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   Une affaire de sens commun

     Dans les rites de l'hindouisme populaire à La Réunion, l'organisme humain peut être un lieu d'expression du divin, comme d'autres réceptacles inanimés (les statues et les galets de forme ovoïde). A l'aide de la musique, le médium fait le sacrifice de ses facultés mentales à Dieu. Les conceptions occidentales selon lesquelles la conscience est universellement liée au corps sont de ce point de vue ethnocentriques. Pour les personnes impliquées d'une façon ou d'une autre dans ce rituel, il ne s'agit pas d'une croyance mais d'un fait. Il n'est pas plus légitime de leur demander si un humain est "vraiment" possédé par Dieu que si une pierre de culte est "vraiment" chargée de pouvoir divin. La pierre devient Dieu si elle a été parfaitement soumise au rituel approprié. Il en va de même pour l'humain - pas n'importe lequel cependant - dont le corps purifié peut devenir temporairement un véhicule du divin. Si la venue de la divinité est considérée comme un phénomène "extra-ordinaire", car très auspicieux pour les fidèles, elle n'en constitue pas moins une évidence indiscutable pour eux : Dieu se manifeste régulièrernent parmi les humains qui l'invoquent, s'ils sont suffisamment purs ! Loin d'être une aberration psychologique ou une expression pathologique, la possession divine fait partie du sens commun. Pour que le rituel marche, il faut cependant que les acteurs et le public partagent la même conviction. C'est pourquoi on ne souhaite pas la proximité d'étrangers incrédules et impurs lors du rite.

     La fonction de médium, la connaissance des prières et des rythmes relatifs à l'invocation sont associés à un certain stade initiatique qui, dans le contexte pluriculturel réunionnais où les traditions du pays d'origine sont constamment menacées par les modèles de la culture française et du christianisme, est toujours valorisé par les pratiquants de l'hindouisme. Ce savoir disparaît cependant progressivement avec ses détenteurs. Le rite de possession rituelle, associé aux sacrifices d'animaux, est aussi idéologiquement menacé par un certain "renouveau" de l'indianité qui se développe chez les jeunes générations. Celles-ci prônent la pratique d'un hindouisme de type brahmanique, aux offrandes uniquement végétales, plus valorisant que l'hindouisme "populair ", historiquement associé à un passé sombre dans la société de plantation et pendant longtemps fortement réprouvé par l'Eglise catholique. Tout en recevant une approbation de la société globale, l'adhésion aux pratiques brahmaniques récemment importées dans l'île procure une élévation statutaire dans le milieu d'origine indienne. Les anciennes générations ne se résignent toutefois pas à abandonner leurs pratiques traditionnelles au profit d'une pratique religieuse valorisant l'image de l'indianité et le "statut social" mais ne mettant pas en jeu le même "pouvoir divin".

 


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