Patrice Comorassamy :

" La découverte de cette religion est devenue une passion"

        
  

   Dans sa volonté d'ouvrir ses pages à tous ceux qui sont susceptibles d'apporter une contribution particulièrement intéressante ou originale à la connaissance des cultures indiennes et indo-créoles, Indes réunionnaises donne aujourd'hui la parole à un jeune "Malbar" qui œuvre avec ardeur à connaître et faire connaître les divinités populaires de l'hindouisme villageois, objet de cultes souvent fervents dans le milieu indo-réunionnais. Voici donc ce que Patrice Comorassamy a à nous dire.


Interview  -  Blog


Interview

  • IR : Patrice Comorassamy, pouvez-vous tout d'abord vous présenter à nos visiteurs ?

PC : Je me nomme Comorassamy Patrice, j’habite dans l’Ouest. Je suis née sur l’île de la Réunion ; « Malbar » d’origine, je pratique la religion de mes ancêtres qu’on appelle : l’Hindouisme.
   La découverte de cette religion est devenue une passion, car chaque jour on en apprend un peu plus, ce qui nous permet de comprendre cette religion qui dirige notre vie.
  
Je suis aussi le créateur du blog http://karuppanswamy.wordpress.com qui présente certaines divinités villageoises (Marsi, Mardin, Pétiaye...)
  
Mais aussi de deux pages sur le réseau Facebook appelées : « Karrupu Swamy (Marsi Kalpou) : page de partage de photos, vidéos… des fêtes dans le monde. Et d’une autre page « Sri Maha Vishnou » : une page consacrée aux fêtes en l’honneur de Sri Maha Vishnou (photos, vidéos…).


Sept Munîswaran (Inde)

  • IR : Depuis quand vous intéressez-vous de près à la religion populaire pratiquée dans le milieu tamoul de la Réunion ? Est-ce une tradition familiale ?

PC : La religion populaire pratiquée dans le milieu tamoul, je la pratique depuis ma naissance. Du côté de mon père et de ma mère, la pratique de cette religion s’est toujours faite. Elle provient donc d’une descendance et par conséquent d’une tradition familiale. Mes ancêtres venant de l’Inde ont apporté avec eux leurs croyances, ici sur cette île.

  • IR : Comment avez-vous acquis vos connaissances en la matière, par des recherches, une transmission de maître à disciple, un vécu personnel... ?

PC : La connaissance concernant la pratique du culte des divinités villageoises (Grâma-Devatâ) s’est faite d’une part par la pratique d’un culte en particulier, celui de « Karuppu Swamy » appelé à la Réunion « Marsi Kalpou ». Ce culte provient d’une tradition familiale. En voulant approfondir la connaissance sur son culte, une volonté de s’intéresser aux différentes divinités villageoises s’est fait sentir. Les recherches se sont déroulées pour commencer à l’aide d’internet, puis par la suite en utilisant des livres sur les divinités spécifiques aux villages. Et actuellement, à l’aide d’un réseau de type Facebook qui permet d’entrer en communication avec des personnes d’origines malaysiennes, etc., qui pratiquent beaucoup ce genre de culte. Mais une partie de la connaissance provient aussi des ancêtres et donc d’une transmission de maître à disciple, de génération en génération.

  • IR : Pouvez-vous nous rappeler et nous expliquer quelles sont les grandes spécificités de l'hindouisme populaire à la Réunion, et ce qui peut le différentier d'un hindouisme plus "classique" ?

PC : Les particularités de l’hindouisme populaire... c’est à mon avis la pratique du culte des divinités considérées en Inde comme divinités villageoises, dans les différents temples familiaux et bien sûr dans les grands temples de l’île. La pratique de ce culte est très présente sur l’île. Je dirais qu’il n’existe pas cette notion de hiérarchie entre les dieux sur l’île.  Il n’y a pas cette différence de catégorie : divinités villageoises et autres… L’avantage est donc d’avoir une population qui est unie autour des différents temples ; peu importe la divinité principale.
   Ensuite, le culte des ancêtres est très présent au niveau de l’hindouisme populaire. Durant les cérémonies, on peut apercevoir des « Poursarlis » ou « Malarlis » faisant appel aux esprits… Le culte des ancêtres et de certaines divinités villageoises est associé aux sacrifices d’animaux qui sont très populaires sur l’île. Bien sûr, cela lance le débat du sacrifice animal, mais pour cela,  je dirais que seuls les pratiquants de ces rites peuvent en discuter (ceux qui critiquent, ce sont ceux qui ne pratiquent pas ce culte).
   L’hindouisme classique, je dirais plutôt en référence au culte de divinités telles que Shiva, Vishnou... se pratique dans les grands temples de l’île.


