Anurag Kashyap :

"Violence for me is out there and I want to thrust it in people's faces"

      
  

   Alors que le public français pourra prochainement voir sur grand écran Gangs Of Wasseypur, film événement, nous avons posé quelques questions à son réalisateur Anurag Kashyap, qui a eu la grande amabilité de nous accorder cet entretien. Gangs Of Wasseypur a été un des films particulièrement remarqués au Festival de Cannes, en cette année 2012, dans le cadre de la Quinzaine des réalisateurs.
   En partenariat avec
La Nouvelle Revue de l'Inde.


Interview  -  Le film


Interview

  • IR/LNRI: Anurag Kashyap, your movie Gangs Of Wasseypur will be soon on screen in France: is it important for you that French people acclaim this film?

       Anurag Kashyap, votre film Gangs Of Wasseypur sera bientôt sur les écrans en France : est-l important pour vous que ce film rencontre le succès auprès du public français ?

AK: It’s important for me to find new audience. It’s important that my film goes wider and it’s often seen that when a film is accepted in France, the rest of Europe follows. I am a filmmaker, I want to reach out as far as I can, this gives me sustainability and allows me to make more films and also puts me in a position to produce more.
  
France is one of the key markets other than North America and Japan. And Indian films have had a very minimal presence there. If we change that, it also strengthens our future.

   Il est important pour moi de trouver un nouveau public. Il est important que l’audience de mon film s’élargisse et il s’avère que quand un film est bien reçu en France, le reste de l’Europe suit. Je réalise des films, je veux toucher le plus de monde possible, cela consolide mes perspectives et me donne la possibilité de continuer à faire des films et d’en produire davantage.
   Avec l’Amérique du Nord et le Japon, la France est un marché essentiel. Et les films indiens y sont très peu présents. Si nous arrivons à changer cette situation, cela nous rendra plus forts.

  • IR/LNRI: Were you happy with what happened at Cannes Festival and with the reviews?

      
    Avez-vous été heureux de ce qui s’est passé au Festival de Cannes et des critiques qui ont été faites ?

AK:  Yes , very much. We did not expect such a strong and positive reaction. We were scared because of the length of the film, also because it had music, a lot of it. But that one day at the Director's Fortnight and the reviews that followed, changed everything. Overnight we went from being a suspect film to a celebrated film. It helped with our wide Indian release too. And I thank Edouard Waintrop for believing in it so much.

   Oui, très heureux. Nous ne nous attendions pas à une reaction si forte et si positive. La longueur du film nous faisait peur, ainsi que la présence abondante de la musique. Mais tout a changé le jour de la projection dans le cadre de la Quinzaine des Réalisateurs, et avec les critiques qui ont suivi. Ce soir-là, le film est passé du statut de celui qui suscite la méfiance à celui qui suscite les louanges. Cela nous a aussi aidé pour la sortie en Inde. Et je tiens à remercier Edouard Waintrop pour y avoir cru si fort.

  • IR/LNRI: You said that Gangs Of Wasseypur is the most commercial film you have ever directed: does it mean you expect it to be a blockbuster?

       Vous avez dit que Gangs Of Wasseypur est le plus commercial des films que vous avez réalisés : cela signifie-t-il que vous espérez qu’il devienne un grand succès ?

AK: No it does not mean that I expect it to be a blockbuster. I mean it will have the maximum reach of all my films so far. Which it has got.

   Non, ce n’est pas ce que j’attends. Ce que je veux dire, c’est que ce film est conçu pour toucher un public beaucoup plus large que mes réalisations précédentes. Et c’est ce qui se passe.

  • IR/LNRI: Anyway you did not make it in a way that you could be sure it becomes a blockbuster in India, since you challenged censorship we might say... Is Gangs Of Wasseypur really a challenge?

   De toute façon vous n’avez pas réalisé ce film en prenant toutes les garanties pour qu’il devienne un film à large succès commercial en Inde, puisque vous avez en quelque sorte défié la censure… Est-ce que Gangs Of Wasseypur  est vraiment un défi ?

AK:  In a way yes it is a challenge, because it challenges the way we make films or have made them so far. And in a way no, it’s not really a challenge because it does not take the risk like Black Friday to stick to absolute truth and not change names and not use cushioning of music and all that was a choice. I don’t think one can really make a Black Friday again in this country, because our government has become more conservative than it was in last five years. And there was only two ways to make Gangs of Wasseypur, either I did it the Black Friday way and stick to absolute facts, even if they were mundane and boring, devoid of any heroism and risk ban and court cases and never having it released or camouflage it, alter it, cheat a little and have it out there. 

