IR : La littérature tamoule, ancienne ou contemporaine, populaire ou savante, est très peu accessible au public francophone : cette situation vous semble-t-elle susceptible d’évoluer ? Comment ? Existe-t-il une volonté de responsables et de décideurs dans ce sens ? SM : Demandons-nous d’abord : pourquoi la littérature tamoule, ancienne ou contemporaine, populaire ou savante, est-elle très peu accessible au public francophone ? 1 - Une
maison d’Editions avait demandé la traduction d’un livre d’un auteur mondialement
connu à plusieurs personnes. Ma traduction a été choisie comme étant la
meilleure. Mais, on avait dit qu’il fallait revoir certaines parties. Donc
on a fait une relecture en ma présence comme cela se passe souvent. Et je
reçois une lettre annonçant que la personne qui l’a relue a participé à
cette traduction, par conséquent il aurait son nom dans la traduction. Le
livre a été imprimé avec son nom comme co-traducteur. Un jour, dans une
réunion, j’ai été présentée comme traductrice du Petit Prince. 2 - Une autre fois, une écrivaine tamij célèbre a cité quelques phrases de notre livre à la télé en disant qu’elle a eu l’occasion de le trouver dans une bibliothèque sans donner aucune référence sur ce dernier. Le
premier événement montre que les gens pourtant lettrés n’ont pas daigné
prendre connaissance du
livre traduit. Et l’écrivaine célèbre a ignoré cette pensée : « La joie que
j’ai ressentie que le monde la ressente ! » n’ayant pas indiqué la moindre
référence aux téléspectateurs. Pourtant, sans être pessimiste, la situation semble susceptible d’évoluer, mais l’allure est très lente. Les solutions se trouvent dans le pourquoi de mon exposé. Il y faudrait ajouter une autre information. Le public francophone, j’en trouve trois genres : 1 - Ceux qui sont
originaires de la langue tamij (je ne dis pas du pays tamij, ni du
territoire de Pondichéry) qui ont abandonné la langue parce qu’ils ne la
pratiquent pas, négligent la valeur littéraire en se disant « à quoi ça
sert », ne sont pas intellectuels pour chercher le profit de cette
littérature ; par conséquent, ils se soustraient à celle-ci car elle
n’entre pas dans le langage scientifique dominé par les langues
occidentales. Autrement dit, elle ne nourrit pas le ventre. "Lycée Français de Pondichéry Année scolaire 1996-1997 ENSEIGNEMENT DU TAMOUL A compter du BAC
97, le Tamoul ne peut plus être pris comme 2ème langue ou 3ème langue vivante
et ne peut faire l’objet que d’une épreuve facultative écrite. Pondichéry, le 30 Janvier 1997 Signé
Le Proviseur" A partir de l’année scolaire 2005-2006, dans les classes primaires de CM1 et de CM2, les élèves qui choisissent le tamij doivent payer un supplément à la rétribution scolaire. Cette mentalité de pénaliser directement ou indirectement l’enseignement d’une langue classique ancienne et encore parlée dans le monde n’est pas saine, il faudrait au contraire encourager le tamoul. Le gouvernement indien a aussi promulgué que la langue tamij est une langue classique. On devrait introduire l’enseignement de la langue comme une langue d’option dans les écoles et dans les universités (il y en a des universités françaises – Montpellier, Sorbonne, Les Longues Orientales). Donc, des postes d’enseignement tamij certifiés et des expatriés seront disponibles, c’est déjà un avenir pour les étudiants. Je sais qu’ un de mes élèves est un chercheur tamij dans CNRS. Dans les îles colonisées, les Français hindous et les Indiens tamijs français de Pondichéry ont gardé leur patrimoine et leur tradition sans garder leur langue. Maintenant, on voudrait comprendre les rites qui sont dans les mains des brahmanes en sanskrit. Presque toutes les prières sont traduites en tamij et on a promulgué qu’on pourrait faire les pujas dans les temples par le gouvernement du Tamil Nad, en cette langue. Une association de l’île de la Réunion m’a demandé de les traduire en français. Si cette dernière est offerte au public des Français indiens, ce serait un moyen d’éveiller l’intérêt. Quand je suis arrivée à la Réunion, j’ai senti ce désir ardent. Il y a ce même désir dans les îles de Martinique, de Guadeloupe… Donc, il y a une évolution, mais elle est lente, car il y a un éveil et il y a de multiples associations qui sont créées. Je pense que ces associations doivent se donner la main sans être sporadiques, pour que la langue tamij devienne une langue d’option obligatoire et qu’elle prenne part à la francophonie plus activement. Les touristes qui viennent ici quand ils se lancent dans les vêtements, les objets d’art etc… doivent aussi se lancer dans les livres francophones qui sont dans les librairies. Ceux qui ont la chance d’emporter ces derniers, doivent aussi faire l’étalage ou la propagande auprès de leurs parents, de leurs amis et des associations. Pourquoi pas des cadeaux ! En réponse à la dernière question : je ne peux ni dire oui ni dire non. D’abord, ils sont une poignée. Ensuite, ils sont isolés. Ils ne sont pas encouragés : tout d’abord, la jalousie professionnelle des autres qui ne les présente pas aux nécessiteux. La reconnaissance par un public lettré et intellectuel n’est pas déployée. Et la publicité leur manque même s'il y a des volontaires qui voudraient offrir leur savoir gratuitement. Il y a certaines volontés qui sont dupées par des gens prestigieux et ils n’ont pas les moyens de continuer leur œuvre : en voici, un exemple pour mes contes tamouls : LES CONTES TAMOULS DE PONDICHERY (INDE DU SUD) ont été publiés en 2003 par Karthala "D’ici
à quelques jours, je vous adresserai le contrat d’auteur pour régulariser la
situation". Lettre datée du 14/02/03, par M. Robert AGENEAU, le DIRECTEUR
de la maison d’Editions KARTHALA. Il faudrait qu’on reconnaisse ces volontaires et en tirer profit car la langue tamij est une langue riche en chefs-d’œuvre littéraires et les Tamijs sont d’excellents ingénieurs informaticiens (car la langue et la culture tamijs forment l’esprit mathématique. C’est une vérité : l’apprentissage des kolams aux jeunes enfants est la base de l’enseignement de l’arithmétique). Il faudrait des clients pour acheter leurs publications. Ceux qui ont la chance d’avoir accès à ces dernières, il faut qu’ils en parlent aux autres. Les Tamijs eux-mêmes doivent s’apprêter à le faire : les gens des autres pays qui ont l’occasion de vivre à l’étranger enseignent leur langue natale, mais rares sont les parents tamijs qui le font. J’ai enseigné le tamij au Lycée Français pendant quarante et un ans, presque tous mes élèves sont en France. Quatre-vingt dix pour cent de ces derniers ont complètement négligé d’enseigner cette langue à leurs enfants... Pourtant, il y a des associations qui sont créées pour distribuer la langue, la culture… ils doivent savoir en profiter. |
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