Karuppu Swamy (Malaisie)

  • IR : Quelles sont les divinités villageoises que vous avez particulièrement étudiées ? Est-il possible et pertinent de les classer par ordre d'importance ?     

PC : Mes recherches se sont portées en priorité sur « Karuppu Swamy » appelé à la Réunion « Marsi Kalpou ». Ensuite sur « Muneeswaran ». En effectuant des recherches on entend parler de Ayyanar qui n’est pas très connu sur l’île. On associe Ayyanar comme divinité principale et les autres Karval Deivam tels que « Karrupan Swamy (Marsi) », « Sudalai Madan (Mardin) » …comme serviteurs de celui-ci. Pour moi, je ne vois pas l’utilité d’effectuer un classement, car seule la foi en une divinité compte. Plus la foi est grande, plus l’importance de la divinité l'est aussi.

  • IR : Voudriez-vous par exemple nous parler plus en détail de Kartéli : ses attributs, son culte, son importance...

PC : Katéri Amman est plus connue sous le nom de « Kartéli » à l’île de la Réunion. On dit qu’elle a été créée pour aider la mère Mayana Kali (Masana Karli) au cimetière à contrôler des esprits. Malheureusement, des personnes utilisent cette divinité pour la magie noire, car elle est dotée de pouvoirs spéciaux. On peut apercevoir différentes représentations de Katéri Amman. Katéri Amman est adorée comme « Karval Deïvam », elle accepte toutes les boissons alcoolisées, les cigarettes, les sacrifices d’animaux… On dit que le « Rhum » est une boisson qui peut guérir et nettoyer l’intérieur de soi. A la Réunion, son culte se déroule sous un arbre dans les propriétés familiales, on effectue des sacrifices de poules de couleur noire ou grise. De plus, certaines personnes vont demander à Katéri de nuire à d’autres personnes parce qu’ils n’aiment pas ces personnes et c’est pour cela qu’ils procèderont à des offrandes.

  • IR : Et qu'en est-il de Ayya, pour prendre un autre exemple ?

PC : Ayyanar (Ayya) est un dieu de villages, vénéré principalement dans l’état du Tamil Nadu et dans les villages tamouls du Sri Lanka. Il est principalement adoré comme un gardien qui protège les villages ruraux. « Ayyanar ou Aiyanar » est composé du mot « Ayya » qui est souvent utilisé pour désigner les gens respectables. Ce terme signifie aussi  un « frère aîné ». Ayyanar est donc issu d’une combinaison de mots qui signifie : «  chef d’un groupe ». C’est pour cette raison qu’on raconte qu’Ayyanar est à la tête d’une armée de dieux : vingt-et-un au total, qui sont ses serviteurs (dont Karrupu Swamy, Sudalai Madan…). A la Réunion, il est rare de voir des temples dédiés en son honneur. Donc son culte reste encore un mystère.


Vâzhmunisvarar ou Vaaza Munneeswar (Inde)

  • IR : Avez-vous eu l'occasion de comparer le culte que l'on voue à ces divinités à la Réunion et les pratiques en vigueur en Inde-même ?

PC : Après des recherches, on constate que dans les temples des villageois, le culte se déroule par des sacrifices d’animaux comme sur l’île. Mais les animaux ne sont pas les mêmes : oiseaux, chèvres… Sur l’île c’est plutôt : boucs, coqs… On peut voir des vidéos ou dans les villages, les personnes appellent les divinités à entrer en elles ; elles sont revêtues avec des habits de divinités. Le principe reste le même : la foi de croire en une divinité nous amène à des actes de dévotion spécifiques. Alors que sur l’île nous invoquons plutôt les « gourous » c'est-à-dire notre maître spirituel ou bien nos  ancêtres.

