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Rites religieux
Cest dabord par le biais de ces rites religieux que se révèle la
présence de descendants dIndiens à la Martinique et cest lexistence de
ces pratiques rituelles qui fonde le discours du « mouvement » identitaire
baptisé « Indianité »: celui qui affirme lexistence dune
spécificité culturelle indomartiniquaise.
Il nest pas rare que lexistence des Indomartiniquais soit
révélée à létranger tout à fait par hasard, à loccasion dune
manifestation religieuse qui réunie pratiquants et spectateurs autour dune petite chapelle communément
appelée « temple hindou » dont lapparence sassimile davantage à
une maisonnette quà un temple.
Singaravélou (1981) présente ces « temples » hindous comme
étant le plus souvent « une case modeste dont la partie centrale est en bois ou en
maçonnerie, située sur une légère hauteur, avec, en contrebas, une vaste
« savane » et peut-être un point deau. La case est entourée dune
galerie couverte destinée aux processions ». A proximité du temple, poursuit
lauteur, se trouve un mât tricolore arborant des drapeaux rouges ou bleus, monté
sur une plate-forme portant des offrandes, des bougies allumées ou des petites lampes à
huile.
De fait, les temples des Antilles françaises, ceux de la Martinique en
particulier, nont rien du caractère somptueux de ceux qui peuvent être admirés en
Inde. Cest seulement en tant que survivance que ce culte hindou doit être
apprécié car « De toutes les cérémonies et fêtes religieuses originaires de lInde, seules ont survécu, plus ou moins altérées par le temps et
les interférences, la cérémonie votive avec sacrifice animal et la danse mi sacrée mi
profane. »[11]
Aucune comparaison nest donc opportune ici. La singularité du rituel qui se
pratique à la Martinique est une survivance directe de lHindouisme[12]
dit primitif, tel que le pratiquaient les Hindous lorsquils quittèrent leur pays
voici cent cinquante ans. Cette maintenance hindouiste, trait dominant de lhéritage
indomartiniquais, ne laisse pas de frapper les observateurs qui connaissent lInde et
ses rituels : elle force les questionnements, pousse à réviser les représentations
stéréotypées et à redéfinir certains schémas relationnels intergroupes.
La priori selon lequel la maintenance hindouiste observable à
la Martinique ne serait quun culte bâtard, insignifiant et quitch,
comparé au culte qui se pratique en Inde, tout comme la comparaison mal venue des temples
de Bénarès et de Martinique[13],
ne doivent pas avoir pour conséquence de dénaturer limportance et la signification
que revêt la conservation dun noyau dHindouisme à la Martinique. Sil
est clair que les « chapelles » de la Martinique ne présentent aucun des
prestigieux atouts des temples érigés en Inde, cest surtout à partir de leur
dimension symbolique, et à partir de la fonction quils remplissent auprès des
pratiquants hindouistes quil faut les appréhender : ceux-ci les investissent
dune dimension sacrée qui les conforte dans leurs croyances et dans la nécessité
quils éprouvent dentretenir ce patrimoine légué par leurs aînés. La
valeur sentimentale de cet héritage, dans sa forme spécifique et martiniquaise, est en
effet de loin à ne pas méconnaître ou à sous-estimer : sa pratique est un
investissement symbolique dont la fonctionnalité religieuse apparaît clairement. Cette
fonctionnalité est à appréhender avec dautant plus de prudence que les
pratiquants hindouistes sont généralement de confession catholique.
Les manifestations
culturelles et cultuelles qui sont loccasion du déploiement de lhéritage
indien ou hindou, revêtent un caractère essentiellement public - hormis la pratiques de
certains rites funéraires qui mobilisent les intimes de la famille endeuillée. Les
Créoles dorigine africaine prennent une part de plus en plus active dans ces
manifestations et dans leur préparation.
Cest par limportance des populations que ces manifestations
attirent quelles se développent et se pérennisent. La culture créole dominante
ayant constitué depuis cent cinquante ans son unique cadre culturel dévolution,
lIndocréole, vit totalement coupé de ses racines et de tout lien avec Mother India, pays de ses ancêtres avec lequel,
contrairement à la diaspora mauricienne, réunionnaise, trinidadienne, etc
nest pas parvenu à entretenir des liens.
Lérosion culturelle et raciale, les déperditions, les altérations et
les réinventions auxquelles furent contraints les Indomartiniquais, à partir de la
conservation de petits noyaux culturels basés sur un savoir-faire qui se transmit de
manière rigide sans trop daltérations, sont les phénomènes importants qui
caractérisent la culture indocréole à la Martinique.
Avec le culte hindou, le seul rite de passage à avoir survécu est un
rite funéraire (Semblani) qui accompagne le décès dun membre du groupe. Le fait
davoir très tôt dû renoncer à lincinération coutumière de leurs morts a
pu constituer lune des premières grandes atteintes à leur identité et marquer un
tournant dans la perte de nombreux repères culturels qui donnaient un sens au fait pour
eux dêtre Indiens et de vouloir le rester. Ainsi, les rites de passage liés au
mariage et à la naissance ont pratiquement disparu, relayés par les rites catholiques
dans lesquels les Indo-Martiniquais ont grandi : bien que le souvenir de certaines
pratiques demeurent, cest en tant que souvenir précisément que celles-ci
continuent à habiter certains esprits.
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