Rang social des musiciens

     Les actions rituelles paysannes étant généralement accompagnées d'une musique spécifique, quel est alors le rôle ou la place du musicien en Inde ? On sait déjà que tout contact direct ou indirect avec le monde animal doit, au sein de cette catégorie sociale, être évité. Le tambourineur devant nécessairement manipuler la peau animale essentielle à la fabrication de ses instruments, se retrouve forcément au bas de la pyramide sociale. Cependant, la position du musicien n'en demeure pas moins ambiguë. Ainsi que l'a noté Schneider ("Sociologie et mythologie musicales" - Les Colloques de Wégimont, 1960), le musicien, malgré son appartenance aux castes inférieures ou aux hors-castes, est parfois considéré comme un être privilégié doté d'un pouvoir particulier qui lui permet de communiquer avec le monde des esprits. Il devient alors le médiateur entre les dieux et les hommes, et le prestige que lui confère son statut est souvent perçu par l'ensemble de la population avec une certaine «angoisse» on craint, par exemple, qu'il n'abuse de son pouvoir, qu'il n'interfère dans le déroulement de la vie quotidienne des individus. C'est pourquoi, selon Schneider, est-il en quelque sorte expulsé des réseaux sociaux habituels et se retrouve-t-il malgré lui au sein des hors-castes, des Intouchables.

            Le sacrifice : élément fondamental de l'hindouisme

     Le caractère « ancien » du sacrifice contemporain hindou, constitue la première conclusion d'une intéressante étude menée par Biardeau et Malamoud (Le sacrifice dans l'Inde ancienne, 1976). Partant des recherches effectuées par Bergaigne (1878-1897) sur la religion védique, par Hubert et Mauss qui publiaient en 1899 L'essai sur la nature et la fonction du sacrifice, et s'appuyant à la fois sur les textes sacrés et sur les études de certains indianistes dont Gonda (1962-1965), les auteurs du Sacrifice dans l'Inde ancienne voient dans la pratique du sacrifice le tronçon commun au Védisme, au Brahmanisme et à l'Hindouisme. Véhiculé depuis les temps védiques, le thème du sacrifice forme selon les auteurs, l'unité fondamentale de la religion des hindous. Voyons maintenant quelques données relatives au « sacrifice» en Inde. Cette présentation succincte aidera le lecteur à mieux saisir l'enjeu de la dimension sacrificielle des cérémonies en contexte martiniquais.

          Sacrifice : nourriture des dieux

     Selon la philosophie hindoue, le sacrifice est le moyen qui assure la primauté du sacré dans la vie quotidienne. Les textes védiques spécifient en effet, qu'il revient aux hommes de veiller à la subsistance et au bien-être des divinités qui, en retour, envoient la pluie dans les temps requis. Médiation entre les êtres visibles et invisibles, le sacrifice est, pour l'hindou, nourriture offerte aux dieux et c'est par le feu sacrificiel que celle-ci pourra atteindre le royaume des cieux:
          Agni, le feu, et notamment le feu sacrificiel est la bouche des dieux. Les oblations qui sont faites directement dans le feu et qui sont consumées montent ainsi vers le ciel pour nourrir les dieux qui les inhalent. (Biardeau et Malamoud : Le sacrifice dans l'Inde ancienne, 1976: 22)
     Il est intéressant de noter dans cette conception, une interdépendance directe entre le ciel et la terre, voire un rapport de causalité (matérielle) car, si l'homme ne sacrifie pas, c'est-à-dire n'offre pas de nourriture aux dieux, ceux-ci s'affaibliront et ne pourront intervenir sur terre aux moments voulus. Le sacrifice serait donc un moyen utilisé pour renforcer la puissance des dieux. Les sacrifices d'animaux pratiqués en Inde aujourd'hui demeurent l'apanage des castes inférieures et, bien que ces sacrifices aient été réprouvés par la religion officielle, les castes inférieures des villages ont continué à les pratiquer. Thurston (Omens and Superstitions of Southern India, 1912 : 137) ajoute qu'auparavant, et ce, jusqu'à son abolition en 1852, la coutume voulait que l'on offrît en sacrifice une personne humaine (généralement un adolescent fort et robuste) dans le but de s'assurer la bienveillance des dieux et de connaître une année prospère et sans cataclysme. Les animaux que l'on offre maintenant semblent être en quelque sorte un substitut de la personne humaine que l'on avait coutume de sacrifier autrefois.
     Ainsi,
          le végétarisme devint le privilège exclusif des castes supérieures pures, dont les brahmanes, tandis que la consommation de viande, associée au sacrifice sanglant, est tombée dans le domaine des classes populaires. ("L'apport culturel indien : le cas de la Guadeloupe" - Historial Antillais, Tome I, Singaravelou 1980 : 299)
     Néanmoins, que l'on appartienne à une caste supérieure ou inférieure, certains principes doivent être respectés dans l'accomplissement du rituel sacrificiel.


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