AccueilArgumentationPoésieRomanThéâtreHumanismeRéécrituresMéthodes

   Les documents complémentaires présentés ici correspondent aux séquences suivantes :  

SÉQUENCE 2A : Poésie et humour
SÉQUENCE 2B :
Les Fleurs du Mal, « Spleen et idéal », de Charles BAUDELAIRE
Objet d’étude principal : Écriture poétique et quête du sens, du Moyen Âge à nos jours.

   Ces deux séquences ont pour but d'avoir un modeste aperçu de l'extraordinaire diversité de l'univers poétique, elle-même reflet de la diversité des rapports qui s'instaurent entre cet homme (ou cette femme) qu'est le poète, et le monde. Cet aperçu pourra nous sensibiliser d'une part à un aspect souvent méconnu de la démarche poétique : le recours à l'humour. D'autre part nous découvrirons un des auteurs les profonds et les plus influents dans l'histoire de la poésie française : Charles Baudelaire.

   Problématique principale pour la séquence 2A : Comment l'humour s'invite-t-il dans la poésie ?
   Problématique principale pour la séquence 2B : En quoi les notions de spleen et d'idéal nous permettent-elles de mieux comprendre le sens que Baudelaire donne au monde qui l'entoure ?


 DOCUMENTS

     Retrouvez les textes et images en version imprimable (document Word).
     Vous pouvez aussi télécharger les textes étudiés dans le cadre des lectures analytiques (textes pour le bac).
     Accédez ici à un diaporama sur l'image et la fonction du poète.
     Éléments à retenir autour de la notion d'humour.
     Le poème de Scarron étudié sous forme de commentaire (plan détaillé).
     Éléments de corrigé pour "Une charogne".
     Éléments de corrigé pour "Spleen".

          Textes

Recueil : Jules LAFORGUE - Les Complaintes (1885).

  1. Si je me souviens bien, tu avais quatre dents, Aelia.
    Une quinte de toux en a fait tomber deux, et une autre quinte, deux autres.
    Désormais tu peux tousser en sécurité pendant des jours entiers :
    Une troisième quinte de toux n’a plus rien à expulser.
    - - -
    Thaïs a les dents noires, Laecania, blanches. Quelle en est la raison ?
    C’est que cette dernière les a achetées, l’autre a les siennes.
              MARTIAL - Epigrammes - Ier s.
     

  2. Vieille ha ha, vieille hou hou,
    Vieille chouette, vieil hibou,
    Vieille grimace de marotte,
    Vieille gibecière de Juif,
    Vieux chandelier noirci de suif,
    Vieille robe pleine de crotte.

    Vieille guisarme de sergent,
    Vieille pantoufle de régent,
    Vieux rouet mangé de la rouille,
    Vieille arquebuse de forêts
    Vieux baril de harengs sorets
    Vieille revendeuse d'andouille,

    Vieille barbe de vérolé,
    Vieille trogne de cul pelé,
    Vieille chaudière à cuire trippes,
    Vieille marchande d'almanachs
    Vieille tripière, vieil cabas,
    Vieille receleuse de nippes,

    Vieille serpentine d'amour,
    Vieille corratière de Cour,
    Vieille étrille toute édentée,
    Vieille porte-malle du temps,
    Vieille dépouille de serpents,
    Vieille carrosse démontée,

    Vieille marmite de couvent,
    Vieille bourse pleine de vent
    Vieille borgne, vieille tortue,
    Vieille couenne de lard punaisé,
    Vieille qui mord avec le nez,
    Vieille de qui le regard tue,

    Vieille grille, vieux chaudron,
    Vieille mule, vieux chaperon,
    Vieille calotte de nourrice,
    Vieille mule de médecin,
    Vieux traquenard plein de farcin,
    Vieille braguette de suisse,

    Vieille pique de râtelier,
    Vieille braie de cordelier,
    Vieille moustache d'empirique,
    Vieille empoisonneuse d'enfants,
    Vieille morve de dix ans,
    Vieille moutarde de boutique, […]

    Les chiens, les tigres et les loups,
    Les cirons, les tignes, les poux,
    Les punaises, les vers, les puces,
    Les chauves-souris, et les chats
    Les sauterelles, et les rats,
    Te puissent ronger les prépuces !
              MONTGAILLARD - Gaillardises - 1606

     

  3. Le crapaud

    Un chant dans une nuit sans air...
    La lune plaque en métal clair
    Les découpures du vert sombre.

    ...Un chant ; comme un écho, tout vif
    Enterré, là, sous le massif...
    – Ca se tait : Viens, c'est là, dans l'ombre...

    – Un crapaud ! – Pourquoi cette peur,
    Près de moi, ton soldat fidèle !
    Vois-le, poète tondu, sans aile,
    Rossignol de la boue... – Horreur ! –

    ... Il chante. – Horreur !! – Horreur pourquoi ?
    Vois-tu pas son œil de lumière...
    Non : il s'en va, froid, sous sa pierre.
    .................................................................
    Bonsoir – ce crapaud-là c'est moi.

