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Indes réunionnaises
    

     LE PUR ET L'IMPUR

   Patrice LOUAISEL


     Chacun connait l'importance de ce concept de pureté et d'impureté chez un hindou. Autant dans sa vie religieuse que dans sa vie familiale quotidienne, il doit prendre de multiples précautions par rapport aux grandes sources d'impureté : menstruation, naissance, mort... Il doit notamment veiller à sa nourriture, à la propreté de son corps et éviter certains contacts (cuir, cadavres...).

Ainsi, nos engagés indiens immigrés à la Réunion mangeaient souvent séparément et possédaient leurs propres couverts. Ils étaient aussi chargés de faire du fumier avec des animaux morts...

En Inde, tout le système des castes s'appuie sur ce concept du moins pur - l'intouchable - au plus pur - le brahmane. Ainsi, certaines tâches seront effectuées selon la caste à laquelle on appartient.
Ainsi, le barbier, le prêtre funéraire ou le batteur de tambours sont-ils chargés d'impureté. En effet, la peau du tambour, faite de cuir, de la peau d'un animal, est évidemment impure. Les intouchables sont par conséquent les principaux musiciens percussionnistes des orchestres villageois. Le cuisinier sera choisi avec soin selon la caste de la famille qu'il sert, mais un "brahmane" sera toujours préféré... Si on sert "le manger" des dieux, on peut légitimement servir les hommes...

A la Réunion, ce sont souvent les "cafres" ou les "caf-malbars" qui ont cette fonction de batteurs de tambours. De même, ce ne sont jamais des prêtres qui rasent la tête du fils ainé en deuil ou les "cheveux maillés" des enfants.

On sait qu'en Inde, l'exécution des tâches impures par les uns est nécessaire au maintien de la pureté chez les autres.

Si ce concept d'impureté est très vivace en Inde, dans toutes les circonstances de la vie, en raison essentiellement d'un concept de caste très prégnant, il est surtout vécu en matière religieuse à la Réunion.

En effet, dans la vie quotidienne, rares sont les hindous réunionnais végétariens - la viande est pourtant considérée comme particulièrement impure puisqu'on s'en dispense lors de tous les carêmes et avant d'aller au temple. Il semble qu'en la matière, seuls les hindous engagés dans une démarche spirituelle ascétique s'essayent au végétarisme.

Par contre en matière religieuse, les hindous réunionnais sont notoirement attachés au concept de pureté jusqu'à exiger trois jours de carême avant d'aller au temple, ce qui pourrait expliquer le peu de fréquentation de ceux-ci le samedi matin. En effet, l'absence de viande et une abstinence sexuelle trois jours sur sept peuvent se révéler très dissuasives... En Inde, à Maurice et dans les ashrams, un jeûne de trois repas est préféré car il a le mérite de nettoyer totalement et de purifier totalement le corps. (la consommation de poisson - donc d'un animal - n'est en effet pas très purificatrice puisqu'on s'en dispense dans les grands carêmes tels que ceux de la marche sur le feu ou du cavadee). Mais tradition oblige...

Autre remarque : les non-pratiquants - créoles ou métropolitains - sont considérés comme particulièrement impurs à la Réunion, jusqu'à se voir souvent interdire l'approche d'un temple, alors que la notion de caste est totalement absente de notre île...

Les conseils d'administration de nos temples y gagneraient en étant plus tolérants à l'égard des autres communautés, dès lors qu'une tenue correcte et que les règles d'accès sont respectées. Il est en effet beaucoup plus difficile d'approcher un temple hindou que d' une mosquée localement, ce qui peut sembler excessif ...

Soyons attentifs à ne pas nous laisser aller au communautarisme et à l'intolérance !

© Patrice Louaisel, 2011

 

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