Inde du Nord,Gloire des princes, louange des dieux

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Page 1 : Introduction  -  Repères  -  Image
Page 2 : Plan de l'exposition
Page 3 : Liste des oeuvres exposées
Page 4 : Concerts et spectacles      -     Jeune public


Plan de l'exposition

   Salle 1 : des premiers sultanats à l’empire moghol

   En 1236, à la mort du sultan Iltutmich, un pouvoir turc était fermement établi à Delhi. La puissance du royaume baptisé « sultanat de Delhi », s’amplifia encore lorsque les souverains musulmans successifs entreprirent de conquérir d’autres régions de l’Inde. Des immigrants d’Asie centrale vinrent y exercer leur métier, occuper des fonctions administratives, ou chercher aventure et fortune dans les nouvelles cours musulmanes de l’Inde. Le sultanat de Delhi devint bientôt l’un des hauts lieux culturels du monde. S’y pressèrent érudits, poètes, artisans, peintres et musiciens venus de villes comme Chiraz, Ispahan ou Hérat.
   Cette salle présente des instruments originaires d’Asie Centrale (tambura, ghichak, flûte, tambour sur cadre) qui furent progressivement importés en Inde à l’époque des Sultanats.
   Elle présente également les instruments du naqqara-khana, l’orchestre royal (tambours, trompes et hautbois). Emblématique du pouvoir moghol, le naqqara-khana interprétait des musiques militaires pour annoncer le retour en grande pompe du souverain ou pour accompagner les festivités qui entouraient les mariages princiers. Il ponctuait aussi la journée du souverain marquant régulièrement l’heure.

   Salle 2 : la demeure de Sarasvati

   Instrument sacré, la vina est l’attribut de Sarasvati, déesse hindoue de la Musique et du Savoir. Au cours des siècles, la vina incarna l’essence même de l’esthétique du raga. Selon les auteurs médiévaux, elle permettait en outre d’atteindre la plus haute félicité et le but ultime de toute existence, la libération. Il n’est donc pas surprenant que la vina ait été tenue en grande considération et que ses interprètes aient été traités avec respect et admiration.
   Instrument très prisé dans les cours indiennes et musulmanes, la vina aussi appelée bin accompagnait la musique vocale dhrupad, genre musical empreint de dignité et très apprécié de l’élite des cours royales. Dans le courant du 18e siècle, la bin  tomba progressivement en désuétude notamment en raison de l’affaiblissement du pouvoir moghol et de l’apparition et du développement du sitar. C’est aujourd’hui un instrument en voie de disparition qui n’est plus joué que par quelques rares musiciens.

   Salle 3 : le luth de cour

   Le rabab de l’Inde médiévale connut une importance voisine de celle de la bin. La tradition orale associe le rabab indien au fils du célèbre Tansen, chanteur, poète et compositeur à la cour d’Akbar. Bien que le rabab ait aussi lentement disparu de la scène musicale dans la seconde moitié du XIXe siècle, les joueurs de sarod et les sitaristes d’aujourd’hui doivent de nombreux aspects de leur technique et de leur style aux grands rababi qui furent leurs prédécesseurs et maîtres. A l’instar de la bin, le rabab fut intimement associé au chant dhrupad. Toutefois, des sources écrites et picturales montrent que l’instrument était aussi fréquemment joué dans les assemblées soufies et qu’il accompagnait également d’autres types de musiques.

   Salle 4 : bardes et baladins

   Durant cinq siècles, le sarangi fut probablement l’instrument à cordes frottées le plus répandu dans la moitié nord de l’Inde. Sa sonorité émouvante présente de profondes affinités avec la voix et dès son apparition, il accompagna le chant. Le sarangi et son proche parent le sarinda appartiennent à une importante famille de vièles à manche court, répandue du Kazakhstan, en Asie centrale, à l’Assam, une province aux confins nord-est de l’Inde. A l’origine, ces vièles semblaient n’être destinées qu’à jouer un rôle secondaire entre les mains de bardes et de « mendiants » itinérants qui sillonnaient les vastes étendues du sous-continent. Considérés le plus souvent avec mépris, ces musiciens représentaient une tradition rurale, exclue des cours aristocratiques.
   Dans le courant du XVIIIe siècle, le sarangi fut associé aux courtisanes, animatrices et chanteuses très recherchées des quartiers de plaisir des villes indiennes. Les joueurs de sarangi devinrent la fois professeurs ou répétiteurs de chant mais aussi accompagnateurs de ces courtisanes. De même, les danseuses de nautch, qui furent pendant une brève période à la mode dans la société anglo-indienne, étaient accompagnées par des joueurs de sarangi.
   Dans la seconde moitié du XIXe siècle, la plus grave menace ne fut pas pour les joueurs de sarangi la dépréciation de leur statut d’accompagnateur en raison de leurs association aux chants et danses jugés licencieux par une société coloniale puritaine mais plutôt la concurrence d’un nouveau venu, l’harmonium.

