ANTOINETTE GAMESS

Ganesh, un homme indien de Calcutta
(extrait)

    

   Il n'a pas le loisir de s'apitoyer sur lui-même. Une exclamation d'un marin sur le pont lui indique qu'il se passe quelque chose d'insolite. Son regard se porte à tribord. La terre fait son apparition. Elle est encore loin, à l'horizon. Son frère et lui se remplissent les yeux de ce spectacle. Ils vont retrouver leur élément naturel, après tant de jours. Le bateau est prêt pour le débarquement. Les balluchons sont rassemblés dans les coins. Les deux frères ne savent pas que ceux qui seront abandonnés dans ce pays, ont été désignés. La cargaison entière n'est pas destinée au pays dont la silhouette est visible. Tous souhaiteraient descendre enfin la passerelle. La réponse n'est pas encore venue du capitaine. Autorisera-t-il des sorties ? Les liens qui ont dû se tisser entre les voyageurs parfois frères, créeront des difficultés pour le retour à bord. L'espoir de rester ensemble habite les uns et les autres, mais le capitaine a des impératifs commerciaux. Lui, il transporte un convoi. Les sentiments n'ont pas leur place dans ce genre d'activité. Son rôle est de ramener un certain nombre de travailleurs. Le reste ne le concerne pas. Il a veillé à les nourrir correctement. Il a fait attention pour qu'ils ne soient pas malades. Qu'on ne lui en demande pas davantage

   - Ces Coolies veulent aller se promener ! Ils n'y pensent pas. Ce n'est pas un voyage d'agrément. Ils ont signé pour aller travailler, eh bien, ils iront travailler. Je n'y peux rien. Ils marcheront sur la terre ferme à leur arrivée à destination.

   Ganesh et son frère, passant à proximité de la dunette, entendent les éclats de voix sans comprendre. Ils tremblent de peur. Ils se demandent si on ne les retiendra pas prisonniers. C'est comme le démon que doit combattre la déesse, pour délivrer les humains. C'est peut-être un démon. Ganesh souhaite, à ce moment-là, que la Déesse Kali vienne couper la tête à cet être malfaisant et l'accroche à son collier de crâne. Sa vengeance s'abattra sur tous ceux qui veulent faire du mal à un protégé de cette divinité.

   - Après avoir entendu la colère du capitaine qui montrait la cale, crois-tu qu'il nous donnera le contrat ? Je commence à en douter, souffle Krishna.

   - La déesse Kali se chargera de lui ! Il y perdra sa tête, reprend Ganesh.

   Ils sont très désemparés tous les deux. Ils sentent que leur confiance dans leur avenir s'effrite là, presque en atteignant le but. Qui défendra leur cause ? Aucun voyageur de leur pays n'affrontera un homme aussi terrible. Il ne les écoutera pas. Le cuisinier ? Vendra-t-il tenter une intervention ? Ils ne se comprennent pas encore suffisamment pour qu'il saisisse l'objet de leur demande, le contrat. Leur recours est aléatoire. Leur pays est loin alors qu'ils désirent s'assurer l'aide de la déesse.

Chapitre 13 - "L'ombre de Napoléon" - pp.. 166-167 - © Editions Lafontaine - 2007 


Interview  -  Poème


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