Un peu de technique

   Nous reproduisons ici le texte figurant dans notre rubrique "Gros plans", enrichi de diverses précisions.

   Le kathâkali tient du théâtre autant, voire peut-être plus, que de la danse, du moins si l'on adopte une catégorisation toute occidentale des formes d'expression artistique, qui n'est pas forcément pertinente ici. Le mot lui-même, il est vrai, signifie "histoire-représentation". Comme la danse mohini-attam, il est né, s'est développé au Kerala et est resté typique de cet État du sud-ouest de l'Inde jouxtant le Tamil Nâdu. Son origine remonte au XVIIème siècle, à l'instigation de la classe royale et de certains brâhmanes - on avance la date de 1657 - et sa forme actuelle a été fixée par un certain Mahakavi Vallathol Narayan Menon, fondateur du Kalamandalam en 1927. Cette institution reste aujourd'hui la meilleure école de kathâkali, mais aussi de mohini-attam et de quelques autres danses.
   Le spectacle de kathâkali débute le soir à la lueur des lampes à huile et dure toute la nuit, se finissant à l'aube avec la victoire des personnages "bons" sur leurs ennemis. Il est représenté par une troupe généralement composé d'une douzaine d'acteurs - tous masculins*, même ceux qui interprètent les rôles de femmes - de deux ou quatre chanteurs et de quatre percussionnistes. A la base de ce spectacle, une intrigue narrative droit venue des grandes épopées que son le Mahâbhârata et le Râmâyana, ou bien inspirée par les traditionnels Purâna(s). Un récitant déclame l'histoire, composée en slokas (quatrains) inspirés de la métrique sanskrite. Il est accompagné de musique et de chant, tandis que les acteurs se consacrent entièrement à l'expression corporelle, gestuelle et mimique. Les mouvements des yeux, de la tête et des bras sont strictement codifiés. Les ressemblances avec la danse tiennent notamment à l'usage de gestes symboliques assimilables aux mudrâ(s) et permettant de relayer la narration du récitant. Comme on le voit, de nets points communs existent donc avec le bal tamoul tel qu'il est encore pratiqué de nos jours à la Réunion.
   La première partie de la représentation est le "totayam", sorte d'invocation dansée. Puis vient le "vandana slokam", obligatoire louange des divinités. Ensuite le premier danseur exécute un solo, le "purappada". Pendant tout ce temps les acteurs sont cachés par le "trishîla", un rideau coloré. Puis la pièce commence... et s'achèvera sur le "bhâratavâkyam", prière chantée.
   Ce qui frappe le plus dans le kathâkali, ce sont sans doute les costumes et les maquillages extrêmement élaborés et hauts en couleurs, pouvant rivaliser sur ces plans avec ceux de l'opéra chinois traditionnel. Chaque personnage joué est fortement caractérisé par ce costume et ce maquillage, et le public initié à ces codes visuels peut ainsi l'étiqueter immédiatement comme héros pourvu de tels traits de personnalité, ou comme odieux opposant avec, lui aussi, ses propres nuances de caractère.
   Le costume comporte en particulier une large "jupe" ainsi que d'impressionnants couvre-chefs. Le maquillage, lui, principalement à base de produits "naturels", nécessite de nombreuses heures d'élaboration. Les couleurs revêtent des significations précises : le vert indique les grands et bons rois, les héros vertueux tels que Râma ; le visage des personnages nobles et puissants mais marqués par le mal est lui aussi maquillé de vert, mais avec des marques rouges sur les joues - Râvana, l'ennemi de Râma, en est un exemple. Les "méchants" indécrottables se reconnaissent à leur dominante rouge et à leur grande barbe postiche de même couleur. Les femmes et les ascètes arborent des couleurs lumineuses dans les tonalités de jaune, tandis que le noir caractérise les habitants des forêts...
   Abordons pour terminer la partie musicale. Elle s'inscrit bien sûr dans la vaste tradition sud-indienne qu'est la musique carnatique, mais l'orchestre est assez particulier. Il est composé de percussions : le "maddalam", petit tambour à rapprocher du matalom des Malbars réunionnais  ; le "chenda", assez gros tambour porté sur le ventre grâce à un baudrier et frappé avec deux baguettes ; ou encore l'"idakka", proche par sa forme du oulké de la Réunion.


   Les trois composantes du jeu scénique :

  • Nrittam : danse pure, à base de rythme, de mouvements, sans signification particulière.

  • Nrityam : expression des sentiments par le mime, la gestuelle, le visage.

  • Nâtyam : jeu théâtral, incluant danse, gestuelle, paroles et chant.

   Les quatre modes d'expression (âbhinaya) :

  • Ângikâbhinaya : danse et mime.

  • Vâcikâbhinaya : parole et chant.

  • Sattvikâbhinaya : expression "intérieure" du rasa (état subjectif).

  • Âhâryâbhinaya : aspect plastique.

   Les trois grandes classes de personnages (en fonctiodes trois guna, ou qualités d'existence) :

  • Personnages dominés par le guna sattva (bonté, pureté...) : d'une part les pacca (maquillage à dominante verte) : dieux, rois vertueux et héros ; d'autre part les minukku (dominante jaune orangée) : reines, princesses, héroïnes, sages et brâhmanes.

  • Personnages dominés par le guna rajas (énergie, passion, matérialisme, orgueil...) : les katti (dominante de vert et rouge, avec une boule caractéristique sur le nez et le front).

  • Personnages dominés par le guna tamas (violence, ignorance, apathie...) : d'une part les tâti (dominante rouge, ou noire, ou rouge et noire) ; d'autre part les kâri (dominante noire), démones à poitrine postiche

  • A ces trois catégories, il conviendrait d'ajouter des personnages appelés paluppu (par exemple le dieu Shiva) et teppu, à maquillage orangé.


   * Tous masculins... dans la tradition. Des femmes ont toutefois fait leur entrée dans le cercle fermé des acteurs de kathâkali depuis plusieurs années déjà. Retour au texte.


  

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Kûdi Attam

 

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