MAHA SHIVARATRI :

La Grande Nuit de Shiva

    
  
La fête hindoue de Maha Shivaratri est peu connue à la Réunion, où elle passe beaucoup plus facilement inaperçue que des manifestations aussi spectaculaires que celles qui accompagnent le Kavadi, le Dipavali ou les marches sur le feu. Il m'a donc paru intéressant de faire mieux connaître cet hommage au Grand Dieu, Shiva.

En Inde      A l'île Maurice     A la Réunion


En Inde

   Le dieu Shiva, troisième membre de la Trimûrti hindoue, est célébré durant sa Grande Nuit, essentiellement sous sa forme du symbole phallique qu'est le Shiva Lingam. Le Maha Shivaratri a lieu le treizième jour du mois de Mâsi. En fait, chaque mois comporte une Shivaratri, celle de Mâsi étant la plus importante.

   Voici une légende évoquant l'origine de cette célébration, et que se racontent les dévots durant la longue nuit. Dans les temps anciens, un Bhîl (habitant de la forêt) nommé Gurudruha avançait péniblement dans la jungle, chassant la gazelle. Lorsque la nuit tomba, il n'avait pas encore aperçu le moindre gibier. Il grimpa alors sur un arbre "bili" (bilimbi à la Réunion), au bord d'un lac. Plus tard dans la nuit, une biche vint se désaltérer ; Gurudruha visa et décocha une flèche. Ce faisant, il fit choir, sans s'en apercevoir, quelques feuilles de l'arbre et quelques gouttes de sa gourde sur un Shiva Lingam qui se trouvail là.
   La biche le supplia de lui laisser confier ses petits à son époux, après quoi elle reviendrait auprès du chasseur.  Celui-ci hésita et discuta beaucoup... avant d'accepter. Il patienta longuement, attendant son retour, cueillant distraitement des feuilles de l'arbre et les laissant tomber. Elles atteignaient ainsi le Lingam comme dans une offrande dévote mais insoupçonnée. Cela dura toute la nuit.
   Lorsque la biche fut de retour, au petit jour, elle était accompagnée de toute sa famille. Elle annonça au chasseur que s'il voulait l'abattre, il devrait en faire de même avec son mari et ses enfants. Le chasseur arma son arc, faisant encore tomber quelques feuilles sur le Lingam. La pûjâ qu'il avait accomplie sans le savoir et ses propres mérites spirituels conjuguèrent alors leurs effets, chassèrent le péché de son âme et la purifièrent. Il laissa la vie sauve à ses proies. C'est alors que le dieu Shiva lui apparut et lui accorda une faveur : "Tu renaîtras dans la ville de Shrungver sous le nom de Gruha, le Seigneur Vishnu honorera ta maison sous la forme de Rama, et il te conduira à la libération".
   La biche elle aussi fut bénie par Shiva...

   La célébration de Maha Shivaratri se caractérise par un jeûne de toute la journée et une veille de toute la nuit. On accomplit des pûjâ(s) avec des feuilles de bili et du lait. Sur le Mont Girnar (point culminant du Goujerat) se tient une grande melâ (rassemblement de fidèles) en présence de sages. Les femmes sont particulièrement ferventes dans leur célébration : celles qui sont mariées prient pour leurs époux et leurs fils, les demoiselles pour avoir un mari idéal, semblable à Shiva - les femmes imitent ainsi Pârvatî qui, selon la légende, pria et pratiqua les austérités (tapas) toute la journée pour garder son mari Shiva des dangers de la nuit sans lune.
   Selon les textes sacrés, les offrandes au Seigneur Shiva doivent comporter des feuilles de Bili, calmant la divinité au sang chaud et représentant la purification de l'âme ; de la pâte de vermillon représentant la vertu et appliquée sur le Lingam ; de la nourriture, favorable à la longévité et à la satisfaction des désirs ; de l'encens, censé apporter l'abondance ; une lampe allumée, favorable à l'acquisition du savoir ; des feuilles de bétel, témoignant de la satisfaction des plaisirs profanes.


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A l'île Maurice

   Les hindous mauriciens ont fait de Maha Shivaratri la fête la plus importante de l'année. Elle est l'occasion d'un pèlerinage massif : par miliers les fidèles se rendent à pied, vêtus de blanc et souvent chargés d'un petit édifice de bois décoré appelé kanwar, sur les bords du lac de Grand Bassin, dont les eaux selon la légende communiquent avec celles du Gange, fleuve sacré par excellence. Ici aussi on baigne le Shiva Lingam et on lui fait des offrandes. Les pèlerins de Grand Bassin descendent dans l'eau des berges du lac - appelé aussi Ganga Talao - où ils offrent fleurs et fruits à la déesse Ganga, née de la chevelure de Shiva.  Ils recueillent de l'eau sacrée dans des bouteilles qu'ils rapporteront chez eux.   


Photo Noël Thomas.

  

   L'importance du pèlerinage est telle qu'il attire des fidèles de l'étranger (Afrique du Sud, Inde, Réunion...). Les Mauriciens qui ne partagent pas la foi hindoue n'hésitent pas à tendre raffraîchissements et autres mots d'encouragements aux pénitents sur leur longue route vers Ganga Talao. Les hautes autorités du pays se font un devoir d'assister aux cérémonies, pour lesquelles se déplacent souvent des saints de l'Inde.
   Le kanwar, porté par les pèlerins, est un peu l'équivalent du kavadi porté par les pénitents de la Fête des Dix Jours à la Réunion. Il est abondamment décoré, orné notamment d'images de Shiva, et symbolise la soumission dévote à la divinité. Le fardeau est souvent très lourd et demande au pèlerin, déjà affaibli par le jeûne, la distance et la chaleur, de puiser dans ses ressources extrêmes.

 

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A la Réunion

   Les Malbars réunionnais de religion hindoue sont beaucoup moins portés sur le Maha Shivaratri. Tel que je l’ai vu célébré à la Réunion, il consiste en une nuit de veille, au temple, de la part des fidèles, tandis que des pûjâ(s) se déroulent à plusieurs reprises, ponctuant ces heures nocturnes. Veiller, de la tombée de la nuit au lever du jour, résister au sommeil, constitue en quelque sorte une offrande de soi-même, une de ces "promesses" de la réalisation desquelles dépendent la grâce divine et l’obtention d’une faveur. Que l’on succombe à l’assoupissement, et le carême, dont cette nuit particulière est le couronnement, perd automatiquement toute efficience.

  

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