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Indes réunionnaises
    

     LA FEMME INDIENNE

    Jonathan SOUBARAPA


   C'est à travers un voyage visitant des mythes et des légendes, faisant appel à des expériences communes à tout un chacun,  que nous nous glisserons dans un petit récit illuminant notre regard sur ce qui fait d’elle cette « femme ».
    
Alliant coutume et tradition, modernité et évolution en notre terre Guadeloupe, je dois dire que la survivance de tout « son art », se fait encore ressentir même après plus de 150 ans.
     Mais sans trop nous attarder dans notre voyage romanesque, arrêtons-nous un peu dans une petite librairie historique pour donner une vue du ciel, de ce qu’il nous sera amené  à peindre au fil de notre lecture.
     A un  moment ou un autre,  l’Inde, après avoir été colonisée,  s’est sentie  revivre sous une domination coloniale, et ce qui ne l’avait pas tuée l’a rendu plus forte aux yeux du monde.
     Ces étrangers, venus sur leurs navires,  n’ont pas fait que secouer ce grand arbre pour en arracher fleurs et fruits qui ont fait la richesse du  monde entier, de même que, quand les vents s’abattent sur le poirier et font tomber ses fleurs, celles-ci ont une chose de bénéfique : elles s’exportent et se déposent à l’endroit que la providence jugera propice à l’épanouissement de chacune d’entre elles.
     Guadeloupe, Martinique, Trinidad et Tobago, Jamaïque… autant de contrées de par le monde et au gré des vents où ces fleurs se sont destinées, et au sein desquelles elles se sont retrouvées,  dans ce climat qui régnait dans notre belle Caraïbe.
     Pour ce qui est de notre histoire, nous sommes ravis de voir que pour une fois ce n’est pas le papillon qui s’est destiné à l’une de ces fleurs, mais bien la fleur, qui a su trouver son papillon : la « Guadeloupe ».
     A cette fleur s’est alliée  plus qu’une nouvelle vie, pour ces engagés indiens. Et dans son voyage il y avait sûrement un parfum d’espoir et de bonheur… un sacrifice pour une autre vie…un autre départ pour une existence plus heureuse que ce qu’elle avait jusque là connu.
     Il  n’y a qu’une seule terre et un même soleil pour tous, et ces engagés  indiens, bien qu’ayant connaissance de la distance qui les séparait de leur pays, ont trouvé dans les mythes et les légendes, dans les cultes liés à leurs divinités un attachement à la mère patrie.
     Épices riches en goûts et en couleurs, sarees, talons,  matalons, chants et musiques… C’est tout une mémoire de souvenirs, qui s’est logée en eux.
    
Assumant la lourde tâche dont les dieux l’on chargée,  c’est sous le regard de Madurai Veeran, Shiva, Kali, Malièmen, Nagouloumira, Ganesh, que notre fleur  s’éparpillera dans la région afin d’optimiser au mieux sa conquête de ce nouveau monde, et de mener à bien sa mission.

     Et c’est dans cette figure de la femme indienne que l’on retrouve cette perpétuation de  nos origines, qui transcende  et fait vibrer encore aujourd’hui notre terre Guadeloupe. Et l’élégance  des personnages qui vous seront présentés vous en dira peu par les mots qui les décrit, mais sera par ce qu’elle sous-entend une allégeance pour votre âme.
     Sati, Parvati, Sita, Kali, Boumi, Vèly, Madéguèssi, Shandramadi, Nallatanga…  Autant de noms qui nous sont familiers pour au moins l’une d’entre elles.  Mais ce sont les histoires qui les mettent en scène qui ont fait leur renommée dans notre culture. Tant sur le plan moral qu’éthique, elles ont laissé à travers nous des principes, des dogmes qui nous ont donné un enseignement de vie véhiculé par  nos ancêtres.
     Et quand la chance nous est donnée d’écouter un aîné en parler, il est rare de ne pas le voir pleurer ou « frissonner », ou, même quand il chante, vivre de tout son être ces épopées, qui le fascinent et qui lui ont donné du courage pour vivre et aller mieux.
     C’est de ces figures féminines que vient,  je pense,  la faculté que j’ai de tout  ramener à ce qu’elles font,  leur manière de penser dans leur vie de tous les jours, avec cependant  une touche à elles d’élégance et de parcimonie, qui en font des êtres singuliers par l’histoire même que leur ont légué leurs ancêtres. Et l’on retrouve une petite parcelle de ces divinités hindoues en elles.
     Toutes les femmes sont certes bien divines,  mais rares sont les peuples qui savent d’où provient cette divinité, et surtout quelle est leur histoire, à chacune d’entre elles.