  • IR : On constate qu'à la Réunion les pratiques hindouistes rencontrent des pratiques chrétiennes : quel rôle ces interférences ont-elles dans le culte des divinités villageoises ?

PC : En effet, on constate que dans certains temples, on retrouve un Saint qui appartient à la religion chrétienne : notamment Saint-Expédit.  Il rassemble autour de lui des adeptes du bien et de la sorcellerie, il est respecté par les deux religions. On associe  également Saint-Expédit à la déesse  Karli parce qu’on raconte que durant l’esclavage il y avait des problèmes entre les pratiques hindouistes et les pratiques chrétiennes. Mais lorsque les engagés indiens ont vu Saint-Expedit, ils l’ont associé à la déesse Karli, de par sa couleur rouge. On dit aussi, qu’il est associé à Madurai Veeran (Mardévirin) parce qu’il représente la richesse et la force.


Matura Vîran (Perak)

  • IR : Le culte de certaines divinités, à la Réunion, inclut, vous l'avez dit, des sacrifices d'animaux : pouvez-vous nous en rappeler la raison et donner votre opinion au vu de la désapprobation dont ne manque pas d'être frappée cette pratique de la part de diverses personnes ?

PC : Beaucoup de personnes remettent en cause cette pratique, en affirmant : « cela n’est pas écrit dans les livres », ou d’autres  remettent en cause « la tradition des ancêtres ». Moi, je suis totalement CONTRE cet avis. Cette tradition existe depuis bien longtemps ; en Inde, en Malaisie ou dans d’autres pays le sacrifice animal existe. En Inde à une époque on avait bien des sacrifices humains, des sacrifices de cheval... Et actuellement, des sacrifices de boucs, de chèvres, de poules, d’oiseaux…s’effectuent encore et encore. Dans les villages le sacrifice animal est très présent…
  
Un extrait de la Bhagavad-Gita m’a toujours interpellé : « Parce qu’ils sont mandatés pour subvenir aux nécessités de la vie, les Devas, satisfaits par ces YAJGAS (sacrifices), pourvoiront à tous vos besoins. Mais qui jouit de leurs dons sans rien leur offrir en retour est certes un voleur. » (Verset 12 – KARMA YOGA)  A méditer…

  • IR : Constatez-vous actuellement une évolution dans les pratiques de la religion dite "tamoule" à la Réunion ? Et dans les mentalités associées à cette religion ?

PC : Oui je constate qu’il y a aujourd’hui une évolution au sein de la communauté tamoule à la Réunion, une volonté d’innover et de se rapprocher de l’Inde. D’une part en rénovant les temples, avec la réalisation de Gopuram traditionnels, de sculptures… D’autress part la présence de jeunesse tamoule Réunionnaise est de plus en plus visible (création d’associations…) ; une jeunesse qui possède une volonté d’apprendre et de perpétuer la tradition de nos ancêtres.

  • IR : Avez-vous des projets particuliers, outre le développement de votre blog consacré aux divinités villageoises ?

PC : Des projets avec mes amis : Manikanden Ayappa Alendroit, Stéfan Naminzo, Laurent Govindin… ont en a beaucoup... Mais la décision n’est pas encore prise… L’avenir nous le dira… Comme le dit souvent Stéfan : « Nou met toute dan la main Gardien.»


Sangli Kalpou (Inde)

Haut de page


Blog

 
       

   Ainsi, Patrice Comorassamy, pour faire partager au plus grand nombre sa passion et les connaissances qu'il a pris le temps d'acquérir, a mis en ligne ce blog, abondamment illustré par l'image, où l'on trouvera des informations en particulier sur sept des principales divinités villageoises de l'hindouisme : Katéri Amman (connue à la Réunion sous le nom de Kartéli), Madurai Veeran (Mardévirin), Periyachi Amman (Pétiaye), Ayyanar (Ayya), Bhairava (Massanin Vilain), Sudalai Madan (Mardin) et Karuppu Swamy (Marsi kalpou). Le blog se trouve à cette adresse : http://karveldeivams.wordpress.com

    
       

Haut de page


   

Retour à la page précédente

SOMMAIRE