   D’une certaine façon, oui, c’est un défi, dans la mesure où il va à l’encontre de la manière dont nous avons, ou avions jusqu’ici, coutume de faire des films. D’un autre point de vue, non. Ce n’est pas vraiment un défi parce que je ne prends pas les mêmes risques qu’avec Black Friday, où je m’en tenais étroitement à la pure réalité, où les noms réels étaient conservés, où la musique venait arrondir les angles… tout cela par choix. Je ne crois pas que quiconque soit aujourd’hui en mesure de faire à nouveau un film comme Black Friday en Inde : notre gouvernement est maintenant plus conservateur qu’il de l’était il y a cinq ans. Alors il n’y avait que deux manières de concevoir Gangs Of Wasseypur : soit à la manière de Black Friday, en m’en tenant strictement aux faits réels, aussi banals et ennuyeux soient-ils, totalement dénués d’héroïsme, et alors je prenais le risque de l’interdiction et des procès, le risque que le film n’aboutisse jamais, ou alors je devais prendre l’option de travestir, modifier, tricher un peu, pour être sûr qu’il puisse aboutir.

IR/LNRI: For you, is violence in your movies a way to denounce social dysfunction, to crudely show reality, to attract a certain audience, what else...?

   Pour vous, la violence dans vos films est-elle façon de denoncer un dysfonctionnement social, de montrer crûment la réalité, d’attirer un certain public, ou quoi d’autre… ?

AK:  Violence for me is out there and I want to thrust it in people's faces because for long they have chosen to look away and applaud at fake heroism and flying heroes. Violence for me is just that Violence and it serves the purpose, it violates the audience. 

   Pour moi, la violence est juste là, et je veux la jeter à la face des gens, parce que depuis trop longtemps ils ont choisi de détourner le regard, d’applaudir à un héroïsme et à des héros de pacotille. Pour moi, la violence n’est que ce qu’elle est : de la Violence, et cela sert mes objectifs, cela fait violence au public.

  • IR/LNRI: Gangs Of Wasseypur is about Mafia: does Indian Mafia fascinate you? 

     
      Gangs Of Wasseypur est un film sur la mafia : la mafia indienne vous fascine-t-elle ?

AK:  For me it’s not just Mafia. When you see the entire five hours, you will see in many ways it’s also a social study of a place over time. And Crime does fascinate me, it always has.

   Pour moi, le sujet ne se limite pas à la mafia. Lorsqu’on regarde l’intégralité des cinq heures du film, on voit que, par bien des aspects, c’est l’étude sociale d’un lieu à travers les époques. Mais par ailleurs oui, le Crime me fascine, il m’a toujours fasciné.

  • IR/LNRI: In its general conception and design, is this movie really different from any mainstream Bollywood movie?

      
    Dans sa conception générale, son esthétique, le film est-il au fond très différent des productions typiques de Bollywood ?

AK: Yes. The film references Bollywood and Bollywood is a character in the film. It’s a culture and an influence in the film. The film shows affectations of it vis a vis the people in that world.

   Oui. Le film fait référence à Bollywood et Bollywood est un personnage du film. Il y a dans le film une culture et une influence bollywoodiennes. Il montre les effets de Bollywood sur les gens dans ce monde-là.

  • IR/LNRI: When people compare you with Tarantino, Coppola, Scorsese, Leone..., does it rile you? Would you not prefer that they notice your own distinctive artistic features?

   Lorsqu’on vous compare à Tarantino, Coppola, Scorsese, Leone..., cela vous agace-t-il ? Ne préfèreriez-vous pas que l’on mette plutôt en avant votre propre originalité artistique ?

AK:  I hope they notice what I do. I cannot deny how deeply Scorsese affects me, but with this film we did not refer to anything Hollywood or even European. So yes those comparisons do sometimes rile me.

   J’espère que les gens se rendent vraiment compte de ce que je fais. Je ne peux nier l’impact profond de Scorsese sur moi, mais avec ce film, nous n’avons fait aucune référence à Hollywood ou au cinéma européen. Donc oui, ces comparaisons m’agacent parfois.

  • IR/LNRI: Who are the Indian film makers you admire the most (in past times and nowadays)? Why?

   Quels sont les réalisateurs indiens (anciens ou actuels)  que vous admirez le plus ? Pourquoi eux ?

AK:  Guru Dutt, Bimal Roy then and Dibakar Bannerji, Vishal Bharadwaj now. In Tamil it’s Bala, Vetrimaran, Sasi Kumar, Ameer Sultan, Selva Raghavan etc. I cannot really articulate why I admire them.

   Guru Dutt, Bimal Roy, puis Dibakar Bannerji, Vishal Bharadwaj aujourd’hui. Parmi les Tamouls : Bala, Vetrimaran, Sasi Kumar, Ameer Sultan, Selva Raghavan etc. Difficile d’expliquer clairement pourquoi je les admire.