     Sans trop vouloir m’avancer, je vais vous faire une brève description de ces « femmes indiennes » de légende et des applications que l’on peut faire de leur « histoire » dans la vie de tous les jours. Mes sources proviennent pour la plupart du bouche à oreilles ou encore des lectures que j’ai pu faire sur ces personnages de légendes et d’histoire qui touchent encore l’âme de ceux qui ont eu l’occasion de les « côtoyer » le temps d’une lecture  ou encore d’un chant.

  • La plus connue de toutes, « Sati ou Parvati », pour l’honneur de son mari a préféré remettre son corps charnel à son père qui refusait son union avec Shiva. Je ne pense pas qu’il s’agisse de  fierté et d’égo… Mais comment vivre et accepter la vie  pour une femme,  si la personne programmée génétiquement pour l’aimer se refuse à accepter son bonheur ?

La bénédiction des parents est une chose qui tient à cœur à la femme indienne. Son  père est souvent une petite partie de son  mari et cela lui  très cher. En effet, il est très important pour elle que celui que son cœur a choisi puisse faire la joie aussi de l’être qui l’a vue naître.

  •  « Sita », connue en grande partie pour sa fidélité et l’amour sans limite qu’elle avait pour son mari Rama. Exilée dans la forêt par celui-ci, elle continua à l’aimer, même dans son malheur dont il était pourtant à l’origine.

Elle ne donne son amour qu’une seule fois, et c’est toute son âme qui se perd à ce jeu. Le pire comme le meilleur est accepté par sa personne. Elle n’est pas naïve ni même stupide. C’est à ce moment qu’elle croit le plus en elle-même et chaque passion amoureuse embrasse un peu plus ce qui fait l’éternité de son monde :   « l’Amour ».

Ce n’est malheureusement qu’après sa disparition que Rama s’est rendu compte de son amour pour elle.

  • « Kali »… Dieu seul sait que même l’enfer n’est rien à côté d’une femme trahie.

L’amour comme la haine abonde de solutions en notre personne quand ils veulent assouvir leurs soifs, et rien ni personne ne peut se mettre à travers son chemin, quand elle veut une chose ou lorsqu’une personne lui a fait du tort. Rien n’est impossible… Il faut qu’il y ait réparation quitte à remuer ciel et terre. Soulignons juste à travers cette figure le courage et la volonté de faire ce qui doit être réalisé selon elle.

  • « Boumi », fut la première femme de Madurai Veeran. Elle était une princesse et était en droit d’attendre plus de la vie, du moins pas qu’un garçon de sous caste comme Maldévilin puisse venir lui faire la cour. Cependant, avec le temps elle finit par aimer et accepter ses faveurs s’enfuyant avec lui contre toute attente.

La  femme indienne a le goût de l’aventure. Elle aime qu’on la surprenne et qu’on l’épate. Et l’on peut voir dans cette histoire que peu importe le rang social de celui qui la courtise,  c’est  ce que ce dernier est prêt à faire pour elle qui compte vraiment et cela peut lui faire perdre la tête. Elle se sent plus que revivre, puisqu’elle est aimée et qu’elle se sent aimée.

