Interview
- IR : Pascal Marion, pouvez-vous tout
d'abord vous présenter aux visiteurs du site Indes réunionnaises ?
PM : Je suis un Créole de la Réunion. Je suis depuis très
longtemps attiré par l'Asie et le Portugal, deux régions culturellement très riches qui
me donnent l'opportunité de m'échapper des frontières étroites de l'île. Cette
passion m'a poussé vers l'apprentissage de diverses langues dont le portugais, le hindî,
le tamoul et le bengali et fait effectuer des voyages enrichissants. Conséquemment, je me
suis mis à l'écriture.
- IR : Vous êtes connu depuis plusieurs
années sur la Toile pour votre site d'éditions virtuelles. De quoi s'agit-il exactement
?
PM : Il s'agit dune association créée dans des conditions
particulières. En effet, ayant écrit plusieurs ouvrages systématiquement refusés par
les maisons d'édition, et ce pour des raisons inhérentes à leur mentalité étroite,
j'ai décidé d'être mon propre éditeur afin de publier mes livres mais aussi ceux des
personnes qui se trouvaient dans ma situation. Il faut savoir que les éditeurs
traditionnels n'éditent que les écrivains reconnus. On dit que 80 % des livres vendus en
France sont le fait d'une quarantaine d'écrivains ! Il en est de même pour la musique.
- IR : Quel est votre public ? Un site d'éditions
virtuelles tel que le vôtre est-il viable ? Quels sont, selon vous, les avantages et
inconvénients des éditions virtuelles comparativement aux éditions traditionnelles ?
PM : Le public est varié puisque nous proposons des collections
diverses mais principalement orientées sur la découverte d'autres cultures. Mais au
départ, on avait uniquement une orientation jeunesse.
Par contre, il faut être réaliste, un site comme le nôtre n'est pas
viable. Ou alors il ne faut faire que cela 24 heures sur 24 ! En ce qui nous concerne,
nous ne perdons pas non plus d'argent car nous faisons tout grâce à un équipement
professionnel acquis de longue date. On le fait surtout par passion et pour aider des
auteurs à se faire connaître.
Les principaux avantages : la liberté, la possibilité de publier rapidement
un ouvrage et les faibles coûts de production. Mais aussi le plaisir de découvrir des
écrivains amateurs (au sens noble du terme) qui font un travail intéressant, et très
souvent plus passionnant que ce que l'on rencontre dans les librairies. Le gros
inconvénient reste la réticence des Internautes à commander par l'intermédiaire d'un
site et surtout il est très difficile de se faire une place sur le Web et d'être connu
de tous.
- IR : Plusieurs ouvrages publiés se réfèrent de près ou
de loin à l'Inde, qu'il s'agisse du livre de Daniel Vincendo (déjà interviewé sur ce
site), des Cinq cents millions de la Bégum de Jules Verne ou de vos propres
écrits (sur lesquels nous reviendrons). Pourquoi cette place privilégiée accordée au
monde Indien ?
PM : Il est vrai que nous proposons plusieurs ouvrages ayant trait
au sous-continent indien. Cela vient de notre passion pour ce pays. Mais cet intérêt
couvre aussi le reste de l'Asie. Ayant fait plusieurs voyages en Inde, mon engouement pour
sa culture multi-millénaire ne s'est jamais tari, bien au contraire.
- IR : Vous avez écrit un livre pour
enfants : La merveilleuse aventure d'Apou et de Soundari. Pourriez-vous nous en
dire plus long ?
PM : C'est l'histoire de deux enfants du Rajasthan qui vivent dans
un village frappé par la sécheresse. Une rencontre avec une déesse ramènera la pluie
et la vie, et montre qu'il y a toujours de l'espoir dans l'adversité.
C'est une histoire dans l'esprit des contes indiens. De plus elle est bien
illustrée par mon épouse qui est peintre-illustratrice et auteur de chansons en hindî
pour un chanteur français.
Un autre livre pour enfants, Tatouille le rat d'égout, est en cours
d'impression par Azalées Éditions.
