IR : De manière générale, quelles sont les difficultés auxquelles se heurte le traducteur tamoul-français ?

SM : Pour dire les difficultés auxquelles un traducteur tamoul-français se heurte, je vais vous donner l'exemple d’une situation où je me suis trouvée et à laquelle j’ai trouvé une solution après quinze ans seulement. J’avais commencé mon métier très jeune. Une semaine après, un élève ne portant aucun intérêt pour l’enseignement du tamij, négligeait ses devoirs. A cette époque, on donnait un devoir supplémentaire qui devait être signé par les parents. J’ai appliqué cette punition. Le devoir était dûment signé. Mais, la signature était suivie d’une observation qui est la suivante : « MON FILS N’EST PAS INDISPENSABLE POUR LA LANGUE TAMOULE. »… Devinez ma réaction… J’ai rougi jusqu’aux oreilles. Quand j'ai voulu traduire l'expression, le mot à mot n’exprimait pas le sarcasme de l’expression du père. J’ai mis plus de quinze ans pour trouver l’expression exacte qui correspondait à cette phrase : « La langue tamij ne sera pas rasée si mon fils n’étudie pas le tamij. »  Quoique cela paraît en français peu approprié, en tamij, c’est cette expression qui est révoltante.

   Un autre exemple :  « Le chien aboie, la caravane passe. »  Cette même idée est exprimée en tamij comme suit : « Le chien aboie, la montagne se tient ferme » ou « c’est comme le chien qui aboie devant la montagne. »

   La même idée est exprimée différemment. Le premier est le mouvement ou l’action persistant(e), le deuxième la prééminence devant les envieux et les médisants. Dans la traduction, quand on maîtrise les deux langues, il est souhaitable qu’on emploie ce qui est approprié, mais il faudrait qu’on mette une note sur ce qu’on a modifié pour faciliter l’expression du sentiment, dans le but de montrer aux gens comment les autres pensent.

   Il y a les difficultés de syntaxe et de morphologie, car le tamij est une langue à déclinaisons.  La syntaxe devient souvent un problème. Mais ce sont des difficultés qu'on ne peut pas éviter quand on passe d’une langue à une autre. « Les mots  sont esclaves et libres, soumis à la discipline de la syntaxe, et tout-puissants par leur signification naturelle »,  a dit Mme de Staël. Le métier de traduction est évidemment difficile, mais les difficultés ne sont pas invincibles.


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