              Tristan CORBIÈRE - Les Amours jaunes - 1873
     

  4. La môme néant


    Quoi qu'a dit ? – A dit rin.
    Quoi qu'a fait ? – A fait rin.
    A quoi qu'a pense ? – A pense à rin.

    Pourquoi qu'a dit rin ?
    Pourquoi qu'a fait rin ?
    Pourquoi qu'a pense à rin ?

    – A' xiste pas.

              Jean TARDIEU - Monsieur Monsieur - 1951
     

  5. Marquise

    Marquise si mon visage à quelques traits un peu vieux
    Souvenez-vous qu'à mon âge vous ne vaudrez guère mieux
    Marquise si mon visage à quelques traits un peu vieux
    Souvenez-vous qu'à mon âge vous ne vaudrez guère mieux

    Le temps aux plus belles choses se plait à faire un affront
    Il saura faner vos roses comme il a ridé mon front
    Le temps aux plus belles choses se plait à faire un affront
    Il saura faner vos roses comme il a ridé mon front

    Le même cours des planètes règle nos jours et nos nuits
    On m'a vu ce que vous êtes vous serez ce que je suis
    Le même cours des planètes règle nos jours et nos nuits
    On m'a vu ce que vous êtes vous serez ce que je suis

    Peut-être que je serai vieille répond Marquise cependant
    J'ai vingt-six ans mon vieux Corneille et je t'emmerde en attendant
    J'ai vingt-six ans mon vieux Corneille et je t'emmerde en attendant

              Pierre CORNEILLE et Tristan BERNARD - XVIIe et XXe s.
     

  6. Le plus beau vers de la langue française

    "Le geai gélatineux geignait dans le jasmin"
    Voici, mes zinfints
    Sans en avoir l'air
    Le plus beau vers
    De la langue française.

    Ai, eu, ai, in
    Le geai gélatineux geignait dans le jasmin...

    Le poite aurait pu dire
    Tout à son aise :
    "Le geai volumineux picorait des pois fins"
    Eh bien ! non, mes zinfints.
    Le poite qui a du génie
    Jusque dans son délire
    D'une main moite
    A écrit :

    "C'était l'heure divine où, sous le ciel gamin,
    Le geai gélatineux geignait dans le jasmin."

    Gé, gé, gé, les gé expirent dans le ji.
    Là, le geai est agi
    Par le génie du poite
    Du poite qui s'identifie
    A l'oiseau sorti de son nid
    Sorti de sa ouate.

    Quel galop !
    Quel train dans le soupir !
    Quel élan souterrain !

    Quand vous serez grinds
    Mes zinfints
    Et que vous aurez une petite amie anglaise
    Vous pourrez murmurer
    A son oreille dénaturée
    Ce vers, le plus beau de la langue française
    Et qui nous vient tout droit du gallo-romain :

    "Le geai gélatineux geignait dans le jasmin."

    Admirez comme
    Voyelles et consonnes sont étroitement liées
    Les zunes zappuyant les zuns sur leurs zailes.
    Admirez aussi, mes zinfints,
    Ces gé à vif
    Ces gé sans fin
    Tous ces gé zingénus qui sonnent comme un glas :
    Le geai géla… "Blaise ! Trois heures de retenue.
    Motif :
    Tape le rythme avec son soulier froid
    Sur la tête nue de son voisin.
    Me copierez cent fois :
    "Le geai gélatineux geignait dans le jasmin."

              René de OBALDIA - Innocentines - 1969

     

  7. Papa mambo

    Ton œil profond d'hidalgo tango,
    Tes joues creusées, oh guérillero,
    L'tourbillon des belles danseuses rêveuses
    Que la révolution rend nerveuses,
    Mais l'estomac y tient pas le tempo.
    Tombe de haut, gringo, pistolero,
    Dans la crème chantilly, les gâteaux. {2x}

    Le gros bibendum que t'as dans l'cœur,
    Tu l'as trouvé beau dans le temps, petite sœur.
    Soixante kilos d'échevelé poète,
    Tout livide au milieu des tempêtes
    Mais l'estomac y tient pas la rime.
    L'albatros patauge dans l'ice cream.
    Nous voilà jolis, nous voilà beaux,
    Tout empâtés, patauds, par les pâtés les gâteaux.
    Nous voilà beaux, nous voilà jolis,
    Ankylosés, soumis, sous les kilos de calories.

    On est foutu on mange trop. {3x}

    {Refrain:}
    Mais qu'est-ce qu'on fera quand on sera gros ?
    Papa Mambo !