  •  « Madéguèssi » fut la mère adoptive de Maldévilin : la tendresse de son cœur fut sans égal quand elle le découvrit dans la forêt, livré à lui-même. Elle l’emmena chez elle et l’éleva comme si c’était son fils.

Elle est de nature sensible et ferme rarement la porte à une personne qui souhaite son aide. Elle ouvre son cœur et même si elle connait  les répercussions que cela engendrera en elle, aussi sévères qu’elles puissent être, elle y va quand même.

  • « Shandramadi ». Son histoire n’est pas à envier,  mais retenons d’elle, la ferveur et la foi qu’elle a toujours eu en son mari, sa positivité. Même lorsqu’elle passa du statut de reine à celui de servante, jamais elle ne laissa le doute envahir l’amour qu’elle avait pour son mari, dévotion, noblesse d‘âme, espérance, et combat ont toujours siégé en elle, et même dans la mort elle souhaita être à ses côtés. Son fils, qui jamais ne la quitta, lui donna la force et le courage de continuer à vivre et à espérer mieux du destin.

La femme indienne aime ses enfants plus qu’elle-même. L’amour maternel qui siège en elle est sans pareil. Son enfant est plus qu’une petite partie d’elle-même : il s’agit d’un don, un paradis qu’elle voit  grandir et dont elle est  la seule bénéficiaire. Il n’y a qu’une femme qui peut comprendre cela,  je pense.

  •  « Nallatanga ». Sa  légende reflète l’une des histoires les plus tristes qu’il m’ait été donné d’entendre.

La femme indienne est prête à tout faire pour ses enfants, et préfère mourir quitte à les voir rester sur cette terre et vivre dans la misère. Rien ne serait plus pénible pour elle, même pas la mort. Jamais elle n’acceptera de voir sa progéniture subir ce qu’il y a de plus révoltant et de détestable en ce monde. Elle endure bien des choses mais son  âme supporte mal la honte. Elle est  une personne humaine… Elle a certes des qualités et des défauts mais tient particulièrement à ce qu’on l’a respecte.

     Après ces brefs résumés de la vie de certaines d’entres elles, vous comprendrez que la tâche entreprise n’est pas si facile. Elles sont si nombreuses et leur histoires si  riches…     Je continuerais en donnant cette fois quelques appréciations de mon expérience, si jeune, en m‘adressant  a vous maintenant, et ne soyez pas dures avec moi… Je ne serai pas tendre vous concernant, puisqu’une personne digne de ce nom doit pouvoir aimer le meilleur comme le pire,  si tant est qu’il y en ait.

