Martine
Quentric-Séguy :

"J'ai écrit surtout pour transmettre l'esprit du Védanta"

    
  
   La sagesse et la spiritualité indiennes sont une source intarissable pour qui est en quête... de soi, de Dieu, de l'harmonie, de l'Absolu... Que la parole transmettant cette sagesse et cette spiritualité passe par la bouche d'une non indienne n'enlève rien à leur authenticité. Ecoutons ainsi Martine Quentric-Séguy, auteur notamment de nombreux contes "indiens".

Interview      Contes des sages de l'Inde
Miracle ! (conte inédit)


Interview

  • IR : Martine Quentric-Séguy, pouvez-vous tout d'abord vous présenter à nos visiteurs ?

    MQS : La soixantaine, j'ai vécu un tiers de ma vie entre l'Inde, le Pakistan et l'Indonésie. Psychothérapeute et peintre, j'écris pour témoigner.

  • IR : A quand et à quelles circonstances remonte votre passion pour l'Inde, si le mot passion est approprié ?

    MQS : Je n'ai pas de passion pour l'Inde en soi, mais j'ai trouvé les réponses que je cherchais dans ses philosophies. Je porte une grande reconnaissance à ses sages.
       J'ai cherché le moyen de me guérir des expériences de la vie que je ne parvenais pas à digérer sans aide. Ce faisant, j'ai d'abord cherché au plus près de la tradition familiale dans le Christianisme suivant tour à tour les enseignements des catholiques, des protestants et des orthodoxes. J'ai pris la décision d'être dominicaine mais la Mère Supérieure m'a conseillé de "voir le monde" avant d'entrer au couvent. J'ai suivi ses conseils. C'est ainsi que j'ai rencontré l'Islam dans sa beauté, des chamanes, le Bouddhisme, les multiples formes de la psychologie occidentale,... et finalement la voie du Vedanta dans l'Hindouisme.


  • IR : Vous vivez à présent en Inde : Cela a-t-il changé votre vision de ce pays ?

    MQS : Oui, comme beaucoup d'occidentaux je fantasmais l'Inde. Aujourd'hui, je la vois un peu mieux, mais c'est un continent plus qu'un pays, qui peut connaître tout un continent en une seule vie ?
       Ce qui a changé surtout, c'est ma façon de comprendre les enseignements trouvés dans les livres. En voyant sur place ce que cela signifie, les mots ont pris un autre sens parfois.
       Ainsi la "compassion" bouddhiste n'a rien à voir avec le même mot en occident : c'est l'un de ces "faux amis" de la traduction. Et quand un Maître indien nous parle de "contrôle des sens" il n'évoque aucunement les mortifications des chrétiens. C'est important de remettre les idées en ordre avant de se mettre en chemin.


  • IR : Quelle est votre vision de la religion et de la spiritualité hindoues ?

    MQS : Il n'y a pas une mais des voies religieuses en Inde. Un jour dans un train un voyageur m'a demandé : "quelle est votre folie ?". J'étais surprise assurément, il a expliqué : "Si vous avez une idée de ce que vous cherchez, il y a quelqu'un en Inde pour vous accompagner, on trouve tout en Inde !". Et c'est vrai : Ici, il suffit de chercher sincèrement, tout sera toléré, et tout trouve un lieu, un moyen, une communauté pour support. C'est la richesse de l'Inde qui attire, mais parfois effraie, les touristes.
       Comme tout est possible, on peut sombrer dans le pire chaos, ce qui se voit couramment, ou retrouver la Source de tout ce qui est, cela se voit aussi. Or, pouvoir voir, de nos propres yeux, des sages vivant parmi nous, est un cadeau, une grâce formidable : Voici des humains qui ont deux bras, deux jambes, qui mangent et dorment, qui parlent et marchent comme nous et qui sont passés de l'autre côté des masques et des miroirs. Puisque des humains ont pu le faire, nous pouvons le vivre aussi : Quelle promesse !


  • IR : Vous avez suivi les enseignements d'un Maître védantin. Pouvez-vous nous en dire davantage sur ce courant spirituel ?

    MQS : Le Védanta est l'une des voies de l'Hindouisme ou plutôt du Sanâtana Dharma. Le mot "hindouisme" fut inventé par des occidentaux qui ont parlé de tout ce qui se disait, vivant, pensait au-delà du fleuve "Sindh", tout ce qui était "Sindhou"... Pour les indiens, il s'agit de Sanâtana Dharma : L'éthique et les lois cosmiques éternelles. Il s'agit donc de retrouver le fil d'une conformité avec le juste fonctionnement de l'être, du monde, de ce qui est imperceptible pour les six sens. Car aux cinq sens matériels reconnus en occident s'ajoute le mental, sens immatériel mais important dans notre fonctionnement.
       Le Védanta est une voie par laquelle notre mental, notre intellect puis notre intuition mènent l'enquête en vue de reconnaître que "tat tvam asi" : "Cela, tu l'es", et "Ce qui est, Est, Un sans second".


