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   La mise en scène de la possession

     Les divinités qui peuvent alternativement - et jamais simultanément - prendre possession du médium sont les déesses Kali et Marliémen (dans sa forme "carnivore") et les dieux Mardévirin et Minisprin. D'origine dravidienne, elles sont liées au culte de Shiva (Dieu de la destruction et du sacrifice). Shiva étant relativement détaché des contingences terrestres, il délègue ces divinités, plus proches des humains et de leurs préoccupations, pour les aider à résoudre leurs problèmes. Le point commun de ces divinités est de recevoir des offrandes animales. Lors du rituel, il arrive parfois qu'un ancêtre ou qu'un ancien prêtre du temple (un goulou, symbolisé par une pierre de culte dans l'enceinte du temple) descende sur le médium en lieu et place de la divinité attendue. L'entité s'assied alors le plus souvent en tailleur et s'exprime en créole (alors que la divinité reste debout et parle en tamoul). Cet événement inattendu révèle généralement un problème dans le déroulement de la cérémonie, problème rapidement interprété comme un mécontentement divin dû par exemple à une impureté (venant par exemple d'une personne qui a mal fait son carême) dans l'assistance. L'entité ancestrale, à mi-chemin entre Dieu et les humains, est cependant favorable à ces derniers. Elle peut d'ailleurs être à son tour invoquée à la fin de la cérémonie.

     Seuls les hommes peuvent être rituellement possédés par Dieu. Les personnes qui font office de médium sont souvent les prêtres du culte "populaire" eux-mêmes. Il arrive cependant que le prêtre et la société du temple aient recours à un homme qui possède les facultés adéquates pour être rituellement investi par Dieu. Cette aptitude s'hérite en général en ligne agnatique, lorsqu'un des garçons a des prédispositions mystiques. Le savoir relatif à la possession divine est transmis par un prêtre (le plus souvent le père) lors d'un rite initiatique dans lequel l'initié est, après un long carême, immergé dans une rivière et se fait transpercer la langue avec une aiguille rituelle. Le nouvel initié se voit aussi transmettre une disposition à être possédé par une divinité précise, celle qui protège particulièrement sa famille de génération en génération. Le médium initié remplit la fonction de "réceptacle du divin" en principe toute sa vie, tant qu'il est physiquement capable de le faire car la possession est physiquement éprouvante, surtout lorsqu'elle se produit trois fois de suite par des divinités différentes au cours de la même cérémonie, comme cela est parfois le cas. La personne qui fait office de médium doit être particulièrement pure lors du rituel. Comme le prêtre, il s'agit généralement d'un homme d'âge mûr, respecté et écouté dans la vie quotidienne car on considère que sa dévotion et sa pureté rituelle - pureté qui sépare les humains du divin mais aussi les humains des humains - sont fortes.

     Le costume du possédé rituel est caractéristique de sa fonction. Il porte en principe une tenue simple et sobre : un pantalon gris, une chemise blanche et une toile rouge portée en guise de tablier, de la ceinture jusqu'aux genoux. Il porte au poignet droit un bracelet en cuivre, son saclon, chargé de pouvoir par les symboles religieux qui ont été rituellement tracés dessus. Il a aussi une ceinture en tissu rouge (on ne porte jamais de cuir au temple) dans laquelle est placé un autre saclon (une petite plaque en cuivre avec des symboles religieux). Comme tous les participants de la cérémonie hindoue, le possédé est pieds nus. Lors de la possession, il utilise quelques accessoires rituels comme une branche de rotin d'environ un mètre cinquante (en guise de fouet), des branches vertes de lilas aux propriétés sacrées et auspicieuses, un sabre et un petit tambour. Ces accessoires sont les attributs de Dieu. Ils sont généralement transmis de père en fils, leur ancienneté renforce leur sacralité.

    Le rituel de la possession divine fait l'objet d'une mise en scène dans laquelle tous les acteurs tiennent un rôle précis. Les principaux acteurs du rituel sont : le prêtre qui effectue les prières, le médium, et un assistant qui produit sur le tambour rituel, le ulké, le rythme associé à la divinité invoquée. Lorsque le prêtre est lui-même le médium, un assistant fait temporairement office de prêtre. Il récite les prières et sert de médiateur entre la divinité et les fidèles. Le médium peut aussi battre le tambour ou reléguer cette fonction à un autre assistant (1). Tous les participants de la cérémonie doivent s'être au préalable purifiés par un carême de trois à sept jours en moyenne. Ce carême fondé sur l'absence de plaisirs profanes (se traduisant notamment par l'abstinence sexuelle et le végétarisme) est augmenté dans sa durée (il peut commencer trois semaines avant la cérémonie) pour les officiants (le médium, le prêtre, l'assistant).