   Salle 5 : les battements du cœur de l’Inde

   Le tambour est un élément indispensable à l’expression de la musique indienne. Depuis des millénaires, le sous-continent indien est le foyer d’évolution d’une extraordinaire variété d’instruments conçus pour traduire de manière convaincante le système métrique et rythmique le plus complexe et le plus savant du monde. Que les percussionnistes soient musiciens populaires de petits villages ou joueurs de tabla réputés se produisant sur les scènes internationales, leurs techniques éblouissantes inspirent un respect émerveillé.
   En deux mille ans, les formes et les fonctions des tambours indiens ont beaucoup évolué ; toutefois, on considère généralement que le pakhavaj, tambour à deux faces accompagnant le chant dhrupad, la bin et le rabab, a conservé de nombreuses caractéristiques de ses ancêtres. Il est aussi bien appelé mridang, et le mridangam de l’Inde du Sud lui est fortement apparenté. La paire de tambours constituant le tabla moderne, si répandu aujourd’hui, est communément considérée comme un dérivé du pakhavaj, bien qu’il semble évident qu’elle ait également intégré des éléments provenant de tambours, tels que le dholak qui accompagnait souvent la vina et le rabab pendant la période moghole, ainsi que d’autres caractéristiques propres aux timbales comme le naqqara, lui-même affilié aux tambours d’Asie centrale.

   Salle 6 : le chant du tambura

   On situe l’origine du luth à manche long en Arabie au Ve siècle, et celle de sa version frettée dénommée tanbur au Xe siècle, à Bagdad et au Khorasan. Le tanbur pénétra en Inde par le nord-ouest et devint un instrument familier des cours indo-persanes mais ce n’est qu’à la fin du XVIe siècle que l’iconographie commence à attester de luths faisant fonction de bourdon. Appelé tambura dans la tradition indienne, le « tanbur bourdon » fut alors adopté de manière systématique pour accompagner le chant classique dont il devint le support indispensable. A la fin du XVIIIe, des tambura beaucoup plus volumineux furent construits. L’accroissement des dimensions fut probablement concomitant avec l’essor du style khayal, une des nombreuses formes vocales de l’Inde du Nord.

   Salle 7 : l’éclectisme du sitar

   Depuis le XIIe siècle, les littératures persane et arabe mentionnent le setar – du persan se, « trois », et tar, « corde » - et à partir du XVIe siècle, il figure dans des manuscrits illustrés où il est joué « en solo ou accompagné du daf, dans des scènes champêtres, au bord de ruisseaux limpides ».
   D’origine persane, le sitar indien apparaît à Delhi au XVIIIe siècle et ne tarde pas à se faire une place importante dans la vie urbaine de l’Inde du Nord. Quelques décennies après son apparition à Delhi, il est intégré aux troupes de musiciens et saltimbanques pour accompagner chants et danses populaires. Dans le courant du XIXee siècle, l’instrument va connaître un certains nombre d’évolutions et les musiciens vont développer des styles distincts qui emprunteront aux répertoires de la vina et du rabab.
   Au cours du XXe siècle, la radio et l’industrie font offrir à quelques sitaristes un renom national , puis international. Dans le même temps, on standardise les proportions des sitars et le montage des cordes. Cependant, la sonorité et les qualités techniques des sitars actuels sont superbes, et la virtuosité de jeunes sitaristes fait pleinement honneur au passé fécond de cet instrument. Aujourd’hui, le sitar demeure un symbole de la vitalité de la musique classique indienne.

   Salle 8 : de Kaboul à Calcutta

   De tous les instruments indiens, le sarod est sans doute celui qui, en l’espace d’un siècle environ, a connu les plus nombreuses transformations. Il parvint dans le courant du XXe siècle à se hisser au plus haut niveau de la musique instrumentale, notamment grâce aux quelques interprètes qui en furent les talentueux représentants. Ironie du sort, dès son apparition, il emprunta de nombreuses techniques au respectable rabab indien qui perdit peu à peu de son prestige pour finalement tomber dans l’oubli quasi général.
   Le sarod moderne se reconnaît sans peine à sa caisse de résonance profonde et très échancrée, tendue de peau de chèvre, et à sa touche en métal poli.
   L’observation chronologique des instruments exposés ici offre un aperçu de l’évolution du sarod, à partir de la migration de son ancêtre le rabab afghan, depuis son foyer d’origine, Kaboul et les régions limitrophes du nord-ouest, jusqu’aux cours royales de l’Inde du Nord et de Calcutta où le sarod émergea comme un instrument à part entière.

Commissariat de l’exposition
Philippe Bruguière,
conservateur au musée de la Musique
Joep Bor, directeur de recherche du Collège de Musique et de Danse de Rotterdam


 

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