  • IR : Nombre de vos écrits sont des "contes indiens". Avez-vous préalablement étudié de près la tradition narrative indienne, les contes du Panchatantra ou autres ouvrages anciens et modernes? En quoi consiste l'indianité de vos textes ?

    MQS : J'ai écrit surtout pour transmettre l'esprit du Védanta. Il y a des essais qui peuvent sembler difficiles. En écrivant des contes j'ai suivi l'exemple des maîtres : Lorsqu'une explication purement philosophique nous laissent bouche bée, ils donnent un conte qui dit la même chose, autrement. Souvent j'ai compris ainsi par l'intuition et le coeur ce que mon intellect ne parvenait pas à saisir.
       Ce n'est qu'après avoir publié des livres de contes que je me suis plongée dans la tradition écrite. Tout ce que je raconte je l'ai reçu de bouche à oreille, en situation, en réponse à mes questions brûlantes. Quant à leur indianité, il se peut que tant d'années ici m'aient donné un peu du parfum du lieu.


  • IR : Pourriez-vous évoquer plus en détail ce très beau petit livre Contes des sages de l'Inde, publié au Seuil ? Il se donne comme un livre qui "n'est pas fait pour être lu mais pour être fréquenté comme un ami proche, secret". Qu'est-ce à dire ? Quelle est cette sagesse que laisse déjà apparaître le titre ?

    MQS : Les Contes inclus dans Contes des sages de l'Inde sont une sélection faite par le Seuil, de quelques uns des contes du livre Au bord du Gange publié auparavant chez eux. Au bord du Gange tentait, en soixante-dix-sept contes, de faire parcourir, dans un ordre traditionnel, toutes les bases de l'enseignement du Védanta. Les Contes des sages de l'Inde offrent des moments de réflexion. Le livre peut être ouvert n'importe où en fonction du besoin du jour. J'aimerais que les mots qui viennent sous ma plume soient un tremplin pour trouver ce pur "Je Suis" que nous sommes.

  • IR : Terreur, le Cheval Merveilleux est destiné au public enfantin : que raconte ce texte ?

    MQS : Pour assister le prince héritier dans sa future gestion du pays, le premier ministre de Champâpuri, à la demande du roi vieillissant, part en quête du "Cheval Merveilleux" qui donne à celui qui le monde sagesse, courage, invincibilité. Un marchand de chevaux promet de le lui apporter s'il le trouve. Or, alors qu'il est dans son troupeau il ne le reconnaît si peu qu'il ne l'aime pas et l'a surnommé "Terreur". Il trouve d'ailleurs un moyen de l'abandonner en route chez un potier. "Terreur" et le potier deviennent vite amis. Champâpuri recevra l'aide de "Terreur" non grâce à son prince pusillanime, mais grâce à une petite princesse et au potier qui, eux, sont en adéquation naturelle avec la "Merveille".


  • IR : Que cherchez-vous à procurer au jeune public à travers un tel ouvrage ?

    MQS : Il y a d'abord une image de ce que peut être une amitié sincère. Ensuite et surtout, ce conte est une image de la quête de "Ce" qui nous rendra forts, heureux, éternels. Certains cherchent "le Cheval Merveilleux" pour obtenir une protection toute matérielle, et ne le trouvent pas. D'autres l'ont et ne le reconnaissent pas. Ceux qui le voient trouvent sa présence toute naturelle et l'aiment sans demander autre chose que Sa Présence. Ceux-là non seulement trouvent le bonheur mais encore l'apportent aux autres.
       Puissions-nous tous devenir "féminins, enfants, potiers (le potier est une image du divin qui créa Adamah "le glaiseux").


  • IR : Quels sont désormais vos projets ? La Réunion et les Réunionnais, d'origine indienne notamment, peuvent-ils espérer vous rencontrer sur l'île ?

    MQS : Je n'ai pas de projets : Chaque fois que mon mental a imaginé une suite à ma vie, "Cela" (ou "Dieu" ou... ?) en a décidé autrement. J'écoute, je flotte au gré de la vie. Il se peut que j'écrive puisqu'on m'a demandé deux livres, il est pensable que je peindrai, que je conterai, que je tendrai la main à ceux qui viennent voir la psychothérapeute. Je serais très heureuse de venir à la Réunion et de rencontrer les Réunionnais. Je n'ai pas de projet personnel en ce sens, mais si cela doit être, cela sera, n'est-ce pas ?
       La seule chose essentielle qui n'est pas un projet mais un besoin, comme l'air et l'eau : Il faut que je médite et m'établisse en sereine adéquation avec "Ce qui dit Je en moi".

 

Haut de page


   

Retour à la page précédente

SOMMAIRE