  • IR/LNRI: Do you think Indian cinema, at last, will be soon widely acclaimed by Westerners?

Pensez-vous que le cinéma indien sera enfin bientôt largement apprécié par les Occidentaux ?

AK: I again hope so. I hope they see Indian films in their own context like they see the Chinese martial art films or the Korean films.

   Je l’espère. J’espère qu’ils considèreront ce cinémo indien en function de son contexte spécifique, comme ils le font pour les films d’arts martiaux chinois ou les films coréens.

  • IR/LNRI: Can you say anything about your next movies, Bombay VelvetDogaMintoUgly?

   Pouvez-vous nous dire quelques mots au sujet de vos prochains films, Bombay Velvet, Doga, Minto, Ugly ?

AK:  Ugly is what I start next. It’s a genre film, a kidnap drama. Bombay Velvet is loosely inspired from Gyan Prakash's book Mumbai Fables and also co written by him. It’s the story of Bombay before it became Mumbai. It again deals with Crime but also deals with Jazz that briefly existed in the 60's in the city. It stars Ranbir Kapoor, Anushka Sharma and Naseeruddin Shah. Rest it’s too early to talk about.

   Ugly est le prochain à être programmé. C’est un film de genre, sur un kidnapping. Bombay Velvet est librement inspiré du livre de Gyan Prakash, Mumbai Fables ; Prakash est d’ailleurs aussi coscénariste. C’est l’histoire de Bombay, avant sa transformation en Mumbai. Il sera à nouveau question de crime, mais aussi de jazz, puisque cette musique a connu une mode éphémère à Bombay dans les années 60. Ranbir Kapoor, Anushka Sharma et Naseeruddin Shah sont en tête d’affiche. Il est trop tôt pour parler des autres films.

Haut de page


Le film


GANGS OF WASSEYPUR PARTIE 1 - Bande-annonce VO par CoteCine

 
 

   Le film d'Anurag Kashyap, présenté à Cannes 2012 dans le cadre de la Quinzaine des réalisateurs, a déjà suscité beaucoup de réactions, positives en général. Happiness Distribution propose à partir du 25 juillet 2012 la première partie de cette saga de gangsters, d'une durée totale de cinq heures - la seconde partie étant prévue pour l'automne.

   Synopsis : Wasseypur, Inde. La ville voit s’affronter trois générations de gangsters, héritiers de deux clans. Celui de Shahid Khan, qui le premier se lança dans le pillage de trains britanniques, contre celui du clan de Ramadhir Singh, au pouvoir sans partage sur la région. Devenu paria, Shahid Khan est contraint de travailler dans la mine de son pire ennemi.
   Sardar Khan, fils de Shahid et coureur de jupons invétéré, a juré de rétablir l‘honneur de son père en devenant l‘homme le plus redouté de Wasseypur.

Gangs Of Wasseypur est une saga épique de cinq heures vingt exploitée en deux épisodes, décrivant la rivalité sur trois générations

(1941/2009) de deux gangs rivaux dans une ville de province. Anurag Kashyap signe un polar explosif entre Bollywood et l’école de Mumbai où s’entrelacent mariage, humour, trahison, vengeance, exécution et comédie musicale. Cette fresque de 45 millions de dollars aux 340 acteurs est le plus gros budget jamais accordé à un projet sans star en Inde.
   Il existe une multitude de cinémas indiens. "Bollywood" ne désigne pas un genre mais une industrie. Plus précisément, l‘industrie en langue hindi, de la région de Bombay (aujourd‘hui Mumbai). Si la région Hindi est la grande productrice de Bollywood, le Tamil, le Thengu, le Bengali ou le Malagali -entre autres- produisent d‘autres films, dans d‘autres genres. En tout, plus de 1 000 films sont certifiés chaque année par le gouvernement.
   Si certains codes se sont développés au sein du cinéma indien pour des raisons, culturelles et commerciales, telles que le chant et la danse, ceux-ci ne sont ni exclusifs à Bollywood, ni caractéristiques. Des films tamouls par exemple ont pu utiliser ces codes ou les détourner avec succès. Tout comme de nombreux films hindi se font aujourd‘hui de plus en plus sans scènes dansées. On observe aujourd’hui l’émergence d‘un cinéma subtil, urbain, audacieux sur le plan social et politique
   Projeté à Cannes où le cinéma indépendant indien était à l’honneur cette année,
Gangs Of Wasseypur d‘Anurag Kashyap a surpris de par son côté atypique et séduit les critiques et les distributeurs du monde entier.

   D'autres informations sur : http://www.happinessdistribution.com.

Haut de page


   

Retour à la page précédente

SOMMAIRE