L'île de la Réunion permet mieux que bien d'autres terres de décrypter de tels entrecroisements de regards, tant ceux-ci y sont porteurs d'informations diverses, qui leur font interpréter différemment ce qu'ils perçoivent. Et, s'il est une "vérité" ethnologique, elle n'est accessible à partir d'aucun regard particulier, mais de leur combinaison : c'est une "métavérité" qui enveloppe d'une façon pirandelienne la vérité de chacun.

   Lire la "marche dans le feu" à l'île de la Réunion nous permet de saisir sur le vif combien un même fait social, visible, circonscrit dans l'espace et le temps, fait d'une séquence rituelle clairement construite est multiple du fait de  cet entrecroisement des regards qui se posent sur lui, et comment  cette multiplicité l'ancre plus solidement dans la société et lui donne plus sens que les discours explicites.

   Qu'en est-il en effet de ce rituel originaire de l'Inde du sud, introduit par les premiers immigrants, travailleurs engagés sous contrat par les plantations sucrières, et qui attire, étonne, fascine l'étranger? Sur sa terre d'origine, il se tient au sein de populations qui en connaissent le déroulement et les principaux messages du fait d'un hindouisme partagé, d'une quotidienneté où les divinités de l'Inde et les récits qui les animent sont présents dans les paroles quotidiennes, sur les façades des temples et dans les images des films. A la Réunion, la marche dans le feu est immergée dans une société multiple, où l'hindouisme est familier aux uns et inconnu aux autres, et où la migration a retenu certains de ses traits, de ses dieux , de ses cultes et en a aboli d'autres. Aussi, plus qu'ailleurs, est-il nécessaire de tenir compte du "point de vue du sujet", et les "sujets " étant si divers, est-il même possible de dégager quelque "fait social" qui soit leur dénominateur commun? Ou bien faut-il procéder autrement ?


    

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