IR : Quel regard la Pondichérienne que vous êtes porte-t-elle sur la vie littéraire et culturelle, passée et présente, du territoire ?

SM : La vie littéraire et culturelle, passée et présente, du territoire de Pondichéry, offre deux parties bien antagonistes à ma connaissance : la partie de la colonisation et la partie après l’indépendance. (Il faudrait  noter que Pondichéry, dont le nom en tamij est Putuccēri, a eu une vie littéraire prestigieuse dans l’antiquité, qui serait  longue à décrire ici. D’après Ptolémée, le nom original de cette ville est Potukē, qui est devenu au cours des siècles Putuccēri). L’expression antagonisme n’est pas exagérée, notamment dans la mesure où l'on est passé d'une influence française à une influence anglophone.

   La partie de la colonisation

   Les écoles primaires - indigènes – mixtes, avec l’enseignement gratuit, créées dans les villages sans différence de castes, par le gouvernement français, avaient donné une belle occasion ou une chance aux élèves d’être bilingues : le français et le tamij (plus communément désigné par tamoul) étaient dispensés  à ces derniers parallèlement. L’enseignement y était laïc. Les écoles privées catholiques, l’école Saint Joseph de Cluny et le Petit Séminaire, font exception. L’anglais n’était introduit qu’à partir de la sixième. La vie littéraire commença par l’enseignement. La traduction, l’interprétation, l’étude comparée... ont été publiées. Les pièces de théâtre, les nouvelles, les romans, les poèmes...  ont été offerts par ces bilingues. Par exemple Britannicus, Le Cid, des extraits d’Alphonse Daudet, les poèmes de Victor Hugo, de Lamartine, Ronsard, des romans tels que Paul et Virginie par Dessingane Pillai, sont quelques œuvres traduites du français au tamij .Le roman de l’anneau et Manimekalai, par  Dessingane Pillai et Alain Daniélou, sont des exemples d'oeuvres traduites du tamij au français.
   Il ne faut pas négliger la langue sanskrite, langue des érudits apprise individuellement par des Français et des Indiens. On en a eu des traductions en français, dont la majorité appartient à l’Institut Français de Pondichéry, et le département d’indologie a aussi une part importante.

   La partie après l’indépendance

   Quoiqu’il y ait eu des contrats - qu’on était obligé d’appliquer - sur l’enseignement avec l’administration indienne qui était régie par le gouvernement central de Delhi , l’anglais a pris la place prépondérante dans le territoire et le tamij, l’hindi, le français devinrent langues d’option. Mais des vétérans tamij n’ont pas laissé tomber en désuétude le tamij. (L’invasion des commerçants du Nord et le développement de l’Ashram n’ont pas pu gagner du terrain, mais elle a quand même occupé la plus belle portion  près du.bord de la mer avec leur vie littéraire et culturelle). Donc, la vie littéraire était celle du pays tamij. ( Elle ne s’est jamais éloignée de ce dernier du fait de son  voisinage et des mariages.)

   La vie culturelle a suivi le même chemin. On peut signaler par exemple  la traduction de Georges Dandin que j’avais traduit sous le titre Nârâyanâ en tamij et qui fut interprété sous forme théâtre folklorique appelé terukkuttu par un professeur de l’université de Pondichéry, un peu dans le genre du Kathakali du Kerala.
   Il faudrait ajouter le domaine folklorique qui a été exploité par moi : les chansons folkloriques, les contes folkloriques et le théâtre folklorique.

   Pour conclure, la vie littéraire et culturelle, passée et présente, du territoire ne s’est pas éloignée, par la colonisation, de son patrimoine, mais a été revêtue de couleurs qui n’ont fait que l’enrichir.


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