     Le rituel de la possession divine se déroule dans l'enceinte du temple en principe très tôt le matin, au moment où le jour se lève. Le soleil (le dieu Souryen) est aussi invoqué lors des prières car la pluie n'est pas propice pour le rituel. Intégrée dans le complexe d'une cérémonie durant en moyenne deux heures, la possession a généralement lieu juste avant le sacrifice des boucs. Lorsque les sacrifiants sont nombreux (plusieurs familles) et que les oblations se succèdent pendant assez longtemps, la divinité n'est invoquée, dans sa manifestation physique, que pour assister au premier sacrifice animal. Elle peut toutefois être à nouveau invoquée à la fin de tous les sacrifices. Sa "matérialisation" reste exceptionnelle et ne dure pas plus de quelques minutes. Les fidèles considèrent cependant que Dieu est déjà présent parmi eux lorsque les supports symboliques du divin (statues et galets) ont été rituellement lavés (y lave bon dieu) avec de l'eau safranée et du lait et que la lampe à huile est allumée dans le temple. Cette lampe brillera pendant toute la cérémonie. Ce n'est qu'à la fin de celle-ci que son extinction naturelle signifiera le départ de Dieu. La flamme de la lampe n'est jamais éteinte volontairement car cela constituerait une offense grave envers Dieu ; elle peut en revanche être réalimentée en huile, même après la fin de la cérémonie, pour s'éteindre idéalement au cours de la nuit. La fin de la possession divine ne signifie donc pas que Dieu n'est plus là il reste présent parmi les humains tout au long de la cérémonie mais sans se manifester directement.

     Le moment de l'invocation vient après avoir récité les prières en tamoul et effectué les gestes rituels (envoi de fleurs, de parfum, dépôt d'offrandes végétales, etc.) pour chaque divinité. Dans l'enceinte du temple, le médium ou le prêtre, ce dernier cédant alors la responsabilité du rite à son assistant - se fige debout, face à la divinité invoquée. Il peut regarder la divinité ou légèrement baisser la tête en signe de soumission. Ses bras sont le long du corps ; il a les poings fermés. Les fidèles sont derrière lui. Personne ne doit le toucher ni l'approcher de trop près (hormis le prêtre et ses assistants à certaines phases du rituel). A une certaine distance du médium, le prêtre alterne alors prières et percussions sur le petit tambour rituel pour invoquer la divinité. L'attente passive du médium se veut humble et respectueuse. Elle témoigne du fait qu'il ne décide pas quand la possession débutera. Il y a d'ailleurs toujours une dimension aléatoire dans le rituel car la divinité peut ne pas venir ou venir sur quelqu'un d'autre. On m'a rapporté qu'elle a un jour investi non pas le médium attitré du rituel mais un autre médium qui assistait comme simple fidèle à la cérémonie. Ce fait, relativement rare, est source de honte pour le médium attitré car il révèle publiquement son insuffisante pureté pour recevoir la divinité.

     Après quelques minutes (deux à cinq en moyenne) de prières chantées et de rythmes alternés sur le ulké, le médium bondit brusquement sur ses deux pieds en criant Goïnda. Cette exclamation (de Govinda, signifiant "Gloire à toi"), parfois reprise par les fidèles, traduit l'arrivée de Dieu sur le médium. Le possédé commence immédiatement à danser (y saute en l'air) dans un mouvement et une gestuelle propre à la divinité invoquée. La manifestation divine n'engendre pas de phénomènes corporels excessifs. La possession se traduit par un changement de conscience, non par une transe cataleptique ou dramatique. Les caractéristiques corporelles de la possession résident dans un petit tremblement du corps dont les membres sont quelque peu tendus. Le pouvoir divin est néanmoins ressenti par chacun des fidèles à travers l'énergie et la force qui émanent du possédé dont les yeux sont étonnamment vifs et brillants. La plupart du temps l'expression de son visage exprime la plénitude, et donc la satisfaction de Dieu.

