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Indes réunionnaises
    

     ENTRE DANSE ET TRAVESTISSEMENT

   Tristan ROUQUET


     Réinventer la danse. Repenser l'art de mouvoir les corps sans présence féminine. Depuis le Cachemire jusqu'à l'Andhra Pradesh, des hommes se contorsionnent dans l'espoir d'atteindre la grâce de la femme. Transcender sexes et interdits à travers des danses comme le bacha nagma et le kuchipudi. C'est ce que proposait la Cité de la Musique le samedi 19 novembre dans la spectacle Inde : danses et travestissement.

   Le nord ouvre le bal avec Manzoor Shah & Party. Un ensemble chakri familial proposant un bacha nagma rythmé. Après une introduction musicale, on peut entendre le tempo s'alourdir. Les grelots résonnent. Le danseur Sadiq Ahmed Shah rejoint alors la scène. Les ghungroos enlacent ses mollets. Il bat la mesure avec ses pieds. Fait tourner la tête du public avec la sienne. Enchaîne les exercices de style avec brio et ce, jusqu'au final, lorsqu'il effectuera toute une chorégraphie avec un verre d'eau en équilibre sur son front. Néanmoins, la technique semble avoir pris le pas sur l’interprétation équivoque attendue. L'ambigüité du rôle paraît comme dépréciée au profit d'une performance. Plus danse que travestissement en somme...

   Au lever du rideau, la scène a changé. Les musiciens du Tamil Nadu se situent sur la gauche, laissant plus de place à la représentation de kuchipudi. L'ambiance est théâtrale. La présence d'un violon et d'une flûte murâli contraste avec la formation précédente. Les musiciens tressent une atmosphère suave. Une personne voilée fait son apparition... L'homme est vêtu comme une danseuse classique indienne. La transformation est totale.

   Très vite, les bases du thème de Bhama Kalapam sont posées. Le danseur incarne Satyabhama, une reine fière qui méprise son conjoint. Un des musiciens oscille entre le rôle d'acteur et de narrateur. Lorsqu'il joue, il est Krishna, un seigneur à la beauté ineffable qui sera offensé par Satyabhama. Le spectacle mêle à la fois l'art du théâtre et celui de la danse. Cependant, aucune traduction n'étant disponible, il est impossible d'évoquer les variations opérées sur le thème de Bhama Kalapam. Qu'importe... le travestissement et la barrière de la langue semblent ajouter une part de mystère à la représentation. Une sorte de flou. La salle paraît comme envoutée.

   Au final, la Cité de la Musique propose deux œuvres presque opposées. Tant par leur situation géographique que par leur façon d’aborder la thématique de la femme. Néanmoins, de ce contraste nait un certain équilibre entre technique et sensibilité. Entre danse et travestissement.

 © Tristan Rouquet, 2011

 

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