Le Silapathikâram ou l’histoire de Kannagui


   On peut considérer que la littérature tamoule a de la chance de posséder le Tolkappiyam et les humanités de la période Sangam qui sont les précieux échantillons encore existants de cette masse d’œeuvres tamoules aujourd’hui disparues. « Tolkappiyar », qu’on situe généralement au 5ème siècle avant J.C., nous donne une somme de renseignements nous permettant de remonter aux sources de l’héritage tamoul. Il n’est pas exagéré de dire que les genres de littérature tamoule que nous rencontrons aux époques médiévale et moderne ont pour la plupart existé avant le Tolkappiyam.

Le Silapathikâram est considéré par beaucoup de spécialistes de l’histoire et de la littérature indienne comme le joyau de la littérature de l’époque Sangam. La littérature Sangam qui fleurit au Tamil Nadu, au sud de l’Inde, entre environ le 3ème et le 8ème siècle de notre ère, représente un recueil incomparable de littérature indienne. La majeure partie de la littérature Sangam est d’inspiration religieuse.

Le Silapathikâram est l’une des cinq grandes épopées écrites en langue tamoule. Ce chef-d’œeuvre fut écrit par Ilangovadigal, le fils d’un roi Chera, entre le 2ème et le 3ème siècle de notre ère.

Le Silapathikâram est résolument laïc car ouvert aux préceptes de l’hindouisme, du jaïnisme et du bouddhisme. Mais son thème central est entièrement prosaïque. Le Silapathikâram est l’histoire de l’autorité (adhikaram) qui découle de la justice, de la loyauté, de la droiture et du courage. C’est l’histoire de Kannagui, une femme extraordinaire qui incarna toutes ces vertus à la fois - c’est aussi, dans une moindre mesure, celle de Mâdhavi dont la réputation se situait bien au-delà de celle généralement associée à son rang social, celui de courtisane. Et, c’est l’histoire de Kôvalan qui passa allègrement d’une femme à l’autre avec la loyauté d’un papillon.

Kannagui et Kôvalan vécurent heureux jusqu’au moment où il rencontra la danseuse Mâdhavi. Kôvalan s’éprit de Mâdhavi et à mesure que le temps passait il en arrivait à oublier son épouse et son foyer. Kôvalan consacra tout son temps et tout son argent à Mâdhavi en raison de la fascination qu’elle exerçait sur lui et, petit à petit, c’est toute sa fortune qu’il dépensa pour cette danseuse. A la fin, quand il fut ruiné, il retourna chez son épouse. Kannagui comprit la situation financière de Kôvalan et elle lui proposa de vendre la paire de précieux anneaux afin de reconstituer ses biens. Kôvalan se rendit à Madhuraï en compagnie de son épouse et d’une sainte, Kounthiadigal, dans l’espoir de vendre les anneaux de cheville et de reconstituer ainsi leur fortune. Kounthiadigal poursuivit son voyage après s’être séparée de Kôvalan et de Kannagui à Puranjéry. Ils y firent la connaissance de Mâthari, une vachère qui les aida de nombreuses manières. Ils arrivèrent tous deux à Madhuraï où Kannagui confia l’un de ses anneaux incrustés de pierres précieuses à Kôvalan et lui demanda de le vendre afin de pouvoir débuter son nouveau métier de marchand. Entre temps, l’épouse du roi Pandhya avait perdu ses propres anneaux (Silambu) - les anneaux n’étaient en rien perdus car c’est le bijoutier de la cour qui avait subtilisé les bijoux de la reine. Au moment où Kôvalan se rendait au marché pour vendre l’anneau de Kannagui, le bijoutier escroc le vit et lui arracha l’anneau des mains. Le bijoutier apporta l’anneau de Kannagui au roi et l’informa de sa provenance. Le roi envoya des gardes arrêter Kôvalan qui fut accusé du vol des bijoux de la reine et exécuté sur ordre du roi. Quand la nouvelle parvint à Kannagui, celle-ci se rendit à la ville, les yeux enflammés de colère, brandissant dans une main l’anneau restant comme preuve de l’innocence de son mari. Elle brisa l’anneau incrusté de pierres précieuses afin que le roi se rendit compte de son erreur. Quand il apparut clairement au roi qu’il avait puni un innocent, il succomba sur le trône. La reine mourut aussi de la même manière. Kannagui réduisit Madhuraï en cendres en raison de l’injustice faite à son époux Kôvalan.

En plus de sa qualité littéraire incontestable, le Silapathikâram reste une source documentaire inépuisable quant aux coutumes de l’époque du Tamil Nadu et du Kerala. Cette version du Silapathikâram créée par Bharata Kalanjali (Australie) et Kalâ Bhaaskara (Reunion) met l’accent sur les trois aspects mentionnés plus haut de ce joyau de la littérature. Il s’agit tout d’abord des qualités morales des deux personnages féminins et de leur contraste avec celui de Kôvalan. Leurs personnages sont brodés dans la fine trame de la littérature Sangam et de l’émouvante et passionnante histoire culturelle de l’Inde du sud aux premiers siècles du premier millénaire.

  

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