     La danse du possédé atteste de la présence de la divinité (2). C'est la danse de Shiva sur la terre. Le support rythmique à la danse divine durera tout au long de la possession. C'est le moyen dont les humains disposent pour satisfaire Dieu (y fait danse Bondieu) qui a daigné venir parmi eux. La danse divine exprime la joie de Dieu. Dans les familles indiennes de La Réunion, on dit d'ailleurs de quelqu'un qui est très content: la li saute en l'air, y danse. Lors de sa danse, le possédé fait tourner dans sa main droite la tige de rotin à laquelle sont attachées des branches de lilas avec leurs feuilles vertes. Lorsque la divinité est le Dieu Mardévirin, le possédé danse en altemant des petits sauts répétés sur un pied et sur l'autre car la mythologie rapporte que ce Dieu a eu une jambe coupée. Parmi les positions de la danse, on trouve celle de Shiva Nataraja, la jambe d'appui un peu fléchie, l'autre levée et pliée devant soi presque horizontalement, le buste légèrement tourné, les bras pliés et écartés. Durant la danse, au rythme du ulké, le possédé balance son buste d'avant en arrière. Il se déplace aussi en faisant des petits pas en avant et en arrière dans trois directions: directement vers la divinité, un peu vers la gauche et un peu vers la droite. Le possédé regarde le plus souvent dans le temple la représentation divine qui l'a investi. Ce n'est qu'occasionnellement qu'il se tourne vers les fidèles. Il jette aussi parfois un regard vers le ciel, notamment vers les quatre points cardinaux.

     Si le possédé exhibe des attributs du divin (armes, fouet, bracelets en cuivre), il réalise aussi certaines performances divines. Tandis que la percussion continue en sourdine, deux hommes apportent le grand sabre rituel utilisé pour sacrifier les animaux et le tiennent chacun par un bout, à quelques mètres du sol, le côté tranchant dirigé vers le haut. Le possédé, toujours face à la divinité, monte pieds nus sur la lame (y monte sur le sabre) en levant d'abord le pied droit et en s'appuyant sur les épaules des porteurs. Il arrive parfois qu'il monte sur deux sabres placés parallèlement par quatre hommes. Le fait que le possédé ne se coupe pas la plante des pieds sur le (ou les) sabre(s) est pour les fidèles une preuve parmi d'autres de l'incarnation divine (3). Auparavant, le possédé se donnait rituellement trois coups de sabre (du côté tranchant) sur l'abdomen, sans se couper. La tradition orale rapporte cependant qu'un jour un homme s'est très grièvement blessé. Ce véritable drame traduisit l'absence de protection divine. La divinité investit d'ailleurs aussitôt une autre personne dans l'assemblée et expliqua par sa voix que le premier médium était ainsi sanctionné pour ne s'être pas suffisamment purifié par un carême rigoureux. Elle annonça néanmoins une guérison définitive du malheureux dans le troisième jour qui suivrait, ce qui, aux dires des informateurs témoins de l'événement, fut vérifié !

... sur les sabres
Photo Ph. Pratx

     Le prêtre s'approche du possédé debout sur le sabre. Il écoute la divinité qui par la voix du médium s'exprime en tamoul (y cause langage) et traduit ses paroles en créole pour les fidèles (qui pour la grande majorité à La Réunion ne pratiquent plus cette langue). La voix du possédé est sa voix "normale" à la seule différence près qu'elle est très puissante. Dans un premier temps la divinité monologue en faisant des recommandations aux fidèles. Elle peut ainsi leur rappeler les règles religieuses, notamment les rigueurs du carême purificateur, l'interdiction de participer aux cérémonies religieuses pendant quarante jours lorsqu'il y a un décès dans sa famille, etc. La divinité donne ensuite la permission de poursuivre le rituel. Elle peut aussi répondre brièvement aux questions qui lui sont posées en tamoul par le prêtre. Lorsque l'invocation a lieu tôt le matin près de la rivière avant de retourner au temple en procession, les questions peuvent consister à demander si la marche du feu à venir va bien se dérouler, si les sacrifiants sont suffisamment purs pour traverser le brasier, etc. L'invocation de la divinité avant le premier sacrifice de bouc vise à lui demander si tout est en ordre pour la poursuite du rituel et à obtenir la confirmation qu'elle accepte les offrandes. On peut également demander à Dieu si la date prévue pour telle ou telle autre cérémonie est propice. La divinité incarnée peut par ailleurs informer les fidèles de certains événements futurs et leur donner des conseils d'action (la plupart du temps, des sacrifices religieux). Elle peut aussi répondre à des questions plus personnelles de certains fidèles (à propos d'une maladie, d'une malchance persistante, etc.), notamment lorsqu'elle est invoquée à titre privé par une famille dans son temple domestique. La divinité peut enfin prévenir les fidèles d'une infortune future et annoncer qu'elle les protège (4).

