendre le temps de vivre avec.
   J’espère ce que ce livre éveillera chez le lecteur, la contemplation, le renoncement aux clichés véhiculés facilement et rapidement sur l’Inde, la force vive transmise par les couleurs, mais aussi l’abandon du connu, l’acceptation de bouleverser les certitudes.


©photos Dominique Guillemain d'Echon

  • IR : Ce très beau livre semble mêler avec harmonie sensualité et spiritualité : est-ce ainsi que vous le ressentez vous-même ? Pouvez-vous nous en dire davantage ?

Maya : L’harmonie de la sensualité et de la spiritualité est omniprésente en Inde et une leçon de sagesse qu’elle clame avec force. On ne peut être intime avec l’Inde dans la sincérité d’une relation quotidienne sans approcher cette dimension avec toute la difficulté que cela peut déclencher pour un(e) occidental(e) de tradition chrétienne.
   Une fois encore l’art - et plus spécifiquement la danse - peut donner des pistes de compréhension même si je reste persuadée que la véritable réponse de comment spiritualité et sensualité peuvent s’incarner appartient au vécu personnel de chacun et n’est pas du domaine de l’explication verbale raisonnée.
   L’enseignement de la danse nous apprend humblement que ce qui procède du subtil surgit et s’impose à nous lorsque l’on est prêt, tout comme chaque question posée dans la vérité de son interrogation contient la réponse et chaque problème la solution.
   Ce qui unit la sensualité à la spiritualité est l’Amour, cet Amour dont Krishnamurti nous dit qu’il est la flamme sans la fumée.
   Il n’y a pas de sensualité ni de spiritualité sans don de soi.
   Danser sans don de soi n’existe pas.
   Cela procède de l’offrande du temps consacré pour s’approcher du modèle divin absolu enfoui dans la caverne de notre cœur, et le temps s’il est totalement donné c’est de l’amour,  tendu vers le meilleur de soi de cet autre nous-même.
   La flamme sans la fumée c'est-à-dire dans la pureté de ce qui est, dans l’acceptation d’un dépassement qui n’est pas construit et avec le temps n’est plus volontaire mais s’impose par la force de sa présence parce que soudain on ne s’appartient plus tout en étant totalement soi-même.
   Non pas comprendre mais perdre connaissance pour naître avec, avec notre réalité profonde, ce qui en nous n’a jamais cessé d’être.
   C’est en cela que l’art de la danse en Inde est un yoga et qu’il unit spiritualité et sensualité, car c’est la vie même comme le rappellent les sculptures des temples qui ont fait dire à certains que Dieu en Occident est Amour alors qu’en Inde il fait l’Amour.
   Au-delà des apparences de ces scènes extraverties sculptées dans les temples, du kama sutra dont le nom même unit un dieu (kama dieu de l’amour) à une forme de prière (sutra), c’est cette même notion du total dont de soi (pp. 104-105) que nous avons voulu exprimer, dans cette relation sensuelle toute en retenue offerte de l’ovale du visage de la danseuse en miroir avec l’ovale de feu du Nataraja de Tanjore, le sourire esquissé sur les lèvres entre ouvertes de la danseuse répondant aux lèvres rouges fermées et charnues de Shiva, unis dans la lumière, sous la forme fleurie de l’hibiscus rouge, lien donné et reçu, par le geste millénaire de l’offrande de fleur.


©photos Dominique Guillemain d'Echon

  • IR : Vous évoquez notamment votre expérience de Chidambaram : pouvez-vous nous parler de ce lieu si particulier pour une danseuse indienne, et du rapport qui s'y établit avec le dieu Shiva Nataraja ?

Maya : Chidambaram est un des haut lieu du Shivaïsme en Inde du Sud puisque la tradition rapporte que c’est en ce lieu exact que Nataraja créa sa danse ananda tandava en compagnie de son épouse Parvati alors que toutes les déités étaient présentes .
   Brahma aux cymbales, Krishna à la flute, Nandi le taureau véhicule de Shiva au mridangam , Sarasvati à la veena , les deva chantaient et nul ne pouvait résister à la puissance de la danse de Shiva et à la grâce fluide  de Parvati.
   C’est cette complémentarité parfaite entre l’aspect tandava et lasya exprimée par Shiva et sa parèdre Parvati qui confère au Bharata Natyam une telle harmonie. Tout danseur accompli développe l’énergie masculine et féminine jouant avec ces deux facettes afin d’éclairer cette dimension solaire et lunaire que l’on retrouve également dans le hatha yoga, avec la latéralité droite et gauche explorée lors de la pratique, unifiée par le souffle. Symboliquement les bijoux soleil et lune fixés à droite et à gauche dans la chevelure de la danseuse rappelle cette notion, et la relation cosmique de cette danse où les astres sont inclus et en correspondance avec le corps.
   A Chidambaram, Shiva est enchâssé dans le Saint des Saints au toit d’or sous la forme d’un lingam de cristal. Il règne dans ce haut lieu une ferveur incomparable. Des centaines de Brahmanes officient sans interruption, les puja ont lieu en présence d’une foule de dévots mêlée aux prêtres, en une marée humaine. L’identité de chacun est noyée, brassée et rassemblée en une houle où le corps s’élève par vague emporté par la vibration des tambours, la résonance  des cloches, les volutes d’encens, le tournoiement des candélabres où se consume le camphre lors de l’Ariti, offrande du feu . On est tout à la fois le feu, l’offrande, la sueur, l’encens, les fleurs, la vibration du son, l’observateur et l’observé, est-ce nous-même où Shiva dans ce Darshan où le regard est en fusion avec celui du roi de la danse ?
   Pour une danseuse de Bharata Natyam, là encore, la sensualité des sens saturés, en éveil, et la spiritualité par le don de la danse qui n’est plus distincte de Nataraja se fondent en un embrasement intérieur de joie. Les pieds nus captent la force chaude des dalles douces du mandapa. A l’entrée les murs des cent huit karana fascinent et éveillent la mémoire d’une danse sans âge où l’éphémère est éternel, par la ronde des cycles où la destruction est reconstruction, la mort naissance, la vie toujours présente.


