Prithwindra Mukherjee :

Les racines intellectuelles du mouvement d'indépendance de l'Inde (1893-1918)
    

Extrait :

   Ballâla Séna, roi du Bengale au XIe siècle, est réputé avoir exigé des Brâhmanes « de caste » (kulina) les neuf attributs obligatoires suivants : fidélité aux rites révélés par les écritures (Védas), humilité, érudition, affirmation de sa connaissance, dévotion aux lieux saints (tîrtha), consécration à sa vocation, rayonnement de sérénité, force acquise par une ascèse personnelle, générosité. Parmi les dix-neuf Brâhmanes retenus par ce roi pour leur excellence, figuraient Utsâha et Bahurûpa, respectivement ancêtres paternel et maternel de Jatindra Nâth Mukherjee. Tous ces Brâhmanes étaient versés particulièrement dans le Sâman, le deuxième volet des Védas.

   Adonné aux études védiques, mais suffisamment instruit à l'anglaise, Umesh Chandra Mukhopâdhyâya, alias Mukherjee (1850-1884), père de Jatin, était conscient du sens des mutations de la société indienne. Jouissant d'une propriété familiale octroyée par le conseil de son village natal de Riskhâli, dans le district de Jhinâidah en Jessore (actuellement au Bangladesh), Umesh Chandra commandait, grâce à son courage, sa soif de justice et son érudition, le respect à la fois des habitants indigènes et des planteurs européens d'indigo de la région, déjà connus pour leurs agissements esclavagis­tes perpétrés contre les gens du pays. Adepte de la culture physique et de l'équitation, ce père avait transmis à Jatin deux passions : son souci pour le sort de ses compatriotes ainsi que son amour du cheval.

   SharatShashi Devi (1858-1899), mère de Jatin, était la petite-fille de Râma Sundar Chattopâdhyâya, alias Chatterjee (1794-1890), propriétaire terrien de Koyâ dans le district de Kushtia (également au Bangladesh aujourd'hui). Souverain d'une centaine de familles de pêcheurs guerriers et d'un bon nombre de familles de blanchisseurs, de barbiers, de potiers et de paysans, Râma Sundar faisait partie de ces rares zamindâr populaires dont la prospérité réjouissait ses propres sujets. Ami de Devendra Nâth Thâkur, alias Tagore, Râma Sundar avait eu l'occasion de mettre de l'ordre dans les propriétés de celui-ci au village voisin de Silâidâh, avec la complicité du puissant chef musulman Naimuddin du village Kâloâ, lors d'une révolte généralisée des sujets contre certains abus d'imposition. Redevable, Devendra Nâth avait confié pendant quelques années à Râma Sundar la gestion de ses biens de Cuttack en Orissa. À l'âge de soixante-seize ans, informé de l'indiscipline d'une poignée d'officiers anglais venus d'un campement voisin en état d'ivresse en plein milieu du village, Râma Sundar se rendit sur place et, s'emparant de quatre d'entre eux, les emmena jusqu'à sa cour. Ligotés, ils y restèrent jusqu'à ce que leur capitaine vînt s'excuser auprès des riverains et apaiser la colère du vieux patriarche. Son fils aîné, Madhusûdan Chatterjee, mourut avant le troisième âge, en 1875, laissant derrière lui deux filles (Sharat Shashi et Jayakâli) et cinq fils (Basanta Kumâr, Hémanta Kumâr, Durgâ Prasanna, Anâth Bandhu et Lalit Kumâr).

P. MUKHERJEE - Les racines intellectuelles du mouvement d'indépendance de l'Inde (1893-1918) - Deuxième partie : "Le penseur en action, Jatindra Nâth Mukherjee et la société bengalie" - I. "De la Goraï au gange"

 

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