     Dans notre société, le Femme indienne a toujours été, et reste discrète. Cela est dû peut-être à sa nature. J’ai toujours entendu dire que les filles indiennes sont spéciales…  Spéciales, dans leur spécialité,  je pense.  Il y aurait beaucoup à dire je pense, mais on en fera un autre texte ou plutôt un autre tome.
     Il faut dire que tout ce qui est joli reste très mystérieux et tout ce qui est mystérieux nous attire et nous fait perdre la tête. Elles sont des questions pour nous les hommes, et elles croient que nous sommes les réponses. Parfois personne ne sait qui est qui… Il faudrait penser à chercher « la réponse à une seule et unique question. »
     Leurs mères sont toujours très soucieuses de leur vie… de qui elles fréquentent… de qui leur fait la cour… et bien que cela les embarrasse parfois, je dois dire que c'est dans ces seuls moments que la relation mère - fille prend et atteint  son excellence. Elles ne sont plus complices mais amies. Voilà un schéma très « exponentiel » qui nous fait voir la beauté des relations humaines : au-delà des liens du sang,  il y a  les liens du cœur. « Qui est cette jolie demoiselle ? C’est ma fille ». Ou encore : « Je vous présente ma fille ». J’ai toujours aimé entendre cela : il y a tant de fierté et tant d’admiration à mettre un petit bout de ce que l’on est en avant… un espoir… une espérance. Mais parfois cette fille est l’arbre qui cache la forêt, et je vous épargnerai  les détails. Vous avez tous  fait l’objet de cette « fille » enfin si jamais « on avait su », et on en  passe.
     Lorsque je vous entends parler,  toute votre vie semble une réalité non voulue, mais acceptée. C’est cela qui vous donne les moyens de toujours continuer à rencontrer ce rêve auquel,  petite fille, vous aspiriez déjà. Rien n’est jamais facile en pensée pour vous et tout semble si simple dès que vous vous mettez à en parler.
     Vous êtes proche de l’homme que vous aimez, et bien qu’il puisse virevolter parfois à droite à gauche,  vous continuez à rester auprès de lui puisque vous aimez le fait,  «  qu’il vote les lois et que c’est vous qui les faite appliquer »… (L’autorité,  j’entends ici).  Vous n’avez pas besoin de beaucoup pour être heureuse et vous sentir bien. Dès que les choses qui vous tiennent à cœur sont là,  c’est l’essentiel.
    Vous savez tirer le meilleur de toutes  les situations et vous savez ce que vous devez faire et ne pas faire. Vous avez le flair  pour savoir tout à l’avance. Vous aimez que l’on vous dise les choses même si l’on vous ment. Ce mensonge aura servi, quelque part,  à vous sentir heureuse.

     Rien ne peut être vrai dans tout ce que je vous ai raconté. Il s’agit d’une histoire ou même une légende… Petite pensée de moi-même. J’ai au moins essayé de résoudre la question en me basant sur les choses que je sais de vous.
     Peut être qu’il y a eu du vrai et du faux.  Mais ces mots ont le mérite de n’avoir été écrits que pour vous. Vous êtes plus sensibles à l’imaginaire, soyez donc indulgentes avec moi.
    Vous restez un mystère connu de « nom » seulement… un langage que je ne peux démystifier… On ne vous connaît vraiment que quand l’on « tombe amoureux » de vous. Puis une fois que l’on vous a perdu, l’on se rend compte que l’on « vous aime vraiment ». Ce n’est pas si facile. Pourtant vous demandez le minimum : « être aimé. »
    Votre façon d’aimer n’est pas si différente des autres femmes : vous restez après tout femme et nous, homme. C’est tout ce qu’il y a  autour de vous qui est différent :  l’univers familial, l’attachement aux valeurs, à l’humanisme qui est de mise dans votre culture, à une élaboration pluri millénaire qui se met en place dès que vous devenez mère, une institution  universelle faisant là, l’identité de tout un peuple qui se concrétise en vous.
     Vous êtes des rêveuses, des amoureuses, et des mères heureuses…
     Je me rends compte que même si mes mots ont tenté de faire une reproduction de la personnalité d’une femme et qui plus est, d’une femme indienne je ne pourrais  peindre qu’un petit paysage de l’idée que je me fais d’elle par  mes propres mots.
     Mais j’ai le luxe de parler de vous puisque j’en connais une qui m’aime plus que je ne l’aime moi-même, qui tient à moi plus que je ne tiens à elle… pour laquelle aussi je serai prêt à donner ma vie si cela était nécessaire. Elle reste un ange,  une femme que je ne pourrais jamais connaître pourtant la seule qu’il m’ait été donné de côtoyer. Elle n’est ni belle ni superbe, mais parfaite… ni méchante ni trop gentille, mais attentionnée…  c’est une partie de mon âme, une petite partie de moi-même, et cela je pense que toutes les filles aimeraient que l’on puisse parler d’elles comme cela et je pense avec raison que ce sera j’espère plus qu'une chance qui vous sera accordée puisque la femme dont je parle est ma mère, ma « femme indienne ».


© Jonathan Soubarapa - 2010

 

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