Hubert Laot :

"le plus grand musée d’art asiatique en Europe, voire en occident"

    
  

   C'est désormais une tradition : chaque année, à partir de septembre, le Musée Guimet à Paris célèbre les cultures indiennes par une série de manifestations (projections de films, concerts, spectacles de danse, conférences...) constituant l'Été indien. Hubert Laot, qui dirige l'auditorium du Musée, nous parle ici notamment de ce grand moment de rencontres culturelles indiennes  dans un lieu prestigieux au coeur de la capitale.


Interview   -   Images
L'Été indien 2007 : programme


Interview

  • IR : Monsieur Hubert Laot, pouvez-vous tout d'abord vous présenter à nos visiteurs ?
    HL : En quelques mots. J’assume la direction artistique de l’auditorium du musée Guimet, le musée national des arts asiatiques, c'est-à-dire que j’ai la responsabilité de la programmation et du fonctionnement de cette salle de spectacles. L’auditorium propose de septembre à juin des spectacles de musique ou de danse, des cycles de films, des conférences ou colloques. La salle compte près de 300 places et l’endroit, particulièrement intime et chaleureux, est très apprécié des spectateurs parisiens.
     

  • IR : Pourriez-vous retracer les étapes essentielles de l'historique du Musée Guimet ?
    HL :
    Le musée Guimet est né du grand projet d’un industriel lyonnais, Émile Guimet (1836-1918), de créer un musée des religions de l’Égypte, de l’antiquité classique et des pays d’Asie. Des voyages en Égypte, en Grèce, puis un tour du monde en 1876, avec des étapes au Japon, en Chine et en Inde lui permirent de réunir d’importantes collections qu’il présenta à Lyon à partir de 1879. Il devait par la suite transférer ses collections dans un musée qu’il fit construire à Paris et qui fut inauguré en 1889. Le musée fut rattaché à la Direction des musées de France en 1927 et les collections « non asiatiques » furent transférées au Louvre. Totalement restauré à la fin des années 90, le musée a rouvert ses portes en 2001, doté notamment d’un nouveau théâtre : l’auditorium. Le musée Guimet est considéré aujourd’hui comme le plus grand musée d’art asiatique en Europe, voire en occident.
     

  • IR : Quelle place occupent l'Inde et la sphère culturelle indienne au Musée ? Que peut-on découvrir ?
    HL : Les collections indiennes sont extrêmement présentes. Elles sont constituées d’une part, de sculptures (terre cuite, pierre, bronze et bois) s’échelonnant du IIIe millénaire avant notre ère jusqu’aux XVIII-XIXes siècles de notre ère, et d’autre part, de peintures mobiles ou miniatures, du XVe au XIXe siècle. Viennent s’y ajouter, depuis la donation Krishna Riboud, les textiles indiens provenant, ainsi qu’un des plus beaux ensembles d’objets d’art et de bijoux de l’Inde des XVIIe et XIXe siècles jamais réunis par une seule et même personne. Par ailleurs, l’auditorium présente très régulièrement des spectacles indiens et un festival de films annuels, l’Eté indien.
     

  • IR : Qu'en est-il de cette manifestation particulière qu'est l'"Été indien" ? Et pour commencer, quelle est sa genèse, si l'on remonte à sa première édition ?
    HL : L’Été indien est né de notre collaboration avec Martine Armand. Martine est réalisatrice et a notamment été l’assistante de Satyajit Ray, le plus grand cinéaste classique indien, sur ses trois derniers longs métrages. Mais elle a aussi tourné avec d’autres réalisateurs indiens et connaît parfaitement le cinéma indien, la plus grande production cinématographique au monde. L’Été indien est donc au départ un « festival » de films indiens sur une thématique donnée que nous choisissons chaque année. En 2007, quatrième édition annuelle de l’Été indien, le 60ème anniversaire de l’indépendance de l’Inde nous imposait le choix du thème. Les années précédentes nous avions traité des différentes régions, cultures et langues de l’Inde (1ère édition), du cinéma bengali (2ème édition), puis des cinéastes NRI (c'est-à-dire des cinéastes indiens ne résidant pas en Inde). Mais l’Eté indiens ce sont aussi des spectacles indiens et des conférences sur l’Inde.
     