     Après l'oracle, le possédé descend du sabre. Par son intermédiaire, la divinité assiste ensuite au sacrifice du premier animal qui lui est offert. Le bouc, qui doit être en bonne santé, est en général celui de la société du temple, mais il arrive que cela soit celui d'une personne ou d'une famille, ce qui est toujours un honneur très propice pour le (ou les) sacrifiant(s). L'animal est immobilisé par deux hommes, l'un tirant une corde placée autour du cou du bouc, l'autre lui tenant les pattes postérieures, devant un troisième qui tient à deux mains devant lui le long et lourd sabre sacrificiel qu'il va abattre avec force et rapidité sur le cou tendu de l'animal. Lorsque le bouc ne bouge plus, on considère que Dieu accepte l'offrande (Bondieu l'a emparé).

     A l'inverse, un bouc qui se débat et bondit est un mauvais présage. Celui-ci est à son comble si l'animal n'est pas décapité d'un seul coup de sabre. Les femmes, notamment la mère de la famille qui offre l'animal, peuvent alors crier et éclater en sanglots, car ce signe est annonciateur d'un malheur futur dans la famille sacrifiante. Les fidèles associent toujours le décès prochain d'un proche parent à ce mauvais déroulement du rituel. C'est pourquoi une famille dont l'un des membres mourut à la suite d'une cérémonie dans laquelle l'animal offert n'avait pas été tué du premier coup, n'a pas hésité, plusieurs années après, à faire recommencer le rituel (prières, etc.) d'une cérémonie religieuse dans laquelle le bouc qu'elle offrait s'est ànouveau débattu avant son sacrifice. L'agitation excessive du bouc traduit toujours un mécontentement divin. L'enjeu du sacrifice est si grave qu'il est nécessaire de tout mettre en œuvre pour la réussite totale du rite en respectant à la lettre le rituel, c'est-à-dire sans omettre ni mal effectuer une de ses phases. Le sacrifice est explicitement reçu et consommé lorsque le possédé boit (ou fait mine de boire puisque tout est symbole) un peu de sang dans le corps de l'animal juste décapité. La divinité reprend ensuite sa danse pour quelques instants.

Sacrifice du bouc
Photo Ph. Pratx

     Durant l'actualisation de ce "temps sacré" (qui dure en moyenne quinze minutes), les fidèles sont généralement immobiles. Ils ont le plus souvent les mains jointes et prient intérieurement avec ferveur. Pour eux, le rituel de la possession divine est extraordinairement auspicieux. Voir la divinité danser parmi les humains est une véritable bénédiction. Celle-ci est doublée d'un honneur très propice pour le fidèle qui se fait convoquer par son nom par la divinité (Bondieu y crie de moune), comme cela arrive parfois. Celui-ci doit se prosterner devant la divinité qui le bénit en le frappant très légèrement sur la tête avec les tiges de lilas qu'elle tient dans sa main. Pour protéger cette personne des mauvaises influences qui la menacent, la divinité peut aussi réclamer un petit citron, le couper en quatre (le citron galet) et envoyer chacun de ses morceaux en direction d'un point cardinal. A l'inverse, un fidèle qui reçoit un coup de rotin lors de la danse de la divinité subit une honte publique l'acte divin étant causé par une faute du fidèle, notamment par son impureté rituelle. Lorsque la divinité manque d'espace pour sa danse, elle peut aussi donner quelques coups de rotin autour d'elle mais dans ce cas, personne n'est précisément visé. La possession rituelle est aussi le moment d'une profonde empathie pour les fidèles qui ressentent à la fois la grandeur et la gravité de l'événement (Bondieu l'a fine arrivé ! Bondieu l'est là!). Ils ne doivent en aucun cas exprimer de tristesse devant Dieu. Le son continu de la percussion rythmique, la présence des morceaux de camphre allumés (symbolisant la destruction des impuretés de ceux qui les déposent et les font brûler au temple) et le parfum de l'encens renforcent l'émotion.