- IR : Un autre ouvrage de votre plume est
le Lexique illustré du créole réunionnais d'origine asiatique dont une version
papier aux Editions Azalées est sur le point de paraître. Quels sont la genèse, le
contenu et les objectifs de ce livre ?
PM : Ce lexique est le plus grand challenge de ma vie d'écrivain.
En effet, on sait depuis longtemps que certains mots du créole de la Réunion sont
d'origine indienne et plusieurs grandes études ont été effectuées sur l'étymologie.
Mon intérêt pour la culture lusophone et par conséquent, pour la présence du Portugal
dans l'océan Indien et en Inde n'on fait qu'attiser ma curiosité.
À partir de trois ouvrages, j'ai fait une compilation des mots d'origine
asiatique (attestés) et en ai découvert d'autres grâce à leur phonologie. J'ai
beaucoup travaillé sur l'étymologie, tout en corrigeant certaines erreurs commises et en
proposant une approche différente et plus complète que celle qui avait été faite
jusqu'à aujourd'hui.
Chaque mot est suivi de sa définition. L'étymologie est donnée à la suite
en suivant le schéma ci-après :
* Langue d'origine,
* Transcription la plus proche possible de la prononciation française,
* Translittération scientifique,
* Transcription dans l'alphabet d¹origine chaque fois que cela était possible, sens dans
la (les) langue(s) d'origine.
Cela est le résultat de plus de quatre ans de recherches assidues et ardues
et la publication est à chaque fois repoussée car je n'arrête pas de trouver de
nouveaux mots ! Je souhaite que l'ouvrage soit le plus complet possible et il s'adressera
au grand publis comme aux scientifiques.
- IR : Qu'est-ce que vos recherches sur le
lexique réunionnais d'origine indienne (en particulier) vous ont fait découvrir de
particulièrement intéressant ou d'étonnant ?
PM : Ce qui est surprenant, c'est que l'on utilise beaucoup de mots
sans réaliser qu'il viennent de l'autre bout du monde. Et puis, la recherche
étymologique m'a amené beaucoup plus loin que ce que je m'imaginais au départ. C'est
incroyable !
- IR : Plus généralement, quel regard
portez-vous sur la culture indienne d'une part, sur la culture indo-réunionnaise d'autre
part ?
PM : La culture indienne est unique dans l'histoire de l'humanité
(comme l'Égypte) et elle reste probablement la plus riche culture vivante de notre
planète, avec la Chine. Son influence couvre toute l'Asie. Le défi aujourd'hui pour
l'Inde est de continuer à se moderniser sans perdre son âme.
Quant à la culture indo-réunionnaise, je trouve que cela s'oriente vers une
culture où on aura laissé « réunionnaise » au bord de la route. Vous auriez
peut-être dû dire malbaro-réunionnaise puisqu'on ne parle pratiquement que de la «
communauté tamoule » qui n'est pas représentative de l'Inde. S'il est normal de
retourner à ses racines, cela ne signifie pas qu'on est Indien, Breton, etc. Il y a
encore un gros travail d'éducation à faire.
- IR : Quels sont vos auteurs, vos artistes
de prédilection dans les domaines indien et indo-réunionnais ?
PM : Le domaine est trop vaste ! Il y a une telle multitude de
grands écrivains ou musiciens qu'il serait impossible de les énumérer. Je pourrais
toutefois citer Sri Aurobindo, Rushdie et Naipaul (qui sont d'origine indienne mais très
imprégnés par l'Inde) ou encore Kamala Markandaya. Pour la musique, L. Soubramaniam, S.
Balachander et les rythmes du Panjab, et en France, Ollivier Leroy pour son registre
indo-occidental.
À la Réunion, ma préférence va à Ziskakan, même si je trouve que ce
groupe a perdu de son naturel.
- IR : Quels sont, pour ce qui est de
l'écriture et de l'édition, vos projets à plus ou moins long terme ?
PM : Pour l'édition, continuer à promouvoir des écrivains
inconnus et à développer le côté jeunesse qui est un domaine qui marche très bien.
En ce qui concerne l'écriture, il existe plusieurs projets de romans, de livres pour
enfants et d'un ouvrage sur La Réunion. Le plus difficile est d'avoir suffisamment de
temps à consacrer à ces projets.
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