©photos Dominique Guillemain d'Echon

  • IR : Vous ne vous contentez pas d'évoquer les temples et la danse dans l'ouvrage, vous semblez pénétrer en quelque sorte dans une certaine âme de l'Inde du Sud : que diriez-vous de cette âme ?

Maya : L’âme de l’Inde du sud danse et chante au rythme paisible de sa campagne, loin des villes vrombissantes comme Madras ou Madurai. C’est effectivement au contact de la vie rurale et de la tradition que cette âme se livre en toute beauté dans la simplicité du moment. C’est une partie de ce qui m’attache si fortement à Tanjore et aux personnes toutes simples que je côtoie pour ce qui est du milieu de la danse, à l’abri du vedettariat et du marché de la danse, qui comme le sport en occident peut tout fausser par le rapport à l’argent qu’il induit.
   Dans cette Inde du Sud, le paysan assis sur la meule de foin de sa charrette noue sur sa tête une serviette couleur de soleil comme le champs qu’il moissonne en arrière plan, les modestes maisons  au bord de la Kaveri ont la couleur bleutée de la gorge de Shiva, le petit tailleur a la noblesse du réalisé par la perfection de l’ouvrage, le marchand de thé vous désaltère de son sourire rayonnant, le maitre de danse voit bien au-delà de l’effort de l’élève et la porte de son regard vers la lumière de Chidambaram.


©photos Dominique Guillemain d'Echon

  • IR : Vous écrivez qu'en Inde, les questions restent le plus souvent sans réponses : quelles questions vous posez-vous aujourd'hui sur l'Inde ?

Maya : En effet, l’Inde m’a appris à accepter qu’il n’y avait pas toujours de réponse à tout, du moins pas sur le plan verbal, intellectuel, que la réponse est contenue dans notre acte de vie.
   Ma relation à l’Inde n’est pas celle d’une analyste curieuse sur le plan politique, économique ou social mais d’une femme occidentale en quête d’elle-même à travers ce que l’Inde traditionnelle exprime par le bharata natyam et le hatha yoga, me propose comme voie dans la connaissance de ce que je suis.
   L’Inde est une mère initiatrice en relation directe avec l’essence de ce que les Indiens nomment atman, en occident il m’est beaucoup plus difficile de me relier à cette réalité ou du moins c’est ce que mon destin m’a proposé comme chemin.
   Les questions que je me pose par rapport à l’Inde sont donc celles de ma quête personnelle, elle est alors un miroir contre lequel je peux me heurter, voir qui je suis ou à travers lequel je peux passer de l’autre coté des certitudes, des apparences, des formes figées dans ce processus d’éclatement de l’image qui se démultiplie pour nous ramener au centre, car on ne peut connaître l’un qu’après avoir exploré le multiple, les masques que peut revêtir tour à tour notre face cachée, c’est la raison du nom de Maya consciemment accepté.


©photos Dominique Guillemain d'Echon

  • IR : Vous écrivez aussi, à la fin du livre : "La danse, art de la nudité, magnifie l'amour comme voie d'accomplissement". Puis-je vous demander de vous soumettre à un petit exercice d'explication de texte sur cette phrase ?

Maya : La danse est l’art de la nudité parce qu’elle nous met à nu , expose et révèle ce que nous sommes intérieurement, elle est une forme de catharsis. L’intimité de l’être est livrée, seul l’amour peut arriver à transcender la vulnérabilité que cela implique, le don de soi sans réserve.
   C’est pourquoi l’amour est le thème central du répertoire de Bharata Natyam pour nous conduire à cet amour des autres, de l’autre nous-même qui émerge à travers toute la gamme des sentiments que l’amour  nous fait explorer.
   C’est en cela que cet art est merveilleux, immense par sa complétude, rien n’est laissé dans l’ombre, c’est véritablement un yoga.