     Les fidèles ne participent pas à la possession par des chants ou des prières. Ils attendent simplement qu'elle se produise. Ils ne peuvent être responsables que de la non-réussite du rite par leur éventuelle impureté empêchant la venue de la divinité. C'est notamment pourquoi les femmes qui ont leurs menstruations ne peuvent assister à la cérémonie. Les enfants ne s'approchent pas non plus trop près du possédé. Tout au plus, ils pourront par chance recevoir quelques gouttes de parfum que celui-ci envoie autour de lui. Hormis le cas évoqué plus haut d'un médium choisi dans l'assistance par la divinité plutôt que le médium attendu, il arrive que dans l'assemblée un homme présente les signes extérieurs de la possession (y gagne l'esprit). Cette possession involontaire n'est cependant jamais confondue avec celle institutionnalisée du médium. Elle est d'ailleurs considérée comme plus ou moins suspecte car on ne sait pas quelle "force" a investi le fidèle. La possession est généralement attribuée à une entité négative car la danse qui l'accompagne (lorsqu'il y en a une) est désordonnée et ne rapproche en rien de celle connue et régulière des divinités. Il n'y a d'ailleurs pas ici d'oracle authentifiant la présence de Dieu. Les ordonnateurs du rituel s'empressent de stopper cet état par une courte prière pendant laquelle ils placent un peu de cendre sacrée sur le front de la personne malencontreusement possédée.

     Lorsque le rituel a lieu dans le temple domestique, les membre de la famille (mais non les invités) se prosternent finalement devant la divinité avant son "départ", afin de recevoir sa bénédiction et de se placer sous sa protection. Au temple public, ce sont surtout les fidèles qui doivent prochainement accomplir un sacrifice important (comme la marche sur le feu) qui se prosternent devant cette incarnation temporaire de Dieu. Lorsque les fidèles se prosternent, la divinité les bénit via le possédé en leur mettant à chacun de la cendre sacrée sur le front. Avant la marche sur le feu, l'ordre de passage devant la divinité est le suivant : le prêtre (s'il n'est pas lui-même le médium), le président du temple, les marcheurs qui porteront des attributs de Dieu (sabre, karlons gros vases en bois coniques enroulés de fleurs et placés sur la tête), les autres marcheurs, les femmes qui feront le tour du brasier et les autres fidèles. Le rite de possession cesse avec la bénédiction des fidèles. Lorsque le possédé devient de plus en plus "distant", c'est-à-dire lorsqu'il n'interagit plus véritablement avec le prêtre, on considère que Dieu est sur le point de prendre congé des humains. Avec son annulaire droit, le prêtre place alors un peu de cendre sacrée sur le front du possédé qui, en balançant légèrement la tête, reprend doucement ses esprits. Epuisé, il ne se souviendra de rien.


1. Le médium peut ainsi être Soit le musiqué ", Soit le " musiquant " de sa possession (selon les termes de G. Rouget, 1980). Voir bibliographie. Retour au texte.

2. La possession n'est donc pas dans le rite hindou une affaire de technique du corps, où le chant et la danse (et/ou les austérités et les drogues) sont les principaux outils. Il n'y a pas ici de crise tétanique provoquée par une suite d'aspirations et d'expirations forcées. La danse ne vise pas à obtenir un contact avec l'au-delà en isolant le médium des contingences de la vie profane. Elle ne déclenche pas la possession, ni ne lui sert de support car Dieu est attendu de façon passive, dans l'immobilité. Retour au texte.

3. La présence divine est aussi attestée, dans deux rites de l'hindouisme "populaire" à La Réunion, la marche sur le feu et le kavadi, par le fait que les sacrifiants ne se brûlent pas sur le brasier ni ne saignent du fait des aiguilles implantées dans le corps ; l'absence de souffrance et de symptômes physiques signifiant que le sacrifiant est suffisamment pur, et de ce fait, protégé par Dieu. Retour au texte.

4. Ce type de consultation est donc radicalement différent de la consultation astrologique réalisée par le prêtre dans les temples urbains. Les prêtres brahmanes - par définition végétariens - n'assistent d'ailleurs pas à ce rituel de possession qui s'inscrit dans le cadre d'une cérémonie comprenant des sacrifices d'animaux. Retour au texte.


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