    {Refrain 3x}

    Roulait des hanches en douceur le chanteur,
    Dans son habit cœur, belle minceur,
    Le poster fatal au-dessus du lit,
    Mais la petite fille d'alors elle a grossi
    Et la groupie fait de la bonne cuisine.
    Le chanteur a débordé de son jean.
    Nous voilà jolis, nous voilà beaux,
    Tout empâtés, patauds, par les pâtés les gâteaux.
    Nous voilà beaux, nous voilà jolis,
    Ankylosés, soumis, sous les kilos de calories.

    On est foutu on mange trop. {3x}

    {Refrain 4x}

              Alain SOUCHON - Toto trente ans, rien que du malheur - 1978
     

  8. L'albatros

    Souvent, pour s'amuser, les hommes d'équipage
    Prennent des albatros, vastes oiseaux des mers,
    Qui suivent, indolents compagnons de voyage,
    Le navire glissant sur les gouffres amers.

    A peine les ont-ils déposés sur les planches,
    Que ces rois de l'azur, maladroits et honteux,
    Laissent piteusement leurs grandes ailes blanches
    Comme des avirons traîner à côté d'eux.

    Ce voyageur ailé, comme il est gauche et veule !
    Lui, naguère si beau, qu'il est comique et laid !
    L'un agace son bec avec un brûle-gueule,
    L'autre mime, en boitant, l'infirme qui volait !

    Le Poète est semblable au prince des nuées
    Qui hante la tempête et se rit de l'archer ;
    Exilé sur le sol au milieu des huées,
    Ses ailes de géant l'empêchent de marcher.

              Charles BAUDELAIRE - Les Fleurs du Mal - Édition de 1861
     

  9. Renouveau

    Le printemps maladif a chassé tristement
    L'hiver, saison de l'art serein, l'hiver lucide,
    Et, dans mon être à qui le sang morne préside
    L'impuissance s'étire en un long bâillement.

    Des crépuscules blancs tiédissent sous mon crâne
    Qu'un cercle de fer serre ainsi qu'un vieux tombeau
    Et triste, j'erre après un rêve vague et beau,
    Par les champs où la sève immense se pavane.

    Puis je tombe énervé de parfums d'arbres, las,
    Et creusant de ma face une fosse à mon rêve,
    Mordant la terre chaude où poussent les lilas,

    J'attends en m'abîmant que mon ennui s'élève...
    - Cependant l'Azur rit sur la haie et l'éveil
    De tant d'oiseaux en fleur gazouillant au soleil.

              Stéphane MALLARMÉ - Poésies - 1866
     

  10. Spleen

    Tout m'ennuie aujourd'hui. J'écarte mon rideau,
    En haut ciel gris rayé d'une éternelle pluie,
    En bas la rue où dans une brume de suie
    Des ombres vont, glissant parmi les flaques d'eau.

    Je regarde sans voir fouillant mon vieux cerveau,
    Et machinalement sur la vitre ternie
    Je fais du bout du doigt de la calligraphie.
    Bah ! sortons, je verrai peut-être du nouveau.

    Pas de livres parus. Passants bêtes. Personne.
    Des fiacres, de la boue, et l'averse toujours...
    Puis le soir et le gaz et je rentre à pas lourds...

    Je mange, et bâille, et lis, rien ne me passionne...
    Bah ! Couchons-nous. - Minuit. Une heure. Ah ! chacun dort !
    Seul, je ne puis dormir et je m'ennuie encor.

              Jules LAFORGUE - Le Sanglot de la terre (recueil posthume de 1901, le texte date de 1880)
     

          Images


Quentin Metsys - Vieille femme grotesque (vers 1613)


Trophime Bigot - Allégorie de la Mort ou Vanité (vers 1630)


René Magritte - Ceci n'est pas une pomme (1964)


Exposition dans l'Aude (2007)


Gustave Courbet - Portrait de Baudelaire (1848)


Nadar - Caricature de Baudelaire (vers 1857)


Durandeau - Les Nuits de Monsieur Baudelaire (vers 1857)


Odilon Redon - L'Homme ailé ou L'Ange déchu (vers 1890)


          Vidéos

 
Georges Brassens - Marquise (Texte de Corneille et Tristan Bernard) (1962)

 
Renaud - Laisse béton (1977)


          Audio

  1. "Le Pont Mirabeau", de et par Guillaume Apollinaire.  

  2. "Ma Femme", de et par André Breton.

  3. "Description d'un rêve", de et par Robert Desnos.

  4. "Si tu t'imagines", de Raymond Queneau, par Juliette Gréco.

  5. "Poème pour broyer le cafard", de et par Isidore Isou.


          Pour aller plus loin

  1. Poésie des troubadours occitans du Moyen Âge

  2. "Lettre du voyant" - Arthur Rimbaud - 1871

  3. Alcools - Guillaume Apollinaire - 1913

  4. Le Cercle des poètes disparus - Film de Peter Weir - 1989