  • IR : L'"Été indien" de cette année 2007 est-il particulier, à l'occasion du soixantième anniversaire de l'indépendance ?
    HL : Nous avons appelé cette édition « L’Inde vers son indépendance », c'est-à-dire que le programme traite de la période historique qui va de la révolte des cipayes en 1857  jusqu’à l’Indépendance de 1947 et à la partition. 19 films sont projetés dont 11 totalement inédits en France. Nous avons du réaliser le sous-titrage de plusieurs d’entre eux. Au moment où je vous réponds, Martine Armand vient de terminer l’adaptation de « La maison et le monde », un chef d’œuvre de Satyajit Ray d’après Tagore. Côté spectacles : danse Manipuri, chant carnatique, qawwali du Rajasthan et chant hindoustani. Que du bonheur ! Je signale que l’Ambassade de l’Inde nous a particulièrement aidé cette année pour faire venir tous ces chefs d’œuvre inédits.
     

  • IR : Pouvez-vous souligner les temps forts de cette édition ?
    HL : Tous les héros de l’histoire de l’Indépendance seront à l’écran : Nehru, Bose et bien entendu, Gandhi. J’ai du mal à choisir parmi tous ces films. Les quatre Satyajit Ray sont bien entendu incontournables, mais pourquoi se priver du très long documentaire de Shyam Benegal sur Nehru ou du « Making of Mahatma » sur la jeunesse de Gandhi. Ce dernier film sera d’ailleurs présenté deux fois à l’occasion de la clôture, raison de plus pour venir deux fois plus nombreux.
     

  • IR : Comment envisagez-vous l'avenir de cette manifestation à moyen et long termes ?
    HL : A court terme, nous travaillons déjà sur la cinquième édition (septembre-octobre 2008), mais je préfère ne pas en dévoiler la thématique trop tôt. A plus long terme, le cinéma indien paraît inépuisable et nous serons sans doute plus vite épuisés que lui. J’imagine très bien un développement de ce festival, pourquoi pas avec des reprises en régions, voire outremer. Tout est envisageable à condition de trouver les partenaires. Seuls, il nous est difficile de faire plus que ce que nous réalisons déjà aujourd’hui.
     

  • IR : Personnellement, quel regard portez-vous sur les cultures indiennes ? Quels aspects retiennent plus particulièrement votre attention ? Quelles réflexions vous inspirent-elles ?
    HL : Je suis passionné par l’Inde. J’ai découvert ce pays récemment en prenant la responsabilité de l’auditorium. Je suis fasciné par la multiplicité des cultures, des langues, des paysages. La musique et la danse sont omniprésentes tant dans la vie qu’au cinéma. Au regard de l’histoire difficile qu’ont vécu les indiens depuis le milieu du XIXème siècle, cette joie de vivre, cette force d’expression sont presque incompréhensibles pour nous autres occidentaux et pourtant bien des choses nous rapprochent. Il existe manifestement une vrai culture indo-européenne et c’est sans doute ce qui nous rend si rapidement accessibles les arts classiques indiens.
     

  • IR : Et que pensez-vous de la place accordée aux cultures indiennes en France ? Le public français vous semble-t-il ouvert et connaisseur ?
    HL : Aujourd’hui, les cultures indiennes sont omniprésentes en France, mais il me semble qu’il s’agit d’un phénomène relativement récent. Aux delà d’un public extrêmement pointu qui venait déjà écouter et voir Ravi Shankar au musée Guimet dans les années 50, le public français a découvert l’Inde plus récemment grâce à la popularité soudaine du cinéma Bollywood. Ce genre populaire, d’accès facile, a progressivement conduit ce nouveau public vers les salles de spectacle et vers le cinéma d’auteur. Aujourd’hui, le public « connaisseur » s’est démultiplié.
     

  • IR : Pensez-vous que les cultures indo-réunionnaises ou indo-créoles plus généralement puissent un jour trouver une place au Musée Guimet ?
    HL : Dans la mesure où il s’agit effectivement de cultures d’origine indienne bien entendu. J’ai d’ailleurs accueilli récemment à l’auditorium, le joueur de tabla réunionnais Subhash Dhunoohchand. A suivre…

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Images

   Le musée Guimet a eu l'amabilité de nous autoriser à mettre en ligne quelques photographies destinées à donner une toute petite idée du contenu de ses collections indiennes. Retrouvez plus d'informations sur le site du Musée : www.guimet.fr

              

 

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