©photos Dominique Guillemain d'Echon

  • IR : Pour élargir un peu nos propos, quel regard portez-vous sur la place de la danse indienne et, plus généralement, de la danse indienne, en France aujourd'hui ?

Maya : L’important est de définir ce que l’on nomme danse indienne.
   Si c’est le Bharata Natyam, en France comme en Inde il est n’est pas facile de se produire pour des raisons très différentes.
   Lorsque l’on est occidentale il est très difficile d’être acceptée en France alors que paradoxalement on est  plutôt bien accueillie en Inde.
   De plus le système de bourse qui permet d’aller travailler en Inde ne prépare pas du tout au retour. Apres avoir donné de sa vie pendant au minimum un an, trouver et faire sa place sur le plan de la scène est quasiment impossible. Les directeurs de théâtre n’en veulent pas et l’on découvre que la danse est très mal perçue sur les plateaux qui sont faits pour les acteurs et non pour les danseurs. La programmation dansée est très courte même pour les grandes compagnies qui doivent souvent tourner sur quelques jours avec plusieurs spectacles contrairement aux compagnies de théâtre qui peuvent rester à l’affiche quelques années avec la même pièce.
   Beaucoup de questions se posent par rapport au Bharata Natyam.
   Est-ce de la danse théâtralisée ou du théâtre dansé ?
   Comment s’en sortir avec le support musical chanté en langue tamoule ou sanskrite quand ce n’est pas du telugu ?
    Comment mettre à la portée du public ce répertoire de vocation religieuse en dehors du contexte de l’Inde ?
   Comment ne pas céder à la pression du public qui veut comprendre de façon très scolaire ce qui est dansé au risque de tuer la poésie ?
   Danser sans dire un mot et repartir manque de générosité et ne facilite pas l’émergence de rasa auprès du public qui veut saisir avec le mental. Prendre la parole en tant que danseur est considéré par certains comme un sacrilège et pas toujours techniquement réalisable.
   Quel que soit le respect de la tradition on ne danse pas en France comme on le fait en Inde car de toute façon l’Inde ne vibre pas autour, nous ne sommes pas dans le même rapport à l’espace, au temps, aux lumières, les musiciens sont remplacés par une bande son autant de difficultés qui renvoient à la créativité, la sincérité, et la ténacité de la danseuse de Bharata Natyam en France.
   Cela demande alors un autre travail, celui de l’intégration profonde, pour sortir cette danse du ghetto de la sacralité dans lequel on peut être tentée de l’enfermer, les Français n’ayant plus le sacré "naturel" et les artistes de Bharata Natyam françaises formées en Inde maintenant souvent cette situation comme une forme de pouvoir, celles qui on été initiées, disciples de... etc.
   La générosité fait partie du don de soi, de cette voie de l’amour dont nous avons longuement parlé.
   A mon sens c’est la seule piste pour rester vraie par rapport à cet art et le garder vivant précisément dans sa vérité.
   Le travail auprès des tout petits, dans les hôpitaux, les écoles, à la crèche, mes créations avec le peintre contemporain F Hisum ont été une de mes réponses à toutes ces questions.
   Danser en tant qu’auteur du livre pour le présenter est une expérience très riche qui m’a permis de trouver une autre forme pour aller avec cet art au contact du public.

   S'il s’agit de Bollywood, ce à quoi se résume bien souvent le vaste terme de danse indienne, ce n’est pas un style de danse mais une dérive de la comédie musicale développée dans les films.
   En Inde c’est un fait de société, un moyen très fort de libération des femmes. Vouloir le hisser au rang de "danse indienne" en France me parait illusoire et factice, quelques paillettes, déhanchés et œillades et le tour est joué, sur des musiques criardes, avec des costumes tenant d’un à peu près orientaliste et pour seule thématique l’argent et le mariage au sens de la promotion sociale réussie, ou de l’histoire d’amour contrariée aux rebondissements convenus. Nous sommes à mille lieues d’une voie de connaissance de soi, aux antipodes de l’intériorité et de la profondeur.
   En Inde la danse a toujours été présente dans les films mais c’étaient des artistes de Bharata Natyam qui faisaient du cinéma, avec tout ce que cela pouvait déjà sous entendre par rapport à la tradition pure. Maintenant ce sont des actrices et certains producteurs disent même que c’est la caméra qui bouge… L’engouement des Françaises pour Bollywood reste un grand mystère pour moi, et ne peut se comparer avec la sensualité spirituelle et le raffinement du Bharata Natyam.


©photos Dominique Guillemain d'Echon

  • IR : Quels sont à présent vos projets ?

Maya : Danser ma vie ici et maintenant, à l’écoute des propositions qui viennent à moi après avoir cette année énergiquement communiqué grâce à la promotion du livre.
   Continuer à développer ma transmission du yoga.
   Explorer le voyage… de l’intérieur.


©photos Dominique Guillemain d'Echon

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