Dossier spécial

Arts martiaux
indiens

  
   Si les arts martiaux d'Extrême-Orient (Japon, Chine, Corée) se sont, pour certains d'entre eux, depuis longtemps fait connaître et se sont même popularisés en Occident et dans le monde, tel n'est pas le cas des diverses formes de combat, de maniement d'armes ou de lutte qui se sont développées en Inde depuis des siècles ou des millénaires... et ont parfois sombré dans l'oubli sur les terres-mêmes qui les ont vu naître.
   A la Réunion, ces formes de luttes et d'arts martiaux sont particulièrement méconnues, tandis que l'accent est mis sur le moringue (à rapprocher de la capoeira brésilienne ou du damier antillais), héritage culturel des plus importants puisqu'il puise ses origines dans le vécu des esclaves du passé.
   Ce dossier a donc pour objectif de faire connaître ces arts martiaux, et d'inciter peut-être quelques Réunionnais d'origine indienne à renouer un lien supplémentaire avec une partie de leur patrimoine ancestral. Il a été réalisé principalement à partir d'interviews exclusives réalisées virtuellement auprès de divers spécialistes français ou francophones auxquels ont été posées des questions identiques.

Introduction     Le Kalaripayatt      Le Silambam      Le Varma Kalai

   Autres formes           Page pratique


Introduction

   Les arts martiaux indiens et autres formes de lutte ou de combat sont relativement nombreux et généralement ancrés dans telle ou telle région - comme nous le verrons dans les pages suivantes -, dans telle ou telle caste... Certaines formes ritualisées se sont transmises de maître à disciple depuis fort longtemps, et continuent de l'être, y compris hors de leur champ ethnique et géographique originel. D'autres se sont probablement perdues depuis les lointaines époques où les pratiques guerrières étaient fort différentes de celles d'aujourd'hui. D'autres encore, transfigurées, ont pu donner naissance à diverses danses folkloriques, selon un principe moins étonnant qu'il ne pourrait y paraître : il n'est que d'observer le moringue réunionnais, sa gestuelle et son accompagnement musical, pour se convaincre d'une certaine continuité entre combat et chorégraphie...
   Chaque forme a bien sûr ses règles, ses traditions, ses variantes, ses implications humaines, physiques et spirituelles dont nous découvrirons divers aspects au fil des pages de ce dossier.
   Je voudrais terminer cette brève introduction par une référence littéraire tirée de l'un des romans importants de la littérature indienne contemporaine. Il s'agit de deux extraits de Gange, ô ma mère (Gangâ Maiya), publié en 1953 par Bhairava Prasâd Gupta, traduit du hindi par Nicole Balbir (Gallimard - Connaissance de l'Orient). Ils évoquent une forme de lutte pratiquée traditionnellement dans les régions gangétiques : probablement le kushti.

     "Désormais, quand ils descendaient dans l'arène, le bruit de leur respiration semblable au souffle de deus taureaux furieux s'étendait à deux lieues à la ronde. Le sol meuble laissait voir les profondes empreintes de leurs pieds et quand, avant la lutte, l'un d'eux faisait claquer ses mains sur ses cuisses ou ses bras en manière de défi, on aurait cru entendre un roulement de tonnerre. Pendant des heures ils restaient immobiles dans l'arène, arc-boutés l'un à l'autre comme deux collines. Le sol alentour était labouré et des ruisseaux de sueur coulaient le long de leur corps. En sehors du terrain, ils s'étiraient comme des éléphants et deux ou trois de leurs disciples prenaient de la terre à pleine main et frottaient pendant des heures leurs corps couverts de sueur jusqu'à ce qu'ils fussent secs. Leur vigueur devint telle qu'elle échappait à tout contrôle et qu'ils rayonnaient d'une force infinie"...

     "Des deux côtés les lutteurs sautèrent en lice. Des deux côtés s'élevèrent des cris violents. Les tambours se mirent à battre encore plus fort. La flamme enthousiaste qui brillait dans les yeux se fit plus intense et les pupilles se dilatèrent.
   Se baissant tous deux, ils ramassèrent une poignée de sable et s'en frottèrent le front en invoquant leur maître. Puis, les yeux dans les yeux, ils s'avancèrent pour se serrer la main. Dès que leurs doigts se touchèrent, soudain, prompt comme l'éclair, Gopî, on ne sait comment, frappa Jokhû de son pied droit en plein ventre"...

 

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